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Catastrophe naturelle - Condamnation de l'ex-maire de La Faute-sur-Mer : les élus interpellent l'Etat

L'Association des maires ruraux de France (AMRF) a préconisé une réforme de la "gestion de l'aménagement du territoire et des espaces", après la condamnation le 12 décembre de l'ancien maire de La Faute-sur-Mer jugé pour la mort de 29 personnes lors du passage de la tempête Xynthia en 2010 (lire ci-contre notre article du 12 décembre 2014). Estimant "extrêmement sévère" le jugement rendu à l'encontre de René Marratier et de son ex-adjointe à l'urbanisme, l'AMRF a déclaré dans un communiqué qu'"on ne peut que s'interroger sur le fait que toute la chaîne de responsabilité, du demandeur de permis de construire aux différents acteurs du dossier, ne soit pas concernée par ce jugement". Selon l'AMRF, "cette décision amène les maires ruraux à exiger au plus vite des décisions fortes pour que cesse le mode actuel de gestion de l'aménagement du territoire et des espaces".
"Les attendus du jugement trahissent un contexte que nous dénonçons depuis des années qui organise la gestion des collectivités uniquement autour du critère de population", souligne l'AMRF qui s'alarme des "pressions de toutes sortes et particulièrement financières" sur les élus et critique "un processus de dotations qui [les] encourage à toujours voir plus gros". "L'actualité récente dans le domaine des inondations, nous rappelle que la politique de prévention est à revoir d'urgence et que la pensée de l'Etat ne peut se limiter à la question des responsabilités finales sans traiter en amont celle de l'aménagement du territoire", conclut l'association que préside Vanik Berberian, maire (MoDem) de Gargilesse-Dampierre (Indre).
Plusieurs élus du littoral interrogés par l'AFP se sont aussi dits très inquiets après le jugement du tribunal correctionnel des Sables-d'Olonne. "Ecoeuré et outré!", le maire UMP de Port-Vendres, Jean-Pierre Romero, résume le sentiment d'un grand nombre d'élus de petites communes, parfois victimes des situations héritées de leurs prédécesseurs. Dans cette collectivité des Pyrénées-Orientales, par exemple, "des maisons ont été construites en zones inondables", explique Jean-Pierre Romero tout en soulignant qu'il n'est pas "celui qui a délivré ces permis de construire". Sa commune de 4.000 habitants attend son classement en état de catastrophe naturelle depuis les inondations de fin novembre qui ont fait un mort dans la région. Instruit par cette douloureuse expérience, l'élu dit avoir "fait annuler la construction d'un restaurant en zone inondable", car "il faut être strict". Mais à la Faute-sur-mer comme ailleurs, Jean-Pierre Romero pointe aussi du doigt la responsabilité des propriétaires: "les gens ont bien acheté les maisons, non?".

Solidarité nationale

Dans ce dossier, "l'Etat n'a pas fait son boulot !", tranche Albert Larrousset, maire UMP de Guéthary (Pyrénées-Atlantiques). Le président des élus du littoral de la Côte basque dénonce à son tour la condamnation "tout à fait injuste", selon lui, de ses collègues vendéens. "Les services de l'Etat ont laissé passer le contrôle de légalité, ils ont tout laissé faire, au lieu d'arrêter ces constructions". "Si nous prenions en compte toutes les responsabilités qui nous incombent, nous ne serions jamais maires", ajoute l'élu basque. "Nous sommes toujours confrontés au même dilemme : respecter le principe de précaution tout en développant l'économie du village".
La "jurisprudence" des Sables-d'Olonne "ne résout rien", renchérit Lionel Quillet, maire de Loix, petite commune de 690 âmes, et président de la communauté de communes de l'île de Ré (Charente-Maritime) dont les digues ont considérablement souffert lors du passage de Xynthia en 2010. "Le vrai problème, selon cet élu, c'est qu'entre le littoral fluvial et maritime, il y a aujourd'hui 18 millions de Français logés en zones inondables". Or, à l'inverse de beaucoup d'autres pays confrontés aux mêmes caprices climatiques, la France "décentralise la prise en charge d'un risque bien souvent beaucoup trop lourde pour la seule commune", juge Lionel Quillet. "On peut dans ces conditions tout à fait imaginer une commune de 300 habitants se voir contrainte d'assumer l'entretien d'une digue estimé à 1 million d'euros", explique-t-il.
"Un élu seul, fut-il très connecté ou passionné sur ces questions, a besoin d'un certain nombre d'informations, et besoin aussi d'avoir la solidarité départementale, régionale et nationale qui s'applique", insiste Renaud Lagrave, conseiller municipal PS à Mont-de-Marsan mais surtout président du groupement d'intérêt public (GIP) Littoral Aquitaine. "Je pense qu'on est aujourd'hui en train de montrer par A + B les limites de l'engagement d'un certain nombre de collectivités et d'élus face à des problématiques administratives, législatives et financières", estime Renaud Lagrave, qui demande un "choc de simplification administratif sur ces questions de littoral".

 

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