Catastrophe naturelle - Procès de la tempête Xynthia : l'ancien maire de La Faute-sur-Mer condamné à quatre ans de prison ferme
L'ancien maire de La Faute-sur-Mer (Vendée) et son ex-adjointe à l'urbanisme, jugés pour la mort de 29 personnes lors du passage de la tempête Xynthia en 2010, ont été condamnés ce 12 décembre à respectivement quatre et deux ans de prison ferme, jugement dont René Marratier entend faire appel. Le tribunal est allé au-delà des réquisitions du ministère public le 15 octobre - quatre ans de prison, dont trois ferme -, à l'encontre de René Marratier, maire de la commune de 1989 à 2014 et toujours conseiller municipal. René Marratier a aussitôt annoncé son intention de faire appel, se disant "très atterré" par sa condamnation qu'il a qualifiée d'"injuste", assurant être "le lampiste, bouc-émissaire de la situation". Le procès en appel devrait se tenir à l'automne 2015 à Poitiers, a-t-on précisé de source judiciaire. Françoise Babin, ex-adjointe à l'urbanisme, présidente de la commission d'urbanisme, par ailleurs promoteur immobilier et propriétaire de nombreux terrains sur la commune, a finalement été condamnée à 75.000 euros d'amende en plus des deux ans de prison ferme.
Le tribunal correctionnel des Sables-d'Olonne a estimé que les anciens élus connaissaient parfaitement les risques d'inondation dans la station balnéaire mais avaient "occulté ce risque pour ne pas entraver la manne de ce petit paradis". Le tribunal a évoqué dans cette affaire "un manque de sérieux et de rigueur professionnelle" de la part des services décentralisés de l'Etat, mais pas une faute caractérisée. Et de préciser qu'au final "l'Etat ne pouvait pas se substituer au maire de La Faute-sur-Mer". Ce dernier "a choisi en toute liberté de passer outre le risque", selon le tribunal qui estime que les élus le connaissaient, mais "ont parié que le risque connu ne se réaliserait pas".
"Procès en sorcellerie", selon l'un des avocats du maire
Le passage de la tempête Xynthia à La Faute-sur-Mer a fait 29 morts, essentiellement des personnes âgées, ainsi que de jeunes enfants, dans la nuit du 27 au 28 février 2010. La plupart des victimes ont péri noyées dans des maisons de plain-pied, qui auraient dû comporter un étage en raison du risque de submersion de la digue censée protéger leurs habitations. "C'est un procès en sorcellerie qui est fait, qui ne correspond pas à la réalité des faits", a réagi vendredi maître Didier Seban, l'un des avocats de René Marratier, une "décision déraisonnable", a-t-il estimé. "Le tribunal voulait condamner M. Marratier, c'est ce qui ressortait des déclarations du président dès le premier jour. Il l'a condamné à la fin, comme s'il n'y avait pas eu d'audience", a-t-il ajouté. "C'est une peine qui n'a jamais été prononcée pour des délits non intentionnels" à l'encontre d'un élu local, a ajouté maître Antonin Lévy, autre avocat de René Marratier.
"L'important, c'est d'avoir fait condamner. Le plus accablant, c'est l'analyse du tribunal", a souligné maître Corinne Lepage, avocate de l'association des victimes et de plus de 120 parties civiles. "L'Etat a commis des erreurs, mais ces erreurs étaient accessoires et sans conséquences si les élus avaient joué leur rôle." Pour Renaud Pinoit, le président de l'Avif, l'association des victimes, "c'est un soulagement, une satisfaction".
Deux autres prévenus étaient également jugés pour "homicides involontaires". Le fils de l'ex-adjointe à l'urbanisme, Philippe Babin, poursuivi pour ne pas avoir organisé de surveillance de la digue la nuit de la tempête, a, lui, été condamné à 18 mois de prison ferme, tandis que le seul représentant de l'Etat, Alain Jacobsoone, accusé de ne pas avoir prévenu le maire de La Faute-sur-Mer des dangers de Xynthia, a été relaxé. Pour le tribunal, Alain Jacobsoone n'avait "qu'une connaissance lointaine des risques d'inondation à La Faute-sur-Mer", tout comme pour la "fragilité de la digue". Deux sociétés de BTP locales ont aussi été poursuivies comme personnes morales : l'une a été relaxée, l'autre a été condamnée à 30.000 euros d'amende.
Le total des dommages et intérêts accordés aux parties civiles atteint plusieurs millions d'euros. Près de 1,8 million d'euros ont été accordés pour la seule famille du Dr Ahmed Bounaceur, qui perdit cette nuit-là sa mère, sa femme et ses quatre enfants.