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Environnement / Transports - Concertation autour de grands projets : le député Bertrand Pancher rappelle les principes à respecter

La concertation autour de grands projets publics, en France, on ne sait pas faire. C'est l'avis du député-maire de Bar-le-Duc (Meuse, UDI) Bertrand Pancher. "On passe en force", a-t-il déploré le 23 mars 2016, lors d'une conférence de presse, "on ne se donne pas les moyens de réunir les conditions d'un dialogue apaisé".
Illustrations : la liaison ferroviaire Lyon-Turin et l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, deux projets emblématiques des blocages qui ne manquent pas de se créer entre les tenants d'une opération d'envergure et ses opposants.

Débattre de l'utilité publique d'un projet et des alternatives

Pour le député, ces deux projets illustrent la façon dont les principes de la concertation sont, dans la pratique, "bafoués". Ainsi le débat porte rarement sur l'opportunité même de la création de ces nouveaux équipements. Pour chacun des deux projets, les alternatives n'auraient au départ pas été suffisamment examinées. Concernant le Lyon-Turin, "en rénovant le réseau ferroviaire existant, on arriverait à avoir 75% de transport de marchandises en moins dans les tunnels du Mont-Blanc et du Fréjus", a affirmé Daniel Ibanez, économiste des procédures collectives et opposant au projet. Même type d'alternative évoqué, dans le cas de Notre-Dame-des-Landes, par Françoise Verchère, co-présidente du Collectif d'élus doutant de la pertinence de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes : "La modernisation de l'aéroport Nantes-Atlantique permettrait d'accueillir jusqu'à 9 millions de voyageurs."

Prendre en compte l'impact environnemental et l'évolution des besoins

Autre point relevé par Bertrand Pancher : "Les évaluations socio-économiques ne prennent pas en compte l'impact environnemental." La richesse environnementale du site en zone humide choisi pour le projet Notre-Dame-des-Landes est désormais bien connue ; du côté du Lyon-Turin, le projet impliquerait selon Daniel Ibanez le "drainage de 200 à 300 mètres cubes d'eau", perturbant l'équilibre hydrique du territoire.
En outre, entre l'émergence du projet et sa concrétisation, des dizaines d'années peuvent s'écouler, ce qui implique nécessairement de réactualiser l'évaluation des besoins et la notion d'"utilité publique". Ce nouvel examen n'aurait eu lieu pour aucun des deux projets ; entre la France et l'Italie, depuis 1994, le trafic de marchandises aurait pourtant chuté de plus d'un tiers, clame Daniel Ibanez.

Attendre la fin des recours pour démarrer les travaux

"On ne saucissonne jamais le périmètre de l'enquête", ajoute Bertrand Pancher. Le référendum qui concernera a priori le seul territoire de la Loire-Atlantique n'est, à ce titre, pas approprié, pour Françoise Verchère, puisque le projet d'aéroport dit "grand ouest" concerne les habitants et les collectivités de deux régions.
Quant au dernier principe de bonne concertation cité par le député, "attendre la fin des recours juridiques avant de commencer les travaux", il n'aurait pas été respecté pour le Lyon-Turin – "on a déboisé 40 hectares" alors que la Cour européenne des droits de l'homme a été saisie, témoigne Daniel Ibanez. Sur le site de Notre-Dame-des-Landes, selon Françoise Verchère, le démarrage des travaux, alors qu'un contentieux demeure au niveau européen, n'a pu être évité que par l'occupation par les zadistes.

Accessibilité, transparence et sincérité de l'information

En synthèse, pour Daniel Ibanez, il y a en France "un grand apparat sur la démocratie participative et malheureusement peu de pratique". C'est pourquoi le député de la Meuse, également président du think tank Décider ensemble, s'emploie à "pointer les défaillances" mais aussi à "avancer des propositions pour rénover le débat public". Douze "principes à respecter", plus exactement, "pour mener une démarche de concertation efficace" (voir ci-contre).
Il s'agit notamment de "rendre l'information accessible, transparente et sincère". Dans un courrier daté du 22 mars 2016 au secrétaire d'Etat en charge des Transports, le député rappelle que la loi prévoit un "bilan économique et social des grands projets d'infrastructures" et la publication de ce bilan "au plus tard cinq ans après leur mise en service". Il cite en particulier la ligne ferroviaire "Perpignan-Figueras", inaugurée en janvier 2011, et dont le bilan n'aurait pas été diffusé. Le concessionnaire de cette ligne à grande vitesse ayant fait faillite en juillet 2015, alors que, d'après Daniel Ibanez, "trois fois plus de camions" circuleraient sur le tronçon routier qu'entre Lyon et Turin, le bilan socio-économique pourrait éclairer le débat sur les projets en cours.

Pluralisme de l'expertise, impartialité des organisateurs de la concertation…

Parmi les autres principes rappelés par Bernard Pancher, on retiendra le fait de "maintenir un dialogue pendant toute la durée du projet", de "garantir l'impartialité et la loyauté de l'organisateur de la concertation" ou encore de "permettre le pluralisme de l'expertise et l'étude des alternatives".
Quant à la réforme prochaine visant à démocratiser le dialogue environnemental, le député la conteste sur la forme - "prendre des décisions sur la concertation par ordonnance est pour le moins étonnant" – comme sur le fond – "on ne va pas assez loin dans l'association des citoyens". Daniel Ibanez estime en outre que l'absence de dialogue ne provient "pas d'un problème de réglementation", qui a été sans cesse enrichie sur le sujet depuis 1982, mais "d'un problème de pratique". "On a un système qui contraint les gens à se mettre dans la rue", conclut Bertrand Pancher, pour qui la France devrait s'inspirer des pratiques des pays du nord de l'Europe et du Québec.

 

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