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Commande publique - Communiquer des informations confidentielles ne lèse pas toujours les candidats évincés

Dans un arrêt du 16 novembre 2009, le Conseil d'Etat estime que la communication d'informations susceptibles de nuire à la concurrence loyale entre opérateurs économiques n'altère pas la concurrence entre les entreprises candidates, si cette communication intervient après l'attribution du marché.
En l'espèce, la région Réunion avait décidé, après avoir attribué le marché à un groupement d'entreprises, d'informer les candidats évincés des motifs détaillés du rejet de leurs offres. Pour répondre aux exigences de l'article 83 du Code des marchés publics qui impose que "le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours à compter de la réception d'une demande écrite, à tout candidat écarté qui en fait la demande les motifs détaillés du rejet de sa candidature ou de son offre", la collectivité avait communiqué aux candidats évincés, notamment aux sociétés requérantes, le rapport d'analyse des offres.
A cet égard, le Conseil d'Etat considère que "la circonstance qu'elles (les sociétés requérantes) auraient reçu, après la sélection des offres, communication d'informations confidentielles sur les concurrents, n'a pas été susceptible, eu égard notamment au stade de la procédure auquel est intervenu cette communication, de les léser".
Ainsi, même si le pouvoir adjudicateur communique des informations susceptibles de nuire à la concurrence loyale entre les entreprises, si cette communication a lieu après la sélection d'une offre, ce manquement n'est pas susceptible de léser un candidat évincé. Le juge administratif suprême applique ici le raisonnement de l'arrêt Smirgeomes du 3 octobre 2008 : dans la cadre du référé précontractuel, le requérant doit prouver que l'irrégularité dont il se plaint l'a lésé ou risque de le léser. 
Prudence cependant : le Conseil d'Etat ne précise pas si le rapport d'analyse des offres est un document communicable ou non. Pour en savoir plus sur ce point, on ne peut que se reporter au rapport de la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) de 2008 qui indique quelles sont les informations communicables et celles qui ne le sont pas car pouvant porter atteinte au libre jeu de la concurrence.
Enfin, cette décision est au moins étonnante du point de vue de la violation du principe de concurrence loyale, qui s'applique sans considération de temps. En effet, sur un marché concurrentiel, les entreprises qui opèrent dans un même secteur économique sont toujours en concurrence. Quel sera l'effet d'une telle divulgation d'informations confidentielles sur la concurrence loyale entre ces entreprises, qui pourront par la suite se porter candidate à un même appel d'offres ?

Seules de futures décisions jurisprudentielles pourraient permettre aux acheteurs d'y voir plus clair sur cet équilibre fort fragile entre le principe de transparence et celui de préservation de la concurrence loyale.

 

L'Apasp

 

Références : Conseil d'Etat, 16 novembre 2009, Région Réunion, n° 307620 ; Conseil d'Etat, 3 octobre 2008, Smirgeomes, no 305420 ; Commission d'accès aux documents administratifs, rapport d'activité 2008