Finances locales - Communication financière : les ménages, nouvelle cible de l'intercommunalité ?
Les avis de taxe d'habitation 2011 comportaient une nouvelle colonne matérialisant pour la première fois la perception de cet impôt par les intercommunalités. A l'origine de cette nouveauté : le transfert au bloc local de la part départementale de la taxe d'habitation, décidé fin 2009 par le Parlement dans le cadre de la suppression de la taxe professionnelle et de la réforme de la fiscalité locale.
Les contribuables ont-ils prêté attention à cet important changement et l'ont-ils compris ? "Nous avons reçu quelques appels de la part de personnes croyant que nos taux, nuls en 2010, avaient bondi en 2011", indique le directeur financier d'une communauté de communes. "Des habitants que j'ai rencontrés au marché m'en ont parlé", affirme de son côté Pascal Buchet, maire de Fontenay-aux-Roses et rapporteur de la commission des finances de l'Association des maires de France (AMF). "Curieusement, les contribuables n'ont pas posé de questions", témoigne pour sa part le cabinet de la présidente de la communauté du pays de Vendôme, Catherine Lockhart, qui trouve une explication : "Les contribuables lisent peu ou pas leur feuille d'impôt. Ce qui les fait réagir, ce sont les augmentations des sommes à payer."
L'apparition de l'intercommunalité parmi les bénéficiaires de la taxe d'habitation n'a donc pas, semble-t-il, suscité une vague massive d'étonnement chez les ménages. Le risque existait pourtant. Car la communication nationale sur cet événement a été réduite au minimum. Seulement quatre lignes de la notice éditée avec l'avis d'imposition y faisaient allusion. Certes précédées de la mention en gras "Attention", elles étaient imprimées en caractères très petits, ne facilitant pas leur lecture. La direction générale des Finances publiques n'a pas prévu d'autres dispositifs de communication. "Lorsqu'il s'agit de l'impôt sur le revenu, les services de l'Etat font le nécessaire. C'est bien différent pour les impôts locaux", dénonce Pascal Buchet.
Eviter toute confusion chez les citoyens
Dès le 6 avril 2011, le président de l'AMF, Jacques Pélissard, avait pourtant écrit un courrier au ministre du Budget dans le but de le sensibiliser à l'enjeu d'une communication à organiser en direction des contribuables avec l'envoi des avis de taxe d'habitation. Sans nouvelles de sa demande, l'AMF a reçu, le 16 juin 2011, un courriel et un appel téléphonique de Bercy. L'association était priée, pour le lendemain au plus tard, d'émettre ses observations sur la maquette de l'avis de taxe d'habitation avant que celle-ci ne parte à l'imprimerie ! "Nous voulions qu'il soit écrit que le transfert de la part de taxe d'habitation du département vers les communes et les intercommunalités ne résulte ni d'une décision ni d'une demande des élus locaux", rappelle Pascal Buchet.
On sait que l'AMF n'a pas été écoutée. Le maire de Fontenay-aux-Roses et vice-président de la communauté d'agglomération Sud-de-Seine le regrette. "Au moment de la création de la communauté, nous avons pris l'engagement de nous appuyer seulement sur la fiscalité des entreprises. Aujourd'hui, si les gens ne savent pas que les pouvoirs nationaux ont imposé à l'intercommunalité une fiscalité sur les ménages, ils peuvent se sentir floués", explique-t-il. Par ailleurs, les élus craignent que les contribuables ne pensent que les intercommunalités prélèvent un impôt supplémentaire. Or la taxe professionnelle a été supprimée et les impôts locaux ont simplement été redistribués dans le cadre d'une réforme parfaitement neutre pour les collectivités et les contribuables – en tout cas la première année.
Ce que les collectivités ne disent pas toujours
En l'absence de communication nationale sur le transfert de taxe d'habitation, les maires se sont retrouvés une nouvelle fois en première ligne. Aux yeux des contribuables, ils demeurent en effet identifiés comme les responsables de l'impôt local, surtout dans certaines régions, comme l'Ile-de-France, où l'intercommunalité est jeune. Dans le meilleur des cas, les maires ont dû expliquer le changement. Dans le pire des cas, ils ont dû entendre les doléances de ces contribuables.
Des communautés, petites ou grandes, ont pris leur part de responsabilité. En général à partir de la fin de l'année 2010, elles ont expliqué les grandes lignes de la réforme de la fiscalité locale et ses conséquences, le plus souvent au moyen du journal communautaire, parfois par le biais d'une lettre spéciale (des exemples de réalisations peuvent être consultés sur le site de l'ADCF, voir lien ci-contre). Tout en ayant conscience que l'exercice était un peu ambigu. Il est en effet dans l'intérêt des collectivités que les citoyens sachent pour qui et pour quoi ils paient des impôts. Dans le même temps, les collectivités "ne pointent pas toujours le fait qu'avec la réforme, les ménages deviennent leurs principaux contribuables", souligne Claire Delpech, chargée de mission à l'Assemblée des communautés de France. Tout simplement parce que "les élus n'ont pas forcément envie que cela se sache", confie-t-elle. Si demain les impôts augmentent, ce sont en effet les ménages qui auront à en subir les conséquences.
La communauté d'agglomération du Pays voironnais est l'une de ces intercommunalités qui ont fait un effort de pédagogie pour informer les habitants sur les changements affectant la fiscalité locale. L'opération avait été précédée dès 2008 d'informations sur la hausse de la fiscalité sur les ménages et l'adoption d'un pacte financier et fiscal décidés à ce moment-là par les élus.
Le budget pour "les nuls"
"Nous voulons passer d'une communication ponctuelle sur les finances et la fiscalité à une communication régulière, intégrée à la communication institutionnelle, destinée à rendre des comptes au citoyen", révèle Candice Brotel, directrice du pôle ressources et pilotage de la communauté. L'une des concrétisations de cette politique de communication doit être le "budget communautaire pour les nuls", que l'on devrait trouver d'ici quelques mois sur le site internet de l'institution. Par ailleurs, les autres vecteurs de la communication - journal interne et externe, réunions animées par les élus, etc. - continueront à jouer un rôle important.
La démarche du Pays voironnais est plutôt innovante. "En général, les collectivités ne communiquent pas sur leur stratégie fiscale. Ceci est particulièrement vrai lorsqu'elles décident d'augmenter les impôts", rappelle Stéphane Masse, directeur de mission associé du cabinet FCL. D'après l'expert, la relative discrétion des collectivités s'est encore vérifiée à l'occasion de la mise en oeuvre de la réforme de la fiscalité locale. "Ce qui préoccupe avant tout les élus dans le domaine des finances, c'est le flou qui subsiste sur l'évolution à venir des recettes fiscales", révèle-t-il.