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Finances locales - Communautés urbaines : l'investissement toujours dynamique en 2012... mais jusqu'à quand ?

Le fait que les 16 communautés urbaines (ou, plus précisément, les 15 communautés urbaines auxquelles s'est adjointe la nouvelle métropole niçoise) aient pu, malgré le contexte, continuer à soutenir leur effort d'investissement en 2012, pour marquer une hausse de 11%, succédant à une hausse de 13% déjà en 2011, constitue sans doute le point saillant de "Focus", le panorama semestriel de l'état des finances de ces grandes intercommunalités.
Edité et présenté par l'Association des communautés urbaines de France (Acuf), ce 15e numéro de Focus, étude jusqu'ici réalisée par le service des études de Dexia, est maintenant cosigné par la Banque Postale. Mais il y a en réalité "une vraie continuité", comme l'a relevé le 25 juin Michel Delebarre, le président de l'Acuf, sachant que c'est à peu près la même équipe qui œuvre, sous la houlette de Thomas Rougier. Lequel a tout d'abord rappelé quelques chiffres témoignant du fait que les communautés urbaines sont "des poids-lourds" des territoires français : elles représentant (avec Nice) presque 8 millions d'habitants, soit 12% de la population, et pèsent près de 11 milliards d'euros de dépenses (dont 9,3 milliards d'euros de dépenses propres, hors remboursement de la dette et reversements aux communes). Elles affichent de surcroît "un niveau d'intégration très fort" susceptible de préfigurer la France des métropoles devant se dessiner dans les années à venir.
Le "poids" des communautés urbaines s'illustre aussi lorsque l'on considère les dépenses de chaque catégorie de collectivités sur les territoires concernés. Lorsque la région dépense 400 euros par habitant et le département 1.060 euros, le bloc local en dépense 2.560… dont 1.350 pour la commune et 1.210 pour la communauté urbaine. La communauté urbaine représente ainsi 47% de la dépense du bloc local, et même 65% sur la section d'investissement (40% sur la section de fonctionnement).
Autres données utiles de base à qui souhaiterait faire un peu de pédagogie sur ce que représentent les communautés urbaines : leurs champs d'intervention. Les transports absorbent ainsi près du tiers de leurs dépenses propres (29%), suivis de la voirie et de l'aménagement urbain (18 et 16%) puis de l'environnement avec l'eau et l'assainissement (15%) et les déchets ménagers (13%). L'action économique ne répondait en 2012 que pour 6% de ces dépenses, dans un camembert sur lequel on entrevoit tout juste l'incendie et secours (2%) et l'éducation (1%).

Un cycle classique

Sur 9,3 milliards d'euros de dépenses propres, l'étude distingue naturellement les dépenses de fonctionnement (5,9 milliards, soit 63% : charges "à caractère général", frais de personnel, charges d'intérêts) et les dépenses d'investissement (3,5 milliards, doit 37%).
Les premières ont connu en 2012 une hausse de 3,5% : "Cela reste une croissance assez nette mais elle est inférieure à l'année précédente. Il y a donc un tassement de cette évolution", commente Thomas Rougier, en sachant que les charges d'intérêt ont augmenté de 8% alors que la hausse des frais de personnel n'est que de 3,3%.
Les dépenses d'investissement elles, avec +11,2%, connaissent "une très nette progression". "Cette tendance s’observe sur treize communautés urbaines en 2012, en lien avec de nombreux projets en cours d’élaboration (principalement transports, eau et assainissement ainsi que voirie)", précise l'étude, qui poursuit : "Ces dynamiques sont caractéristiques du rythme soutenu observé sur les dernières années de mandat. Elles correspondent notamment au processus d’achèvement des projets lancés après les élections". De quoi inciter l'Acuf et la Banque Postale à comparer le cycle du mandat actuel et celui du mandat précédent… pour constater de fortes similitudes. "Nous sommes aujourd'hui sur un cycle classique, tout juste un cran en dessous quant au niveau d'investissement, mais toujours à un niveau important", résume Thomas Rougier.

"Les collectivités ont surmobilisé l'emprunt"

S'agissant des recettes, on saura que les recettes totales hors emprunts des CU se sont élevées en 2012 à 10,6 milliards d'euros, en hausse de 3,6%. Cette hausse a été portée uniquement par les recettes fiscales (5,3 milliards), qui ont augmenté de 4,8%, sachant que les dotations (2,4 milliards) ont quant à elles diminué de 0,5%. "Le gel de la dotation globale de fonctionnement s'est en fait traduit par un repli de 1,6% en 2012", précise Thomas Rougier. Sur la fiscalité, celui-ci parle d'une "très faible utilisation du levier fiscal", relevant par exemple que seule une CU sur quatre a opté pour une hausse des taux de taxe d'habitation. Même chose d'ailleurs sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom). Sur ces deux taxes, c'est davantage l'effet bases que l'effet taux qui a joué. Dans certaines communautés, le levier du versement transport (qui représente pas moins de 19% des ressources fiscales) a été activé.
Se penchant, enfin, sur l'endettement des CU, l'étude commence par souligner que l'autofinancement des investissements (épargne brute) a progressé et a pu être complété par des recettes d'investissement également en hausse, essentiellement en lien avec le FCTVA. Mais l'on constate aussi que la variation de la dette est repartie à la hausse en 2012. L'une des explications est paradoxalement à chercher du côté de la crise de l'accès au crédit des collectivités. Celle-ci a en effet donné lieu au déblocage d’enveloppes de financement de la Caisse des Dépôts, à l'arrivée de La Banque Postale sur le marché des collectivités, aux initiatives de collectivités de recours au marché obligataire… et au final, "les collectivités ont surmobilisé l'emprunt sur 2011 et 2012, par précaution et par anticipation".
De son côté, Olivier Landel, le délégué général de l'Acuf, prévient : certes, "la situation financière des CU est maîtrisée" et l'investissement est resté dynamique en 2012, mais "ce niveau d'investissement a été difficile à tenir en 2013 et le sera encore en 2014". Et pas uniquement pour cause d'élections locales. Selon lui en effet, tout ce qui est en train de se tramer en matière de baisse des dotations, de répartition de cette baisse et de péréquation ne présage rien de bon pour les ressources des CU. D'ailleurs, qui dit baisse de l'investissement dit aussi baisse du recours à l'emprunt… ce qui signifierait que cette crise de l'accès au crédit est bien refermée. A tel point que l'offre devrait être supérieure à la demande, note Olivier Landel, qui s'en réjouit : "C'est ce que nous souhaitions. Les collectivités vont ainsi pouvoir bénéficier des effets d'une réelle concurrence."