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Commande publique - Comment résilier unilatéralement un marché public ?

Le 20 octobre, la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l'Economie a publié une nouvelle fiche technique portant sur la résiliation unilatérale des marchés publics. Forte de ses prérogatives de puissance publique, l’administration peut passer outre le principe du commun accord qui règne normalement en droit des contrats et décider unilatéralement de mettre fin à un marché public. Cette faculté résulte d’une jurisprudence constante depuis près d’un siècle et demi (CE 17 mars 1864, "Paul Dupont") qui lui est reconnue même dans le silence du contrat. Toutefois, ce droit unilatéral n’est pas absolu. L’administration doit toujours – sauf faute du titulaire - verser une indemnisation au cocontractant qui subit cette résiliation contre son gré (voir encadré ci-dessous). Le pouvoir adjudicateur a le choix entre deux formes de résiliation unilatérale.
Premièrement, la résiliation peut être de plein droit lorsque le titulaire se retrouve dans l’impossibilité matérielle de poursuivre l’exécution du marché : soit à cause d’un cas de force majeure (obstacles insurmontables et indépendants de la volonté des parties), soit en cas de disparition (décès, faillite ou incapacité civile du cocontractant). Ensuite, la résiliation peut être anticipée par l’administration et se justifier soit par un motif d’intérêt général (voir encadré ci-dessous), soit par la faute du titulaire. La résiliation pour motif d’intérêt général ne peut être interdite par le contrat et donne lieu à une indemnisation de l’intégralité du dommage subi par le titulaire (attention, ce n’est pas le cas des marchés à bons de commande ni des accords-cadres) sous réserve que ce dernier puisse justifier le montant requis à partir des dépenses qu’il a déjà engagées et du manque à gagner qu’il va supporter.
En revanche, la résiliation pour faute du titulaire relève du pouvoir de sanction de l’administration et n’implique aucune indemnisation. Elle peut être "simple" ou "aux frais et risques du titulaire". En cas de résiliation simple, le titulaire est simplement dégagé de ses obligations. La résiliation aux frais et risques fait quant à elle subir au titulaire défaillant le surcoût engendré par la passation d’un marché de substitution conclu pour achever les prestations du marché initial. Le Code des marchés publics (CMP) impose deux conditions cumulatives pour rendre le nouveau marché opposable au titulaire initial : le contrat doit comprendre les mêmes prestations que le premier marché et l’entrepreneur défaillant doit disposer du droit de suivre le marché de substitution.
La procédure applicable est la même quel que soit le mode de résiliation unilatérale. Une mise en demeure doit d’abord être notifiée au titulaire par tout moyen permettant de donner une date certaine à sa réception (en mains propres ou avec accusé de réception). La lettre doit obligatoirement mentionner : les motifs de la mise en demeure, un délai raisonnable pendant lequel le titulaire peut tenter de remédier à la situation qui pose problème et enfin la sanction encourue. Si le cocontractant ne donne pas suite à la mise en demeure, la décision de résiliation unilatérale signée par l’autorité compétente lui est notifiée, accompagnée d’un décompte de liquidation.

 

L’Apasp

 

 

Références : fiche technique de la DAJ du 20 octobre 2010 : "La résiliation unilatérale des marchés publics par l’administration" ; article 12-1-10° du CMP ; résiliation pour faute : article 47 du CMP.

Les motifs d’intérêt général :
Les motifs d’intérêt général ne sont pas explicitement définis par les textes. Il faut donc se tourner vers la jurisprudence. Ainsi, un motif d’intérêt général peut par exemple résulter de l’abandon du projet par la personne publique, de l’adoption d’une nouvelle législation rendant le contrat inapplicable, de l’illégalité ou de l’irrégularité du marché ou encore du fait que le cocontractant ne dispose plus des garanties suffisantes pour honorer ses obligations.
L’indemnisation :
Par principe, la résiliation unilatérale implique une indemnisation qui peut être stipulée au contrat ou déterminée en fonction du préjudice subi. Par exception, le contrat peut malgré tout exclure toute indemnisation, prévoir un montant moindre ou encore un montant supérieur à condition qu’il ne soit pas disproportionné. Le montant de l’indemnisation est fixé :
- soit par l’application des règles prévues par le cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable et à condition que le contrat concerné en fasse expressément mention ;
- soit par l’application des règles spécifiques définies d’un commun accord entre les parties signataires dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché ;
- soit par accord amiable si l’accord est impossible ou dans le silence du contrat : le pouvoir adjudicateur et le titulaire ont six mois pour s’entendre sur le montant. Si la négociation n’aboutit pas, c’est le montant proposé par la collectivité qui s’impose (art. 100 CMP). Bien entendu, rien n’interdit au cocontractant de l’administration de saisir le comité consultatif de règlement amiable ou éventuellement le juge administratif afin de contester le montant de l’indemnisation proposée par la personne publique.