Archives

Habitat - Comment franchira-t-on la surbosse de l'Anru ?

Mercredi 27 octobre au matin, la commission des finances de l'Assemblée nationale examinait les crédits de la mission "ville et logement". Les députés ont alors refusé d'assujettir les organismes HLM à la contribution sur les revenus locatifs (voir notre article ci-contre du 28 octobre). Cette mesure, qui figurait dans le projet gouvernemental, visait à obtenir 340 millions d'euros pour le financement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). La commission des finances a adopté un autre mécanisme sous la forme d'une taxe sur le potentiel financier des organismes HLM. Le soir même, une autre commission de l'Assemblée, celle des affaires économiques, auditionnait le secrétaire d'Etat au logement, Benoist Apparu. Les comptes rendus de cette audition apportent des précisions intéressantes sur les politiques du logement, de la rénovation urbaine et de l'hébergement.

Hébergement : un budget ni transparent ni sincère depuis 15 ans 

Benoist Apparu s'est tout d'abord exprimé sur la refondation de la politique de l'hébergement. Lancée fin 2009 en accord avec les associations du secteur, cette politique est pour le secrétaire d'Etat sur de bons rails : les "services intégrés d'accueil et d'orientation" (SIAO), qui visent à mieux coordonner l'offre et la demande de places dans chaque département, sont "en place depuis le 15 octobre et leur installation sera finalisée le 1er novembre en relation étroite avec les partenaires associatifs et l'Etat". L'autre volet de la réforme est "la réorganisation complète du pilotage et du financement" du secteur. Or, côté crédits de l'Etat, il y a de quoi faire : "Depuis une quinzaine d'année, la loi de finances […] sur ce secteur d'activité n'est ni transparente ni sincère, a déclaré le secrétaire d'Etat. Les crédits votés, systématiquement inférieurs aux besoins, étaient toujours complétés par des décrets d'avance. L'Etat s'est donc engagé à faire voter une loi de finances initiale transparente, sincère." Cette sincérité budgétaire doit permettre de signer des contrats triennaux entre l'Etat et les associations. Michel Piron (UMP, Maine-et-Loire) "se félicite" donc de ce "retour à la sincérité budgétaire, mais sans excès, car on aurait pu imaginer qu'elle puisse avoir lieu quelques années auparavant".

Anru : après la bosse, la "surbosse" 

Le secrétaire d'Etat a ensuite répondu à des questions sur le financement de l'Anru. L'agence n'a actuellement plus aucun crédit budgétaire (sauf sur des programmes très spécifiques dans le cadre du grand emprunt sur les internats d'excellence). Ses ressources proviennent donc aujourd'hui uniquement d'Action logement (1%). Or, avec l'avancée des opérations de rénovation urbaine, les besoins en crédits de paiement deviennent très importants. "Supérieurs au milliard d'euros annuel jusqu'en 2015, avec un pic en 2012 de l'ordre de 1,5 milliard", selon Michel Piron.
Sans contester ces chiffres  - mais en parlant seulement d'une "surbosse" en 2012 -, Benoist Apparu a indiqué qu'il n'était pas possible pour la période 2012-2015 de garder les mêmes règles d'utilisation des fonds du 1% sans le "conduire à une situation financière catastrophique proche du dépôt de bilan". Bien que les négociations ne doivent s'ouvrir avec les partenaires sociaux qu'en 2011, le secrétaire d'Etat a indiqué dès à présent qu'il souhaitait maintenir les subventions du 1% à l'Anru et à l'Agence nationale de l'habitat (Anah) à leur niveau actuel en 2012 et 2013. Ces enveloppes ont d'ailleurs été prises en compte pour élaborer le budget pluriannuel de l'Etat. Ainsi pour l'Anru, les 770 millions de subvention annuelle du 1% s'ajouteraient à la "contribution" des HLM de 340 millions, afin d'atteindre environ un milliard d'euros de crédits de paiement. Dans cette situation, il manquerait toujours en 2012 de quoi financer la "surbosse". Benoist Apparu a indiqué que les discussions porteraient sur la possibilité pour le 1% d'apporter de l'argent sous forme "de prêts à court terme, à la place des prêts à long terme" du pass-foncier (dont le dispositif est en cours d'extinction). Le ministre n'a pas expliqué précisément aux députés quel serait le mécanisme mobilisé pour rembourser ces prêts.

Acquérir des logements occupés ne résout pas le problème du Dalo 

Le secrétaire d'Etat est également revenu sur la "péréquation", le "prélèvement" ou la "ponction" (suivant les orateurs) de 340 millions. Il a indiqué que cette mesure se justifiait d'une part par l'inégalité des besoins de construction sur le territoire, d'autre part par l'histoire du logement social. "Dans le quart nord-ouest de la France, le taux de fonds propres par logement social est le double de ce qu'il est dans le reste du pays. [...] Le logement social y étant plus important et plus ancien, il est amorti et dégage des fonds propres considérables." Lors des rencontres de Ville et Banlieue à la mi-octobre (voir notre article ci-contre du 18 octobre), des élus de droite comme de gauche ne contestaient pas les disparités évidentes de situations financières entre les organismes HLM. Mais Xavier Lemoine (UMP) et Claude Dilain (PS) avaient alors déploré qu'il soit fort délicat de tenir des "débats sereins sur cette question".
Enfin, Benoist Apparu a évoqué la mise en oeuvre du droit au logement opposable (Dalo) et s'est interrogé sur la nature des nouveaux logements sociaux financés ces dernières années : "S'il est vrai que nous avons doublé ces dernières années la production de logements sociaux, les collectivités locales financent à la fois des offres nouvelles et des acquisitions-réhabilitations déjà occupées par des publics qui ne sont pas des publics sociaux de fait. Or, ces acquisitions-réhabilitations ne deviendront des offres nouvelles que dans quinze ou vingt ans. Cette politique est pratiquée, malheureusement, aussi bien par la droite que par la gauche, Paris et les Hauts-de-Seine fonctionnant en la matière de la même façon."
Les crédits 2011 de la mission "ville et logement" seront discutés en séance plénière par l'Assemblée le lundi 8 novembre prochain.

 

Hélène Lemesle