Commande publique : les services achat en mode circuits courts...
La crise sanitaire a nécessairement d'importantes conséquences sur les politiques d'achat public. Les services achat des collectivités peuvent certes continuer à fonctionner - avec prudence - même sous la houlette des exécutifs communaux sortants. Tout en bénéficiant des souplesses apportées par les récentes ordonnances, une nouvelle donne apparaît : la nécessité de "favoriser l’approvisionnement local". Ce qui, hors temps de crise, ne peut en principe pas être un critère...
Report des municipales et commande publique
Alors que l’épidémie a entraîné le report du second tour des élections municipales, les équipes municipales sortantes restent en poste jusqu’à la fin de la crise. 4.922 communes se retrouvent aujourd’hui avec un conseil municipal qui n’a pas été renouvelé en intégralité. S’est alors posée la question de savoir si les délégations consenties sous l’ancienne mandature restaient valides durant la période transitoire. Le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales a clairement tranché la question, indiquant que "les assemblées délibérantes ont été prorogées par la loi d’urgence. Leur pouvoir ne se limite pas à la gestion des affaires courantes. Elles disposent, avec leurs exécutifs, de leurs pleines compétences dans le cadre défini par la loi". Les équipes municipales sortantes peuvent donc tout à fait conclure des marchés publics ou des concessions durant la période transitoire. Toutefois, ces dernières doivent rester prudentes et ne passer que des marchés strictement nécessaires. En effet, les élus locaux et futurs conseillers municipaux étant destinataires de l’ensemble des décisions prises par l’exécutif local en place, des recours pourraient être intentés.
Ceci, en rappelant que l'ordonnance du 25 mars 2020 est venue bouleverser les règles de passation et d'exécution des contrats de la commande publique : allongement des délais de remise des offres, prolongation des contrats en cours... (voir nos articles ci-dessous). Et que depuis, une nouvelle ordonnance, celle du 22 avril, comprend elle aussi des dispositions relatives à la commande publique (voir notre article du 23 avril). Ainsi notamment, elle établit que les collectivités locales et leurs établissements seront dispensés pendant la période d’urgence sanitaire de saisir les commission d'appel d’offres et les commissions de délégation de service public pour les projets d’avenants entraînant "une augmentation du montant global supérieure à 5%".
L’achat local, la solution pour assurer la continuité du service public
L’Association des maires de France (AMF) a publié le 21 avril un document rassemblant ses contributions à la préparation du déconfinement (voir notre article du 21 avril). Concernant la commande publique, l’AMF indique que pour gérer la crise, les collectivités ont dû "mettre en œuvre des prestations non prévues dans les contrats ou favoriser l’approvisionnement local".
L’achat local a notamment permis aux communes et intercommunalités de trouver des solutions "pour l’exécution des marchés publics pour lesquels les fournitures, les denrées ou les services se trouvent éloignés du lieu d’exécution". L’AMF prend ici l’exemple des Ehpad au sein desquels les services de restauration collective doivent continuer de fonctionner normalement.
Si l’approvisionnement local est "habituellement motivé et justifié par la recherche d’une plus grande qualité des denrées ou des services", il apparaît aujourd’hui comme "la seule solution à l’obligation de confinement et à l’exigence de continuité de certains services publics".
Hors temps de crise, l'attribution des marchés sur la base d'un critère de préférence locale n’est pas possible en ce qu’elle méconnaît notamment les principes de liberté d'accès à la commande publique et de non-discrimination. Si l'origine des produits ou l'implantation des entreprises ne peuvent donc pas être un critère de choix, l’acheteur peut en revanche se fonder sur l’approvisionnement en circuit court, autrement dit la minimisation voire l’absence d’intermédiaires avec le producteur.
La crise ayant engendré de nombreuses commandes supplémentaires ainsi qu’un recours important au localisme, l’AMF prévient : "Le retour à la normale et la période de facturation nécessiteront quelques libertés supplémentaires au droit des contrats." À ce titre, l’association d’élus demande que le caractère local des marchés de substitution reste possible pour "les contrats ne pouvant faire l’objet d’une exécution immédiate et complète en sortie de crise". Cela permettrait de soutenir les agriculteurs locaux mais aussi "de contenir les déplacements sur un secteur précis des agents publics et des salariés". Cette crise sera peut-être l’occasion pour les collectivités, via un sourcing "forcé", de modifier leur politique d’achats en faveur des circuits courts.