Covid-19 et commande publique : des mesures exceptionnelles par ordonnance
Allongement des délais de remise des offres, prolongation des contrats en cours... l'ordonnance du 25 mars 2020 vient bouleverser les règles de passation et d'exécution des contrats de la commande publique. Retour en détail sur ces nouvelles mesures exceptionnelles.
Comme annoncé dans notre article du 24 mars 2020, le gouvernement a décidé d'adapter certaines règles de la commande publique pour faire face à la crise sanitaire que connaît aujourd'hui la France. Publiée au Journal officiel de la République française ce 26 mars, cette ordonnance présentée la veille en conseil des ministres (aux côtés de 24 autres) est accompagnée d'un rapport au président de la République qui indique les deux objectifs de ce texte : "ne pas pénaliser les opérateurs économiques et permettre la continuité de ces contrats".
Durée de validité de l'ordonnance
L'article 1er de l'ordonnance fixe la durée de validité des mesures exceptionnelles qu'elle contient. Ainsi, toutes ces dérogations au droit de la commande publique pourront être utilisées "jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, augmentée d'une durée de deux mois."
Le gouvernement limite toutefois l'utilisation des dérogations "dans la mesure où elles sont nécessaires pour faire face aux conséquences, dans la passation et l'exécution de ces contrats, de la propagation de l'épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation".
Allongement des délais de consultation
Au vu des conditions actuelles, de nombreuses entreprises ne sont pas en mesure de répondre à un appel d'offres. C'est pourquoi l'article 2 de l'ordonnance prévoit un rallongement des délais de réception des candidatures et des offres. Sans fixer de délai impératif, le gouvernement demande aux acheteurs de prolonger les délais de consultation "d'une durée suffisante [ … ] pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner".
Prolongement des contrats en cours
L'article 4 de l'ordonnance autorise les acheteurs à prolonger par voie d'avenant les contrats en cours d'exécution qui arriveraient à terme pendant la période de crise sanitaire. Pour les concessions et les marchés à bons de commande, le gouvernement indique que la prolongation des contrats peut s'affranchir du respect de certains articles du code de la commande publique.
Cet article met toutefois une limite à la durée de ces prorogations. En effet, la prolongation d'un contrat ne pourra pas excéder la fin de la période d'état d'urgence sanitaire, augmentée de deux mois. À cette période déterminée, les acheteurs publics pourront ajouter "la durée nécessaire à la remise en concurrence à l'issue de son expiration." Cette marge de manœuvre est plutôt confortable pour les collectivités, leur permettant ainsi d'assurer le fonctionnement des services publics pendant cette crise sanitaire.
Versement des avances
Afin d'aider les entreprises et de faciliter leur trésorerie, l'article 5 de l'ordonnance permet aux acheteurs de verser des avances d'un montant supérieur à 60% du montant du marché ou du bon de commande. Pour les avances de plus de 30%, les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas tenus d'exiger la constitution d'une garantie à première demande. Ces mesures, à la discrétion des collectivités, peuvent grandement aider les entreprises à traverser cette crise.
Gestion des difficultés des entreprises
Concernant les entreprises rencontrant des difficultés à exécuter leurs prestations compte tenu du contexte actuel, l'article 6 instaure plusieurs règles pour gérer ces situations.
- Tout d'abord, le titulaire du contrat peut demander un prolongement du délai d'exécution pour une durée correspondant au minimum à la fin de l'état d'urgence sanitaire augmentée de deux mois.
- Dans le cas où le titulaire ne pourrait pas exécuter tout ou partie de ses prestations, l'acheteur ne peut pas le sanctionner, ni lui appliquer les pénalités contractuelles, ni engager sa responsabilité contractuelle pour ce motif. Une disposition qui se veut donc protectrice pour les entreprises titulaires. Toutefois, afin de ne pas entraver la continuité des services publics, l'article 6 prévoit que l'acheteur pourra "conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard, nonobstant toute clause d'exclusivité et sans que le titulaire du marché initial ne puisse engager, pour ce motif, la responsabilité contractuelle de l'acheteur". Le gouvernement précise toutefois que l'exécution du marché de substitution ne pourra être effectuée aux frais et risques du titulaire initial.
- Cet article traite aussi du cas de la résiliation du marché par l'acheteur ou de l'annulation d'un bon de commande. Il précise que dans cette situation, le titulaire pourra être indemnisé pour les dépenses engagées directement imputables à l'exécution d'un bon de commande annulé ou d'un marché résilié.
- L'article 6 de l'ordonnance règle également les situations relatives à la suspension des marchés à prix forfaitaires et des concessions. Pour les premiers, l'acheteur devra procéder sans délai au règlement du marché en cours d'exécution puis, par voie d'avenant, déterminer les modalités de la modification du contrat, de sa reprise ou de sa résiliation ainsi que les conditions financières qui en découlent. En cas de suspension d'une concession, tous les versements des concessionnaires aux collectivités seront mis en attente. Si la situation du concessionnaire le justifie, ce dernier pourra prétendre à une avance sur le versement des sommes dues par le concédant.
- Enfin, cette disposition règle le cas des modifications significatives des modalités d'exécution des concessions non suspendues. Dans ce cas, le concessionnaire a droit à une indemnité destinée à compenser le surcoût qui résulte de l'exécution des prestations "qui n'étaient pas prévues au contrat initial et qui représenteraient une charge manifestement excessive au regard de la situation financière du concessionnaire".
Références : ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de Covid-19 ; rapport au président de la République relatif à l'ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020. |