Covid-19 : organisation des services achats et dérogations à prévoir
L'achat public, la commande publique, les marchés publics n'échappent naturellement pas aux conséquences de la crise sanitaire et économique liée au coronavirus. Le gouvernement s'apprête à adapter les règles prévues par le code de la commande publique. Sébastien Taupiac, de l'Ugap, prévoit des conséquences à court et long terme.
La loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, publiée au Journal officiel ce 24 mars 2020 laisse pressentir l'intervention du gouvernement dans le droit de la commande publique. En effet, l'article 11 autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter "les règles de passation, de délais de paiement, d'exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet". Des dérogations au droit de la commande publique sont donc à prévoir.
En attendant la publication de ces ordonnances, la direction des affaires juridiques (DAJ) de Bercy a publié une nouvelle fiche technique dédiée à "la passation et l'exécution des marchés publics en situation de crise sanitaire". Elle confirme que la crise sanitaire actuelle est un cas de force majeure, permettant ainsi d'exonérer "les parties au contrat de toute faute contractuelle". La DAJ valide également le recours aux procédures de passation accélérées telles que définies par la fiche technique intitulée "l'urgence dans les contrats de la commande publique" (voir notre article du 16 mars 2020 )
Comme l'indique Sébastien Taupiac, directeur Santé à l'Ugap (voir notre interview ci-dessous), les marchés négociés conclus sans publicité ni mise en concurrence font partie des solutions juridiques sur lesquelles les collectivités peuvent s'appuyer pour gérer efficacement cette crise du point de vue de la commande publique.
Références : loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ; fiche technique DAJ |
Deux questions à Sébastien Taupiac, directeur santé à l'Union des groupements d’achats publics (Ugap)
Quels sont les impacts de la crise sanitaire pour la chaîne d'exécution des marchés publics ?
Sébastien Taupiac - Ils sont nombreux et je veux citer notamment :
- l'impossibilité pour les fournisseurs d'exécuter les contrats (fournitures, travaux ou services) susceptibles d'inclure des perturbations voire des arrêts dans l'exécution des missions de service public ;
- les perturbations des processus de commandes (obtention des numéros d'engagement juridique par exemple) mais aussi comptables à un moment où l'Etat exhorte les acheteurs publics à soutenir la trésorerie des entreprises ;
- la nécessité d'adapter les contrats en cours (changement de produits, de prix…) ;
- la gestion à venir des éventuelles pénalités sur contrat mais également des dédommagements fournisseurs (stockage transitoire, report de livraison…).
Les charges de travail vont être très importantes d'un point de vue comptable mais également juridique à l'issue de cette crise et pour de longues semaines voire plusieurs mois.
Qu'en est-il pour les appels d'offres ?
S.T. - De nombreux candidats n'étant pas en mesure de répondre aux procédures, il sera nécessaire de reporter les dates limites de dépôt des offres. Un autre facteur à prendre en considération sera également celui de l'impossibilité de publier avant l'été prochain des procédures de marchés publics au risque de ne pouvoir assurer une égalité de traitement des candidats.
Enfin, les services achats devront tenir compte de l'étude juridique quant à la prolongation ou la prorogation des contrats en cours
En conclusion, je dirais que dans cette période difficile et incertaine quant à la durée, de nombreuses solutions juridiques sont mobilisables : le recours aux centrales d'achat, des achats sous les seuils, le lancement de marchés en urgence impérieuse, le prolongement de marchés en cours, l'annulation de pénalités de retard pour cas de force majeure, …
Mais pour une fois ni le droit, ni le code de la commande publique ne peuvent à eux seuls apporter l'intégralité des réponses. Cette crise sans précédent démontre une nouvelle fois qu'il ne s'agit ici que d'outils au service des organisations. Et ce malgré l'engagement sans faille et remarquable des acteurs publics, des agents publics et des entreprises et de leurs collaborateurs. La mobilisation des établissements de santé en témoigne.
Comme les experts le soulignent, Il y aura un avant et un après Covid-19 en termes d'achat public, amenant l'ensemble des acteurs à définitivement s'inscrire dans les processus de digitalisation des flux, des outils…. dans l'établissement de PCA (plan de continuité d'activité) éprouvés mais également plus largement dans une véritable réflexion sur les zones économiques de production, les flux d'approvisionnement et leur sécurisation.