Pauvreté/Société - Colette, Ahmed, un enfant anonyme... hommage aux 453 morts de la rue en 2013, le 18 mars
On peut lui reconnaître ça : elle n'est pas difficile. Quels que soient l'âge, le sexe, la couleur, la religion, elle ne fait aucun distinguo, elle n'a même plus besoin de compter sur la météo et des hivers redoutables… Au moins 453 personnes sont mortes de la rue en 2013. Parmi toutes ces victimes de la précarité, dont le collectif Les Morts de la rue (CMDR) a établi une liste faire-part (1) qui sera lue le 18 mars place de la République au cours d'un rassemblement qui leur rendra hommage, certains sont identifiés par leur prénom et nom, d'autres seulement leur prénom, parfois juste leur sexe "un homme" "une femme", et comme la rue ne fait cas de personne on peut aussi lire "un enfant"...
"Ce n'est pas le froid qui tue, c'est la rue"
Malgré des moyens supplémentaires alloués à la veille sociale et à l'hébergement (+29% des capacités hivernales par rapport à 2012), les acteurs de terrain ne peuvent résister à une demande toujours plus forte (+38%) générée par un contexte social de plus en plus dégradé. En outre, comme le précise le collectif, "l'hébergement hôtelier constituait cet hiver encore la principale réponse à l'urgence sociale alors même que les circulaires rappellent que son recours doit rester l'exception".
On meurt bien souvent de causes violentes dans la rue, que ce soit en Ile-de-France ou en province : suicide, accident, maladie de l'appareil circulatoire, cancer... rarement de froid. "Ce n'est pas le froid qui tue, c'est la rue", confirme Christophe Louis, président du collectif qui reçoit depuis 2012 (2) une subvention de la direction générale de la cohésion sociale dans le but de mettre en place des outils permettant l'établissement de statistiques fiables dans le temps à partir de données qualitatives et quantitatives recueillies sur les personnes sans domicile décédées. Une grande enquête sur l'année 2012, dont le rapport-statistique "Dénombrer et décrire" a été rendu en septembre 2013, "s'attache à améliorer les connaissances sur la mortalité des personnes sans chez-soi, un phénomène encore largement sous-estimé", introduit le rapport.
50 ans en moyenne
Bénéficiant d'une liste importante de partenaires institutionnels et opérationnels, le collectif a ainsi rendu une typologie de ceux qui vivent dans la rue : contexte social, historique d'habitation, données sur l'état de santé… le rapport de 157 pages, bien que non exhaustif "notamment parce que le collectif n'est pas présent dans toutes les villes de France, et que le signalement est volontaire et informel et parce que peu d'acteurs institutionnels (hôpitaux, instituts médico-légaux…) signalent des décès" n'en reste pas moins une première "description des personnes sans chez-soi décédées en France".
Avec un chiffre qui parle de lui-même : la moyenne d'âge des morts de la rue au moment du décès est de 50 ans quand l'espérance de vie nationale est de 80 ans. "Quelles que soient les politiques, la vie et la mort à la rue continuent", constate le président du collectif.
Sandrine Toussaint
(1) Ces listes établies avec l'aide des associations proches des gens de la rue, des institutions, des particuliers… ne sont en rien exhaustives et l'association les communique afin que des familles, des amis, puissent apprendre ces décès.
(2) En 2010, sous l'égide de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, un recensement des sources de données permettant de documenter la mortalité des personnes sans abri en France a été réalisé. Le collectif Les Morts de la rue apparaissait comme possédant la base de données la plus complète sur ce thème.