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Lutte contre l'exclusion - L'Onpes tente de mieux cerner le phénomène des morts de la rue

Dans la dernière livraison de sa lettre, l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) se penche sur un sujet délicat : "Le difficile recensement des personnes décédées à la rue". Le problème est apparu notamment au grand jour lors de la canicule de 2003, qui a également frappé les personnes sans domicile fixe. Les services sociaux de la ville de Paris avaient ainsi passé plusieurs semaines à tenter de reconstituer l'identité et l'éventuel entourage de personnes décédées dans la rue. L'étude - réalisée par un cabinet spécialisé en épidémiologie et en santé publique pour le compte de l'Onpes - constate qu'"on ne dispose en effet pas, en France, de données statistiques fiables sur le nombre de personnes sans domicile décédées à la rue, ni d'une évaluation des causes de ces décès". L'étude recense en premier lieu une série d'enquêtes et de travaux étrangers sur le sujet, en particulier aux Etats-Unis et au Canada. En France, il existe plusieurs sources, mais dont aucune n'apparaît suffisamment fiable ou exhaustive. Le collectif les Morts de la rue observe ainsi une augmentation des décès correspondants, passés de 220 en 2007 à 414 en 2010. Mais cette hausse "résulte plus d'une augmentation du taux de couverture du collectif que d'une augmentation statistiquement vérifiée des décès de personnes sans abri". En termes de profil, les personnes décédées en 2009 étaient essentiellement des hommes (92,5%), avec un âge moyen de 48 ans. Dans 56% des cas, ils sont décédés de mort violente et, pour 32%, de mort naturelle soudaine. L'Ile-de-France concentre à elle seule 44% des décès recensés. D'autres sources sont également exploitables, comme la base de données hospitalière PMSI (programme de médicalisation des systèmes d'information), l'observatoire du Samu social de Paris, l'institut médico-légal de la capitale ou encore certaines études plus ponctuelles, comme l'enquête menée en 2009 par Médecins du Monde et l'assistance publique-Hôpitaux de Marseille ou celle de l'association Gouttes de vie à Toulouse. Mais il s'agit à chaque fois de sources parcellaires, dont les données ne sont pas toujours comparables entre elles.
L'étude tire néanmoins de ces travaux français et étrangers un certain nombre de préconisations, adoptées par le conseil d'administration de l'Onpes. Ainsi, ces travaux "permettent de souligner la part des décès par suicide, accident ou mort violente. Les principaux facteurs associés à un risque accru de décès chez les sans-abri sont la présence d'une infection VIH, l'existence de co-morbidités (maladies chroniques) et la toxicomanie, ou l'intoxication alcoolique". En revanche, "les données disponibles en France ne permettent pas, à l'heure actuelle, de disposer d'une estimation suffisante du nombre et des caractéristiques des personnes sans abri qui décèdent chaque année à la rue, ni des causes de ces décès". L'étude met également en valeur l'intérêt de croiser différentes sources, malgré les difficultés méthodologiques, pour obtenir une meilleure connaissance du phénomène. Fort de ces résultats, l'Onpes a donc mis en place une collaboration associant les connaissances du terrain du collectif des Morts de la rue et l'approche scientifique du CépiDc (le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès de l'Inserm), "qui devrait permettre à court terme d'avancer dans la connaissance des causes des décès des sans-abri en France".

Jean-Noël Escudié / PCA