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Culture - Cinéma : le rapport Bonnell pessimiste sur les financements des régions

Le 8 janvier 2014, un an après la tempête provoquée par la tribune libre du producteur indépendant Vincent Maraval sur les dérives du cinéma français, René Bonnell - ancien producteur chez Gaumont, Canal+ et France Télévision - a remis à Aurélie Filippetti son rapport sur "Le financement de la production et de la distribution cinématographiques à l'heure du numérique".

Un "rapport choc"

On retiendra bien sûr de ce document - aussitôt qualifié de "rapport choc" - sa recommandation de "modérer les cachets excessifs des 'vedettes' (interprètes principaux, réalisateurs et scénaristes), en incitant au partage du risque commercial par un intéressement calculé sur des données aisément vérifiables (entrées salles, CA bruts des différents marchés d'exploitation)". D'autres propositions devraient également donner lieu à des débats animés, comme la suppression de l'obligation d'une sortie en salles pour que les films bénéficient de financements publics ou l'assouplissement de la "chronologie des médias" (sorties successives en salles, VOD, DVD, télévisions...).
Mais, dans son analyse des raisons du déficit récurrent des productions françaises (402 millions de déficit total pour la branche cinéma en 2011, le septième d'affilée), passe aussi en revue l'ensemble des sources de financement du cinéma. Il se penche donc tout naturellement sur celui apporté par les collectivités. Selon le rapport, les aides à la production cinématographique et audiovisuelle ont atteint 67 millions d'euros en 2013, un montant qui a doublé en dix ans. Il faut y ajouter l'effet mécanique de l'opération "un euros pour deux euros" (un euro apporté par le Centre national du cinéma pour deux euros apporté par la région, avec un plafond d'un million d'euros d'apport de l'Etat par région). René Bonnell considère que "cette politique [...] a fait ses preuves en termes de décentralisation de l'initiative culturelle et de soutien à l'emploi local". Mais il estime aussi que "plusieurs problèmes ont surgi ces dernières années".

Des financements utiles, mais menacés

Ceux-ci sont au nombre de deux. Le premier tient à "la rigueur budgétaire imposée par l'Etat", qui se traduit par une baisse des dotations aux régions dont les effets pourraient "se faire sentir significativement" en 2014. Le rapport rappelle que certaines régions ont décidé de recentrer leurs aides sur d'autres secteurs, comme le soutien aux entreprises, à l'image de la Franche-Comté (voir notre article ci-contre du 4 janvier 2013). D'autres régions envisagent aussi d'arrêter (Champagne-Ardenne) ou se replient sur les œuvres audiovisuelles, jugées plus démultiplicatrices d'emplois (Picardie). Le mouvement de repli n'est toutefois pas uniforme, puisque quelques régions (Alsace, Centre) accroissent au contraire leur dotation et que quelques départements (Dordogne, Lot-et-Garonne) développent des financements complémentaires à ceux des régions.
Le second obstacle évoqué par le rapport vaut surtout pour mémoire, puisqu'il est tombé après la rédaction du rapport. La Commission européenne a en effet abandonné son projet de réforme des aides au cinéma, et notamment l'instauration d'un coefficient multiplicateur de l'investissement en dépenses locales limité à 160% (alors que les régions exigent 200 à 400%). Malgré ce revirement européen de dernière minute (voir notre article ci-contre du 18 novembre 2013), il reste que les financements des collectivités territoriales au cinéma sont fortement fragilisés par la crise. S'ils ne représentent qu'une part minime du financement global du cinéma, leur apport peut pourtant se révéler décisif pour le bouclage de petites ou moyennes productions.

Jean-Noël Escudié / PCA

2013, année médiocre pour la fréquentation des salles

Le bilan provisoire de l'année 2013, publié par le CNC le 3 janvier 2014, montre, pour la seconde année consécutive, une baisse de la fréquentation des salles obscures. Le nombre de spectateurs s'établit en effet à 192,79 millions, soit un recul de 5,3% par rapport à 2012. Cette année était elle-même en baisse de 6% par rapport à 2011 (qui était - il est vrai - l'année de sortie d'"Intouchables").
Ce nouveau recul observé en 2013 s'explique notamment par l'absence de "blockbusters" : pour la première fois depuis plus de dix ans, aucun film - français ou étranger - n'a franchi la barre des 5 millions d'entrées. Ce phénomène général se double cependant d'un recul plus prononcé du cinéma français. En un an, la part de marché des films français passe ainsi de 40,3% à 33,3% - le taux le plus bas depuis dix ans -, tandis que celle des films américains progresse au contraire de 42,7% à 53,9% (soit 20 points de plus que les productions françaises).
Les chiffres en la matière sont certes versatiles et il suffirait de quelques gros succès pour inverser la tendance en 2014. Mais il est difficile de ne pas constater que le cinéma français recule, alors que d'autres activités culturelles se maintiennent (comme la fréquentation des festivals) ou sont en pleine expansion (comme la fréquentation des musées). Seule certitude : dans un tel contexte, la tribune de Vincent Maraval comme le rapport Bonnell sont les bienvenus...

J.-N.E. / PCA
 

 

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