Environnement - Cimetières zéro phyto : à quand le miracle ?
La perception des familles vis-à-vis du lieu et de la végétation spontanée n'est pas le seul obstacle à l'arrêt des herbicides dans les cimetières. Dans un guide publié par Natureparif sur la conception et la gestion écologique des cimetières, son auteur Jonathan Flandin, chargé de mission écologie urbaine au sein de cette structure, ajoute que c'est leur mauvaise conception d'origine, souvent trop minérale, qui barre la route aux méthodes alternatives au tout chimique. En Ile-de-France (1.600 cimetières), les trois quarts des communes utilisent encore des herbicides dans leurs cimetières, alors que sur leurs espaces verts, elles sont moins de 20% à déclarer le faire. Les volumes déversés ne sont pas négligeables - jusqu'à un cinquième de la consommation totale de pesticides d'une collectivité. Et souvent alors même que ces cimetières sont "situés au-dessus de nappes phréatiques ou à proximité de cours d'eau, sur des zones non constructibles". Stopper les traitements chimiques n'est donc pas du luxe : Versailles a montré la voie dans ses quatre cimetières totalisant 18,5 hectares. Et elle l'a fait en étant, "contrairement à l'image qu'elle donne, très contrainte budgétairement", avec 53.000 euros de budget de fonctionnement l'année du changement (2010).
Des vivaces dans le carré militaire
Pour réduire les doses, voire s'en passer, c'est donc "dans la conception même des cimetières que se trouve la clé, avec deux solutions complémentaires qui s'offrent aux gestionnaires : redéfinir les schémas de conception et d'aménagement des cimetières en amont et mettre en place une gestion écologique et différenciée en aval". Sans cela, la charge de travail que représente l'alternative d'un désherbage par exemple thermique a peu de chances de prendre. A Strasbourg (neuf cimetières, cinquante agents), il a pris, et la ville a bien fait les choses, partant même avec une longueur d'avance, puisque le végétal n'y a jamais été vraiment renié. Les allées y ont été enherbées, ce qui simplifie l'entretien mais sur les entre-tombes, le service funéraire reste en quête d'une solution miracle. Plan de communication et sensibilisation des habitants ont été nécessaires pour expliquer ces réaménagements. A Courbevoie (cimetière des Fauvelles), ils ont été précédés d'un lourd travail d'analyse et d'enrichissement des sols. Un marché contraignant, avec des obligations de résultat, a été passé. "Le résultat est très satisfaisant", juge Natureparif. "Le désherbage manuel y est assuré par une association d'insertion. Le cimetière est parcouru d'allées en béton désactivé. Sous les parties pavées permettant d'accéder aux divisions se trouve un milieu fertile (mélange terre-pierre). Les bandes latérales arborées ont été plantées [...], un mulch ayant au départ été utilisé pour éviter les adventices. Le carré militaire est désormais fleuri presque exclusivement en vivaces." Uniformisation des contre-allées et voies de circulation, préservation des continuités entre surfaces enherbées et minérales pour faciliter le passage des machines : d'autres conseils concrets sont égrainées dans ce guide, que tous les gestionnaires feraient bien d'avoir un jour en poche.
"Faire du cimetière un espace vert"
Outre un focus sur le cimetière "naturel" dernièrement créé à Niort, ce guide aide à élaborer un plan de gestion, "outil de management, de suivi, mais aussi mémoire utile des pratiques". Et "base de travail indispensable pour mettre ensuite en place des techniques alternatives d'entretien". Fauche, tonte, fleurissement, désherbage : des exemples de cartes et tableaux éclairent ces pratiques d'embellissement et d'entretien. Le cas de Fontainebleau (Seine-et-Marne) est cité pour la gestion différenciée que la ville a su mettre en place. La différence avec l'approche du conventionnel zonage ? S'y substitue une "division des espaces verts en composantes adaptées à la ville de Fontainebleau. Et celles-ci sont reportées sur un plan et permettent un entretien homogène sur tout le cimetière".
Plus loin, le guide décline d'utiles éclairages sur les techniques de gestion des surfaces perméables et imperméables, les démarches de labellisation des efforts déployés, la communication. Auprès des élus, il s'agira par exemple d'organiser sur place une journée d'information, en insistant sur la santé des agents, le coût, l'amélioration du cadre pour les usagers. L'ouvrage revient aussi sur l'appui fourni par des acteurs locaux : syndicats de rivière, conseils généraux, associations, etc. Et sur la formation, car si "n'importe qui peut épandre des produits chimiques, ce n'est pas le cas du travail de fleurissement, du débroussaillage, de la tonte et préparation du sol, de l'ensemencement". Au final, cette conversion des espaces revalorise aussi des métiers.