Environnement - Pesticides : comment oser le "zéro phyto" dans les cimetières ?
Le 11 mai, la ville de Rennes a annoncé le lancement d’un test de "relookage" de ces espaces hautement symboliques que sont les cimetières. "Il le faut car jusque-là, ils représentent un peu la dent creuse de notre plan de désherbage", indique Jean-Luc Daubaire, adjoint au maire de Rennes, délégué à l’énergie et à l’écologie urbaine. Depuis 2005, cette ville n’utilise plus d’herbicides sur son territoire. A l’exception donc des cimetières, dont l’entretien reste ici comme ailleurs un sujet délicat. En effet, le respect dû aux défunts impose d’entretenir ces espaces et d’y enlever les "mauvaises herbes". "C’est un problème culturel et religieux", analyse Jean-Luc Daubaire. Pour y remédier, la direction des jardins met en place dès ce printemps des zones test dans les trois cimetières rennais, sur une surface d’environ 26 hectares. "L’objectif est d’expérimenter des techniques d’aménagement et de gestion plus respectueuses de l’environnement, dont la finalité est la réduction, puis l’arrêt total des pesticides en 2012", explique Christian Aubrée, responsable maintenance à la direction des jardins de la ville.
Le retour du gazon et de la végétation
Le cimetière de l’Est, le plus important avec ses 16 hectares accueillant 29.000 sépultures, est constitué de grandes allées bitumées et de tombes entourées de gravier. "Nous enlevons les graviers des petites allées pour ensuite les engazonner, lorsque la largeur est suffisante pour passer une tondeuse. De même, les espaces sablés ou gravillonnés sont végétalisés pour accueillir des plantations comme les vivaces, rosiers ou sédums", précise-t-il. Le test consiste également à utiliser les méthodes alternatives de désherbage (sarclage, binette, désherbage thermique) et à évaluer le temps passé. Christian Aubrée poursuit : "Nous ne ferons pas d’économies, sauf peut-être si nous changeons le regard des citoyens : un peu plus d’herbes spontanées ne constituent pas un abandon de la part des jardiniers, mais une volonté écologique et sanitaire." D’où l’importance de la communication. Ce mois-ci, des panneaux explicatifs sont notamment installés à l’entrée des cimetières. Les personnels ont aussi été formés pour pouvoir répondre aux questions des usagers.
L’exemple de Versailles
Rennes n’est pas la seule à avoir réfléchi à ce sujet. Les villes de Lardy (Essonne), Courbevoie (Hauts-de-Seine) et surtout Versailles (Yvelines) se sont déjà penchées sur la question. "Nous avons mis en place un tapis de sédum constitué de six variétés différentes en avril dernier", explique Patrick Méheut, chef du service espaces verts de Lardy, une ville de 6.000 habitants. La démarche a un coût. "Il est élevé, de l’ordre de 2.000 euros pour 100 m². Pour le réduire, nous allons essayer de développer nos propres plants". Comme Rennes, Lardy s’inspire de l’exemple de Versailles. Car cette ville a une longueur d’avance : l’expérimentation a commencé en 2009 sur ses quatre cimetières, soit une surface de 18,5 ha. Elle a banni les pesticides depuis 2005 sur ses parcs et jardins et depuis 2006 sur sa voirie. Outre la mise en œuvre de techniques alternatives de désherbage, son cimetière a été revégétalisé, réengazonné et la végétation basse a été maintenue. Du gravier sur géotextile a été mis en place ainsi que des plantes vivaces : 18.000 bulbes de narcisses sauvages ont été plantés en 2010. Au total, cela a représenté un investissement de 190.000 euros, dont 53.000 euros de frais de fonctionnement en 2010 et 45.000 euros budgétés pour l’exercice 2011.
"Au départ, c’est surtout le personnel que nous avons dû convaincre", se rappelle Cathy Biass-Morin, responsable du service des espaces verts de la ville de Versailles. Argument utile à leur présenter : le recours aux pesticides les expose à certains dangers car, comme l’a établi en 2009 la Mutualité Sociale Agricole, 98% des combinaisons de protection des agents ne sont pas étanches. Du côté réglementaire, on notera que l’arrêté du 12 septembre 2006 interdit l’usage des pesticides dans les lieux publics, s’il n’est pas possible d’en interdire l’accès durant 6 à 48 heures selon la dangerosité des produits. "Ce texte nous a beaucoup aidés à faire comprendre au personnel et à la population le sens de notre démarche. Au final, nous avons beaucoup communiqué et reçu quinze plaintes en 2009 et seulement quatre en 2010", conclut sur un ton optimiste la responsable.