Modernisation de l'action publique - Cimap : un nouveau train de réformes va concerner directement les collectivités
Le gouvernement compte sur la modernisation de l'action publique (MAP) pour parvenir à réaliser entre 5 et 7 milliards d'euros d'économies sur les dépenses publiques sur la période 2015-2017. Soit une contribution substantielle aux 15 milliards d'économies annuelles escomptés chaque année à partir de 2014. Lors d'un quatrième comité interministériel qui s'est tenu ce 18 décembre à Matignon, le Premier ministre a dévoilé les mesures que son gouvernement va engager pour atteindre l'objectif.
Sur la forme, rien n'est révolutionnaire. Début 2014, sera lancée l'évaluation de douze nouvelles politiques publiques, pour voir ce qui doit être réformé et comment. Les actions visées sont "à forts enjeux", indique le gouvernement. Cela signifie, en clair, que les réformes pourraient générer des gains importants. La politique du logement, ses multiples dispositifs et acteurs seront ainsi passés au crible. Tout comme la gestion locale des déchets, qui souffrirait d'une insuffisante coordination entre les collectivités territoriales entre elles, et entre celles-ci et l'Etat et les entreprises. Clairement, il s'agit de "réduire les coûts de cette politique", estimés à 8 milliards d'euros par la Cour des comptes en 2011. La participation des universités et des établissements publics d'enseignement supérieur à la formation professionnelle tout au long de la vie va aussi être étudiée. En réduisant les blocages, le gouvernement veut "doubler d'ici cinq ans le nombre de stagiaires concernés et les recettes tirées de l'activité".
Les politiques des collectivités passées au crible
Autre piste d'économies sur laquelle l'exécutif mise beaucoup : la mutualisation entre les communes et les intercommunalités. On sait que les possibilités d'agir dans ce domaine seront plus simples, plus grandes et plus sûres grâce au projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale, que le Parlement s'apprête à adopter définitivement (lire notre article dans cette édition). Par ailleurs, la gestion de "l'ensemble des opérations électorales" doit être optimisée. On ne sait pour l'heure si seuls les scrutins politiques sont visés, ou si d'autres, comme les élections professionnelles qui doivent se dérouler en décembre 2014 dans la fonction publique, sont aussi concernés. La réforme consistera, entre autres, à supprimer la propagande adressée aux électeurs par la poste et à la remplacer par des informations sur internet. Après la tentative avortée de dématérialiser les prospectus électoraux de la campagne pour les élections européennes, le ministre de l'Intérieur est prêt à remettre le dossier sur la table (notre article du 18 novembre 2013). Enfin, le gouvernement n'a pas renoncé à mettre de l'ordre dans la jungle des dispositifs d'aides et d'accompagnement des entreprises. Il avait semblé reculer en annonçant durant l'été qu'il ne réduirait pas le nombre des agences de développement économique (notre article du 4 octobre 2013). Mais le relevé de conclusions du comité interministériel (Cimap) fait état de la volonté du gouvernement d'"accroître la cohérence territoriale des structures d'accompagnement des entreprises" et de "poursuivre la rationalisation et le recentrage des aides".
De nombreux chantiers en cours
Le plan du gouvernement paraît certes un peu flou à ce stade. Mais les évaluations lancées au cours de précédents Cimap débouchent déjà sur des résultats tangibles, chiffrés à trois milliards d'euros de dépenses en moins dès 2014, selon le gouvernement. Les acteurs publics modifieraient leurs pratiques pour les rendre plus efficaces. A l'image de la dizaine de départements engagés dans une expérimentation dans le champ social, visant à apporter des réponses mieux coordonnées. Dans le domaine de l'emploi, lui aussi caractérisé par une multitude d'intervenants, le rôle de l'Etat devrait être clarifié. Le soutien qu'il apportera aux maisons de l'emploi dépendra de la "contribution de chaque structure aux objectifs prioritaires de la politique de l'emploi". Quant à l'éducation prioritaire, dont les résultats d'une étude de l'OCDE ont montré les limites (notre article du 3 décembre 2013), elle va faire l'objet d'un "plan d'actions et de refondation". Les annonces viendront après un rapport qui sera remis en janvier 2014. En outre, pour parvenir à l'objectif de financement de 150.000 nouveaux logements sociaux par an, le gouvernement va accroître les marges de manœuvre des acteurs locaux et mieux prendre en compte les besoins spécifiques de chaque région. Le gouvernement rappelle encore qu'un projet de loi sur la biodiversité permettra de concrétiser les résultats de l'évaluation sur la politique de l'eau. Faisant également suite à des évaluations remises en 2013, des projets de loi sont annoncés dans les domaines de la politique de l'asile, du patrimoine culturel (début 2014) ou du sport (fin 2014).
Cap sur l'administration numérique
En complément des évaluations et de la mise en œuvre de leurs préconisations, le gouvernement veut accélérer la modernisation de la gestion publique. Il espère en tirer entre deux et trois milliards d'euros d'économies par an d'ici à 2017. Plusieurs gros chantiers sont programmés. Parmi eux : la rénovation de la chaîne de dépense de l'Etat, dans le but notamment de porter à 20 jours les délais de paiement de l'Etat en 2017 et d'améliorer la qualité des comptes. "Les évolutions de l'organisation financière de l'Etat à horizon 2017 seront arrêtées, pour chaque ministère, avant la fin du premier semestre 2014", a annoncé le gouvernement.
Les effets les plus visibles pour les citoyens de la modernisation de l'action publique devraient provenir du volet numérique. Car le gouvernement souhaite qu'"à l'horizon 2016", "la majorité des Français privilégient les services publics numériques pour réaliser leurs démarches courantes". Pour y parvenir, il table sur l'augmentation d'au moins 20% en deux ans du nombre d'usagers ayant recours aux services publics numériques. "A cet effet, chaque ministère établira, avant la fin du premier semestre 2014, un plan d'actions pour assurer le développement de l'usage de ses services numériques". Sans attendre cette étape, les particuliers sauront déjà qu'à partir de fin 2014, ils pourront acheter sur internet les timbres fiscaux pour l'établissement, ou le renouvellement de leur passeport - alors qu'aujourd'hui ils doivent se rendre chez un buraliste. Côté numérique encore, la mise à disposition gratuite des données publiques monte en puissance. Les données concernant notamment la dotation globale de fonctionnement et les données comptables brutes des collectivités locales seront ainsi disponibles sur le site "data.gouv.fr".
Peu disert sur les conséquences des mesures sur les conditions de travail des agents de l'Etat, le relevé de conclusions met en avant le souci du gouvernement d'associer ceux-ci et leurs représentants à la modernisation de l'action publique. Une concertation, à laquelle participeront aussi les représentants des employeurs, portera sur le thème de "l'accompagnement des cadres dans l'exercice de leurs responsabilités managériales", est-il précisé.
Thomas Beurey / Projets publics
Entreprises : une nouvelle évaluation et des expérimentations en régions
Le rapport Queyranne - qui a déjà fait l'objet de mesures dans le précédent Cimap de juillet - n'était-il pas assez ambitieux ? On peut se le demander car le gouvernement a décidé de lancer une nouvelle évaluation sur les aides aux entreprises autour de trois objectifs : clarifier les systèmes de contrôles, accroître la cohérence territoriale des structures d'accompagnement et poursuivre la rationalisation des aides.
Le gouvernement entend parallèlement poursuivre le travail de simplification des démarches des entreprises. De nouvelles expérimentations vont être lancées dans quatre régions, en lien avec les collectivités. L'une sera menée en Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes et consistera à délivrer une autorisation unique pour les installations régies par la loi sur l'eau. La seconde sera conduite en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Bretagne et s'intéressera aux études environnementales préalables pour les projets d'implantation dans les zones d'intérêt économique et écologique. Ces expérimentations s'ajoutent aux huit autres déjà lancées sur des sujets comme l'accès des PME aux marchés publics, la création d'entreprise, les autorisations de transports exceptionnels, les autorisations applicables aux projets d'éoliennes, de méthanisation... Ces dernières seront mises en œuvre au 1er mars 2014 pour une durée de deux ans.
M.T.