Social - Chute des revenus agricoles : quelles conséquences sur le RSA ?
Dans un communiqué au titre mobilisateur "Crises agricoles : des réponses exceptionnelles pour une situation exceptionnelle", la Caisse centrale de Mutualité sociale agricole (MSA) explique que "l'agriculture française subit un contexte extrêmement dégradé, lié à une conjonction de problèmes sanitaires (grippe aviaire, vache folle, fièvre catarrhale ovine, pollutions chimiques), d'événements climatiques exceptionnels (inondations, sécheresse, tempêtes) et de crises de marché (concurrence étrangère, augmentation des prix des matières premières agricoles, effondrement des cours et des prix), affectant la plupart des filières".
Près du tiers des agriculteurs à moins de 354 euros de revenus par mois
Une telle conjonction d'événements défavorables a évidemment un impact direct sur le revenu des agriculteurs. La MSA ne publie qu'un seul chiffre, mais il est impressionnant : en 2015, 30% des agriculteurs exploitants au réel (soit 131.450 exploitants) déclarent des revenus professionnels inférieurs à 4.248 euros pour l'année 2015, soit 354 euros de revenus mensuels. En 2014, ils étaient 18% dans cette situation. Une évolution qui correspond à un quasi doublement en un an.
Ces difficultés n'épargnent pas les salariés agricoles, mais à un degré moindre. Ainsi, le nombre de contrats de travail en cours à la fin du troisième trimestre 2015 - indicateur de l'emploi permanent - recule de 1,6%. Le communiqué de la MSA précise que le régime agricole n'avait pas connu un tel niveau de baisse depuis le troisième trimestre 2010.
La MSA rappelle que "les conséquences de ces crises se font ensuite sentir dans les dimensions personnelle (santé, état psychologique), sociale (relation avec l'environnement) et familiale".
Le précédent de la prime d'activité
Devant un tel choc économique et social, difficile de ne pas s'interroger sur les conséquences possibles en termes de recours au RSA pour les exploitants ou les salariés agricoles. D'autant que la situation du monde agricole ne semble pas vraiment s'être améliorée en 2016. Un premier indice précurseur fournit un élément de réponse. Il s'agit en l'occurrence du succès inattendu de la prime d'activité, mise en place le 1er janvier dernier, dans le monde agricole (voir notre article ci-contre du 25 avril 2016). Alors que les caisses de MSA s'attendaient à 60.000 demandes pour l'ensemble de l'année 2016, elles en dénombrent déjà 200.000. Fait significatif : un tiers de ces demandes concernent des exploitants agricoles et deux tiers des salariés agricoles. Plus encore que dans le secteur de l'industrie et des services, le caractère "non stigmatisant" de la prime d'activité - comparée à l'ancien RSA activité - a joué dans cette envolée en flèche.
Reste la question du RSA et l'impact possible sur les dépenses des départements ruraux. La réponse est plus complexe. Les chiffres montrent en effet que les dépenses de RSA par habitant sont nettement plus élevées dans les grands départements urbains que dans les zones rurales. Dans ses séries statistiques sur les dépenses d'action sociale, l'Insee montre ainsi que les dépenses de RSA par habitant sont de 245 euros dans les Bouches-du-Rhône ou de 260 euros en Seine-Saint-Denis, contre 69 euros dans l'Aveyron. Ces écarts s'expliquent par des raisons sociodémographiques, mais aussi par des facteurs plus subjectifs. Le recours au RSA reste difficile dans une profession où les questions de fierté revêtent une importance particulière. De façon plus large, le recours à l'assistanat est assez mal vécu dans les zones rurales, y compris de la part des élus locaux. Il reste néanmoins que, devant l'ampleur de la crise, il est probable que celle-ci ci se reflétera tôt ou tard dans les chiffres du RSA. Reste à savoir à quelle hauteur. Dans tous les cas, cette nouvelle donne intervient au moment même où de son côté, la Cnaf vient d'afficher la toute première baisse du nombre de bénéficiaires du RSA pour le régime général (voir ci-contre notre article de ce jour).