Insertion - Le RSA agricole n'a rien à voir avec l'autosubsistance, mais n'est pas simple pour autant
Une question écrite de Claude Domeizel, sénateur des Alpes-de-Haute-Provence, est l'occasion de mettre un terme à une rumeur récurrente - née d'une confusion - concernant le revenu de solidarité active (RSA activité) versé aux agriculteurs. Dans sa question, le sénateur affirme que "les agriculteurs et seulement eux se font appliquer un plafond de revenus supplémentaires dans le calcul de l'allocation d'activité, prévu par le Code de l'action sociale et des familles" (CASF). De ce fait, "un grand nombre d'agriculteurs sont donc privés, à revenu égal, du RSA activité que peut percevoir tout autre citoyen qui travaille". Selon le sénateur des Alpes-de-Haute-Provence, "Ce mode de calcul semble reposer sur la supposée situation d'autonomie alimentaire que connaîtraient les agriculteurs. Or, cette autonomie alimentaire ne se justifie que dans très peu de cas."
Dans sa réponse, le ministre de l'Agriculture tord le cou à cette rumeur. Il rappelle que, pour calculer le revenu des travailleurs non salariés et donc un éventuel droit au RSA activité, le Code de l'action sociale et des familles - et plus particulièrement son article L.262-7 - prévoit des dispositions particulières. Ainsi, "pour bénéficier du revenu de solidarité active, le travailleur relevant du régime mentionné à l'article L.722-1 du Code rural et de la pêche maritime [la Mutualité sociale agricole, NDLR] doit mettre en valeur une exploitation pour laquelle le dernier bénéfice agricole connu n'excède pas un montant fixé par décret". Celui-ci fixe ce seuil à 800 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance (Smic) en vigueur au 1er janvier de l'année de référence (soit un bénéfice agricole maximal d'un peu moins de 7.400 euros pour les revenus 2012), éventuellement majoré de 50% lorsque le foyer se compose de deux personnes et de 30% pour chaque personne supplémentaire. Cette assiette a été choisie par référence à l'assiette minimum servant au calcul des cotisations d'assurance maladie et d'assurance vieillesse individuelle auxquelles sont assujettis les exploitants agricoles (l'assiette de leurs cotisations correspondant alors, dans le cas le plus fréquent, à la moyenne des revenus des trois dernières années connues). Revenant sur le plafond de ressources pour l'accès au RSA, la réponse ministérielle prend donc bien soin de rappeler que "le seuil qui a été fixé n'est donc pas lié à une supposée situation d'autonomie alimentaire que connaîtraient les agriculteurs".
Le ministre de l'Agriculture ne nie pas pour autant que le RSA agricole soulève des difficultés spécifiques. Une certaine souplesse est d'ailleurs prévue par l'article L.262-8 du CASF, avec la possibilité donnée au président du conseil général "de procéder à l'étude individualisée" de la situation d'un agriculteur en difficulté" et de "déroger par décision individuelle à l'application de ces conditions particulières d'accès au RSA" (voir notre article ci-contre du 30 mai 2011). La réponse reconnaît toutefois que "le recours à cette procédure dérogatoire peut s'avérer difficile à mettre en œuvre lorsqu'il s'agit d'estimer les ressources d'agriculteurs confrontés à une baisse de leurs revenus". La commission opérationnelle du RSA chargée d'examiner les évolutions ou ajustements à apporter au dispositif et les différents groupes de travail mis en place dans ce cadre pourraient donc proposer des évolutions sur ce point. Problème : depuis le décret du 1er mars 2012 relatif aux procédures d'orientation, de suspension et de radiation applicables aux bénéficiaires du RSA (voir nos articles ci-contre du 5 mars et du 26 avril 2012) - qui s'inspirait largement des observations de la commission -, on n'entend plus guère parler des travaux de cette instance mise en place dans le prolongement du rapport Daubresse sur la simplification du RSA.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : Sénat, question écrite de Claude Domeizel, sénateur des Alpes-de-Haute-Provence, et réponse du ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt (JO Sénat du 23 août 2012).