Chauffage au gaz : un décret étend le bouclier tarifaire aux HLM et à l'hébergement d'urgence
Comme annoncé il y a un mois par le gouvernement, un décret étend le bouclier tarifaire aux logements chauffés par un chauffage collectif au gaz ou par un réseau de chaleur urbain utilisant du gaz nature. Le tarif acquitté pour la saison de chauffe 2021-2022 est ramené au tarif réglementé du mois d’octobre 2021, pour plus de 5 millions de foyers supplémentaires, en particulier en logement social et copropriété, ainsi que pour les résidences sociales et structures d’hébergement d’urgence et d’insertion.
Le 16 février dernier, le Premier ministre annonçait que le gouvernement allait étendre "le bouclier tarifaire sur le gaz aux 5 millions de ménages résidant en copropriété ou en logement social, portant de 11 à 16 millions le nombre de personnes bénéficiaires" (voir notre article du 18 février 2022). Jean Castex avait annoncé la mise en place d'une première version du bouclier tarifaire le 30 septembre dernier (voir notre article du 1er octobre 2021), intervenue dès le mois d'octobre pour environ 11 millions de personnes. Depuis lors, l'USH (Union sociale pour l'habitat) et divers organismes représentant les principales formes de logements collectifs demandaient son extension à d'autres catégories de foyers. Cette extension apparait d'autant plus bienvenue aujourd'hui que le 24 février, huit jour après l'annonce de l'accord du Premier ministre, la Russie envahissait l'Ukraine, ce qui ne fait qu'aggraver les tensions sur le prix du gaz, qui chauffe 44% des logements et la très grande majorité des logements collectifs.
Bouclier tarifaire : au tour des logements collectifs
En pratique, le bouclier tarifaire, dans sa première configuration, a été mis en place par un décret du 23 octobre 2021, qui bloque les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) à leur niveau d'octobre 2021. La loi de finances pour 2022 du 30 décembre 2021 s'est ensuite chargée de mettre en place les mesures d'accompagnement des opérateurs (confrontés à la hausse de leurs prix d'achat du gaz), via ses articles 29 (volet fiscal) et 181 (volet tarifaire). La période de blocage tarifaire va du 1er novembre 2021 au 30 juin 2022, mais peut être étendue par un simple arrêté – en fonction de l'évolution de la situation – entre le 30 avril et le 31 décembre 2022. Les bénéficiaires de cette première "vague" du bouclier tarifaire depuis novembre dernier sont les particuliers et les petites copropriétés (consommant moins de 150 MWh/an) ayant un contrat direct de fourniture de gaz naturel.
Pour sa part, le décret du 9 avril 2022 met en place la mesure d'extension du bouclier tarifaire annoncée par Jean Castex le 16 février. La nouvelle disposition vise cette fois-ci les logements alimentés par un chauffage collectif au gaz ou par un réseau de chaleur urbain utilisant du gaz naturel. Sont notamment concernés les logements situés dans un immeuble à usage total ou partiel d'habitation soumis au statut de la copropriété, ceux situés dans un immeuble à usage total ou partiel d'habitation géré par un organisme HLM ou une SEM, mais aussi les résidences sociales et les structures d'hébergement d'urgence et d'insertion, les logements foyers, les résidences universitaires et les résidences services, les structures d'hébergement pour demandeurs d'asile... Il peut également s'agir d'une maison individuelle directement raccordée à un réseau de chaleur.
Un mécanisme complexe
L'aide individuelle prévue par le bouclier tarifaire n'est pas versée directement aux ménages. Elle l'est "par l'intermédiaire des entreprises fournissant du gaz naturel titulaires de l'autorisation de fourniture prévue à l'article L.443-2 du Code de l'énergie, des exploitants d'installations de chauffage collectif ou des gestionnaires de réseaux de chaleur urbains". Il appartient à ces entreprises de présenter une demande, pour le compte et au bénéfice des personnes physiques concernées, puis de reverser les sommes perçues, toujours au titre et pour le bénéfice de ces mêmes personnes physiques, aux gestionnaires des logements concernés qui acquittent les factures de chauffage : organismes HLM, SEM, syndicats de copropriétaires représentés par leur syndic, propriétaires uniques d'un immeuble collectif à usage total ou partiel d'habitation, associations syndicales de copropriétaires... L'aide peut également être versée, directement et individuellement, aux résidents à titre principal ou secondaire d'une maison individuelle directement raccordée à un réseau de chaleur. Au final et selon les termes d'un communiqué du ministère de la Transition écologique en date du 12 avril, les ménages concernés par cette extension bénéficient, comme les autres, "d'une aide visant à ramener le prix du gaz acquitté pour la saison de chauffe 2021-2022 au tarif réglementé du mois d'octobre 2021". Point important : comme pour la première version du bouclier tarifaire, son extension s'applique, de manière rétroactive, à compter du 1er novembre 2021.
Le décret du 9 avril, qui compte une dizaine de pages au Journal officiel, précise ensuite les modalités de mise en œuvre du dispositif. Ainsi, les fournisseurs d'énergie pourront déposer une première demande d'aide, couvrant les mois de novembre 2021 à février 2022, avant le 1er mai (ce qui semble peu réaliste au regard de la date de parution du décret), "ou à défaut au plus tard avant le 1er juin si l'échéance du 1er mai ne peut être tenue". Une seconde demande, intégrale ou complémentaire et couvrant les mois de novembre 2021 à juin 2022 (déduction faite de la première aide déjà demandée le cas échéant), pourra être déposée avant le 1er octobre 2022. L'État s'engage à verser l'aide aux fournisseurs dans les 30 jours suivant la demande, via l'Agence de services et de paiement. Les fournisseurs devront ensuite la reverser intégralement à leurs clients "au plus tard 30 jours après l'avoir reçue".
Le décret décline également, pour chaque cas de figure, les modalités de calcul du montant de l'aide, passablement complexes. Cette complexité, et la concertation avec les différents acteurs concernés, expliquent les deux mois de délais entre l'annonce de l'extension par le Premier ministre et sa mise en œuvre à travers le décret du 9 avril.
L'USH "salue la publication du décret", mais attend des mesures complémentaires
Dans un communiqué du 12 avril, l'USH "qui avait fait part dès le mois de novembre de sa forte préoccupation et de celle de l'ensemble de ses locataires, au regard des importantes augmentations des tarifs du gaz, salue la publication du décret 'bouclier tarifaire' et les travaux de concertation qui l'ont précédé". Néanmoins, elle rappelle qu'elle a signé, avec quatre associations représentatives des locataires, une déclaration commune indiquant que "ce bouclier tarifaire apparaît être une première étape nécessaire, mais qu'il conviendra de prolonger et d'approfondir". L'USH appelle donc les pouvoirs publics à mettre en œuvre des mesures complémentaires, parmi lesquelles l'extension de l'application du bouclier jusqu'à la fin de l'année 2022 (ce qui est juridiquement possible par arrêté, comme indiqué plus haut), la revalorisation du forfait charges des APL (aides personnelles au logement) ou encore l'abaissement du seuil d'éligibilité au chèque énergie, la revalorisation de son montant à hauteur de 200 euros et son éligibilité aux locataires HLM.
De son côté, dans un communiqué également daté du 12 avril, l'Unafo (Union professionnelle du logement accompagné) se dit "satisfaite que le gouvernement ait finalement entendu, au terme de nombreux échanges, ses demandes d'élargir le bouclier tarifaire aux résidences sociales". Cependant, estime-t-elle, "face à une hausse structurelle, ce sont des réponses structurelles qui doivent être apportées".
Référence : décret n°2022-514 du 9 avril 2022 relatif à l'aide en faveur de l'habitat collectif résidentiel face à l'augmentation du prix du gaz naturel (Journal officiel du 10 avril 2022). |