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Hausse des prix de l'énergie : le gouvernement veut constituer un "bouclier tarifaire", les associations toujours très inquiètes

Le gouvernement va "bloquer" le tarif réglementé du gaz jusqu'en avril 2022, après la hausse du 1er octobre, et limiter l'augmentation de celui de l'électricité à 4% en février, afin de constituer un "bouclier tarifaire", a annoncé Jean Castex sur TF1 le 30 septembre. À l'approche de l'hiver, cette envolée des prix de l'énergie inquiète fortement les associations d'aide aux plus démunis qui craignent une "bombe à retardement".

Après une aide exceptionnelle de 100 euros pour les 5,8 millions de bénéficiaires du chèque énergie, qui sera versée en décembre (lire notre article du 17 septembre 2021), le gouvernement va "bloquer" le tarif réglementé du gaz jusqu'en avril 2022, après la hausse de 12,6% TTC intervenue ce 1er octobre, et limiter l'augmentation de celui de l'électricité à 4% en février, afin de constituer un "bouclier tarifaire", a annoncé Jean Castex sur TF1 le 30 septembre. Et si ces mesures de modération ne suffisaient pas, le Premier ministre a assuré que le chèque énergie serait encore revalorisé. Face aux hausses constantes depuis des mois (57% depuis janvier), "il n'y aura plus d'augmentation du prix du gaz", a assuré Jean Castex, en fixant l'échéance à avril prochain, horizon à partir duquel "le prix du gaz devrait dégringoler".
La chute habituelle et attendue des prix du gaz au printemps, après la saison du chauffage, sera ensuite répercutée seulement en partie sur les consommateurs, afin de récupérer les sommes que les opérateurs auront payées en plus pendant l'hiver sans pouvoir les facturer aux consommateurs : c'est ce que le gouvernement appelle un "lissage" des prix. Jean Castex a donc exclu une baisse des taxes sur le gaz, comme le réclamaient notamment des associations de consommateurs.
Concernant les tarifs de l'électricité, qui devaient eux aussi connaître une nouvelle augmentation aux alentours de 12% en début d'année prochaine selon les prévisions du gouvernement, Jean Castex a aussi promis de faire jouer son "bouclier tarifaire". "Nous l'empêcherons en diminuant une taxe sur l'électricité qui existe", afin de limiter cette hausse à "4%", a-t-il assuré. Le prix réglementé de l'électricité n'est changé que deux fois par an, contrairement à ceux du gaz qui sont revus mensuellement.
Il n'y aura en revanche pas d'aide face à l'augmentation du prix de l'essence : "On n'est pas dans l'explosion", a justifié le Premier ministre, en estimant que les tarifs revenaient en réalité "à des niveaux d'avant-crise". Ce qui n'empêche pas le gouvernement de rester "extrêmement attentif" sur ce point, a-t-il précisé. Car au-delà de l'enjeu social, l'exécutif cherche à désamorcer les risques d'un mouvement de protestation rappelant les "gilets jaunes", et qui s'était cristallisé à l'automne 2018 autour de l'augmentation du prix des carburants automobiles.

"Bombe à retardement"

Cette envolée des prix de l'énergie est une "bombe à retardement" estiment les associations d'aide aux plus démunis mais aussi les syndicats, qui craignent une explosion de la précarité énergétique. 
"Avec l'hiver qui approche, on est vraiment très inquiets", confie Marie-Françoise Thull, secrétaire nationale du Secours populaire. "On n'a jamais aidé autant de personnes à payer leurs charges." L'énergie est devenue, après l'alimentation, le deuxième poste d'aide du Secours catholique, précise son chargé de mission Précarité énergétique, François Boulot. Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, dit craindre "la paupérisation" et "la précarisation de centaines de milliers de familles". "Un problème majeur" souligné également par la CGT.

3,5 millions de ménages en situation de précarité énergétique en 2019

En 2019, 11,9% des ménages (3,5 millions) étaient en situation de précarité énergétique, c'est-à-dire qu'ils dépensaient plus de 8% de leurs revenus pour payer leur facture, selon l'Observatoire national de la précarité énergétique (lire notre article du 14 janvier 2021). Selon le Médiateur de l'énergie, 671.546 ménages ont subi l'intervention d'un fournisseur (suspensions, réduction de puissance) en 2019 à la suite d'impayés (+17% par rapport à 2018). En 2020, année du premier confinement, les interventions pour impayés ont certes baissé de 18% mais il s'agit d'une "baisse en trompe-l'oeil", explique le Médiateur. En raison de la crise sanitaire du Covid-19, la trêve hivernale des coupures d'énergie a été prolongée de trois mois. 
Un simple sursis pour la fondation Abbé-Pierre qui estime dans son dernier rapport annuel sur l'état du mal-logement en France que "le dégel des procédures risque d'être très dur. C'est une bombe à retardement".
Pour Marie Moisan, chef de projets Précarité énergétique au sein du Cler, Réseau pour la transition énergétique, il y a même "une double bombe : les factures arrivent et les demandes de coupures ont lieu avant la prochaine trêve hivernale du 1er novembre, et ensuite les prix s'envolent".

Difficultés d'accès aux aides

"Une facture de chauffage, c'est en moyenne 1.500 euros par an. Le chèque énergie en représente 10%. Cela aide très marginalement", souligne François Boulot, qui demande "une augmentation sensible pour les plus précaires" sous le seuil de pauvreté.
D'autres aides peuvent aussi être délivrées par les centres communaux d'action sociale, les caisses de retraite ou d'allocations familiales, ainsi que par le fonds de solidarité logement (FSL) piloté par les départements. Des soutiens variables selon les territoires et complexes à obtenir. "Dans tous nos points d'accueil, on propose une aide à toutes les démarches administratives et juridiques parce que les gens n'ont pas facilement accès à leurs droits", relève Marie-Françoise Thull.
En 2018, le nombre de ménages (près de 76.000) qui ont bénéficié du FSL a baissé de 16% par rapport à 2017, selon l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE). Une baisse là encore en trompe-l'oeil. "Les conditions d'accès au FSL apparaissent complexes et peu lisibles" et "avec des grandes disparités selon les départements, de 5 euros à 333 euros en moyenne par personne en situation de précarité", écrit le Secours catholique dans une analyse des politiques sociales des départements parue ce 3 septembre.

 

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