Factures d'énergie : les communes continuent à demander de l'aide au gouvernement
La flambée des prix de l'énergie fait s'envoler les factures de certaines communes qui demandent de l'aide au gouvernement, en invoquant le fait qu'elles sont peu concernées par le "bouclier tarifaire" sur le gaz et l'électricité. Mais l'exécutif continue à relativiser à ce stade l'impact de la hausse sur les finances des collectivités.
Les habitants de Oissel-sur-Seine, près de Rouen, devront renoncer à se rendre à la piscine pendant cinq semaines. Face à la flambée du prix du chauffage qui a quadruplé en un an, passant de 40.000 à 165.000 euros, le maire de la ville, Stéphane Barré, s'est résigné à fermer les bassins. Une mise à l'arrêt temporaire qui devrait permettre d'économiser environ 50.000 euros de charges et, point positif, d'installer un nouveau filtre à eau moins consommateur d'énergie.
Explosion des hausses
Pour nombre d'édiles, les économies à réaliser sur la facture d'énergie tournent aujourd'hui au casse-tête. "On a renouvelé notre contrat de fourniture d'énergie fin 2021 et on va passer d'une ligne budgétaire de 300.000 euros en 2021 à presque 900.000 euros en 2022", a témoigné à l'AFP Nathalie Nieson, maire de Bourg-de-Péage dans la Drôme. Cette élue a fait ses comptes : "ça fait +200% pour le gaz et +100% pour l'électricité", pour sa commune de 10.500 habitants. "Pour nous c'est un triplement de la facture", avance aussi Christophe Bouillon, maire de Barentin (Seine-Maritime) et président de l'Association des petites villes de France (APVF). "On a tiré très tôt la sonnette d'alarme car on avait des remontées de maires qui voyaient les renégociations de contrats arriver avec des prix qui explosent", appuie André Robert, délégué général de l'APVF.
A Bourg-de-Péage, pour faire face, la maire ne va pas augmenter les impôts, "mais on va arrêter le festival de magie qu'on organisait tous les ans, c'est 92.000 euros d'économisé", réduire de 70.000 euros les subventions aux associations ou encore se passer des éducateurs sportifs. A Barentin, Christophe Bouillon a donné la consigne à ses services de réduire de 7% les dépenses générales, hors masse salariale, pour récupérer "quelques centaines de milliers d'euros". Et la ville a baissé d'un degré le chauffage dans ses bâtiments.
Une dépense supplémentaire estimée à 11 milliards d'euros pour les collectivités
Si le gouvernement a bloqué les prix du gaz dès novembre 2021, et plafonné à +4% la hausse des tarifs de l'électricité en février, ces mesures ne concernent que les particuliers et certaines très petites collectivités en milieu rural. "Les augmentations de coût de fourniture d'énergie s'échelonnent entre 30 et 300% pour l'électricité et le gaz", indiquait en janvier dernier l'Association des maires de France (AMF) dans un courrier adressé au Premier ministre (lire notre article), qui s'appuyait sur une enquête réalisée entre le 20 décembre 2021 et le 15 janvier 2022 par la FNCCR, qui rassemble les communes et services publics gérant notamment les réseaux d'eau et d'électricité.
Cette étude montrait que pour les groupements d'achat de collectivités, dont la plupart sont composés de plusieurs centaines de collectivités et de milliers de points de livraison, la hausse allait de 25 à 250% pour l'électricité et de 30 à 200% pour le gaz, pour une durée moyenne de marché de 2 ans. Pour les collectivités gestionnaires d'un service public local (production d'eau potable, assainissement, gestion des déchets, réseau de chaleur), elle allait de 40 à 150% pour l'électricité et s'élevait à 50% pour le gaz pour une durée moyenne de marché de 3 ans. Pour certaines régies d'eau potable, l'augmentation pouvait atteindre 300%. Pour les réseaux de chaleur, la hausse du gaz pouvait aller jusqu'à 240%. Au total, l'enquête de la FNCCR estimait à 11 milliards d'euros la dépense supplémentaire pour les collectivités.
A partir du moment où le bouclier tarifaire existe, "il doit respecter un principe d'universalité et donc pouvoir s'appliquer aussi à toutes les collectivités locales", jugeait encore l'AMF dans un autre courrier à Jean Castex, datant du 22 février. Début mars, les sénateurs du groupe CRCE avaient, eux, déposé une proposition de résolution invitant notamment l'exécutif à mettre en place un fonds d'urgence de compensation et à appliquer un taux de TVA réduit sur les factures énergétiques des collectivités et de leurs groupements (lire notre article).
Une situation à "relativiser"
Alors que le gouvernement a débloqué près de 26 milliards d'euros pour les particuliers et les entreprises afin de limiter l'impact de l'inflation, rien n'est à ce stade vraiment prévu pour les collectivités. Il n'y a "pas de dispositif spécifique pour les collectivités, par contre, elles s'inscrivent bien dans les dispositifs généraux", affirme-t-on de source gouvernementale, évoquant la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) ou le gel du prix du gaz servant à alimenter les réseaux de chaleur installés dans certaines communes.
Interpellé les 30 et 31 mars par les sénateurs et députés lors de l'examen par leurs commissions des finances respectives d'un projet de décret d'avance destiné notamment à financer la réduction du coût des carburants pour les consommateurs, le ministre des Comptes publics Olivier Dussopt a assuré que le gouvernement suivait "de près" le sujet. Mais "quelques éléments doivent nous inciter à relativiser" la situation des communes, a-t-il ajouté. "Lorsque nous regardons ce que pèse dans le budget des collectivités locales le budget de l'énergie, pour les communes, cela représente en 2020 moins de 3,35% des recettes réelles de fonctionnement" en moyenne, a-t-il pointé. Il a aussi rappelé que selon les derniers chiffres de l'Insee, les comptes des collectivités locales étaient fin 2021 en excédent de 4,7 milliards d'euros, "soit plus qu'en 2018, année qui avait été considérée comme exceptionnelle par l'ensemble des associations d'élus".
"Même si ça ne représente que 4 à 5% du budget d'une commune c'est autant d'argent qu'on mettra en moins dans nos investissements", rétorque Christophe Bouillon, qui rappelle que s'ajoute à cela l'augmentation à venir des rémunérations des agents publics décidée par le gouvernement, principal poste de dépense des communes. L'APVF réclame ainsi une "dotation énergie" pour les collectivités, mais "fléchée vers les collectivités qui s'engagent à investir dans la rénovation énergétique", poursuit-elle.