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Centres-ville : les élus clament leur besoin d'ingénierie

Nouveau site internet, meilleur fléchage du Fisac, circulaire aux préfets sur l’aménagement commercial… Les "Assises de la revitalisation des centres-ville" du 28 février n’ont débouché que sur des annonces cosmétiques face au phénomène de dévitalisation de nombreux centres analysé dans le détail par un volumineux rapport de l’IGF et du CGEDD en octobre dernier. Un phénomène complexe qui nécessite une forte capacité d’ingénierie.

Quatre mois après le diagnostic implacable de l'IGF et du CGEDD sur la dévitalisation des centres de villes moyennes, suivi de près par celui de l’Insee, la secrétaire d’Etat au commerce, Martine Pinville, a convoqué les premières "Assises pour la revitalisation économique et commerciale des centres-ville", le 28 février, à Bercy. "La dévitalisation n’est pas une fatalité" mais "il est urgent d’agir", a-t-elle déclaré. Seulement, à quelques semaines de la fin du mandat, son panier était bien peu garni. La secrétaire d’Etat a annoncé le lancement d’un site internet baptisé "cœur de ville", recensant l’ensemble des informations disponibles sur le sujet et de nombreux témoignages d’élus. Par ailleurs, l’appel à projets 2017 du Fisac (Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce) donnera la priorité aux centralités commerciales dégradées, a-t-elle indiqué. Le Fisac pourra ainsi être mobilisé pour des opérations collectives visant à moderniser ou sécuriser les commerces de proximité et plus uniquement en ZRR (zones de revitalisation rurale) ou dans les quartiers de la politique de la ville. Une enveloppe d’un million d’euros prise sur le Fisac sera spécifiquement consacrée à des "opérations collectives de revitalisation commerciale qui font appel à une ingénierie de projets porteurs de partenariats innovants".
Martine Pinville a aussi indiqué qu’elle enverrait "très rapidement" une circulaire aux préfets sur le fonctionnement des CDAC (commissions départementales d’aménagement commercial), notamment pour rappeler le respect des critères d’aménagement du territoire, de développement durable et de protection du consommateur, prévus par la loi. A ce titre, la loi ACTPE (Artisanat, commerce et très petites entreprises) du 18 juin 2014 n’y a rien changé. Les commissions restent des "machines à dire oui". "Entre 2010 et 2015, environ 90% des projets ont été autorisés", a reconnu Martine Pinville, se refusant cependant à suivre le rapport d’inspection qui proposait notamment de les régionaliser. Dans leur rapport, les deux corps d’inspection se disaient "perplexes" sur la capacité de régulation de ces commissions. 

Stratégie de moyen terme

Le phénomène d'aspiration des grandes surfaces a été pointé à plusieurs reprises. Martine Donnette, présidente de l’association En toute franchise, a ainsi interpellé la ministre au sujet des "surfaces illicites" construites par la grande distribution sans autorisation. Selon cette association de défense des commerçants et artisans, le manque à gagner pour l’Etat se monterait à 418 milliards d’euros.
Depuis la loi LME de 2008, "on ne peut plus rien refuser", a témoigné le maire de Bourg-en-Bresse, Jean-François Debat. Cette ville de 41.000 habitants, qui présentait un taux de vacance commerciale de 12%, a réussi à le ramener à 6%, grâce à une politique très volontariste. Le premier élément de sa stratégie a été de "bloquer les extensions périphériques de grande surfaces grâce au PLU", et protéger les linéaires commerciaux de l’appétit des activités tertiaires comme les banques, a souligné le maire. "Cela tend les relations avec les bailleurs mais c’est néanmoins un moyen de protection", a-t-il poursuivi. Jean-François Debat a regretté avoir "peu d’outils sur le foncier diffus de bas d’immeuble". Selon lui, la reconquête du centre est une "stratégie de moyen terme". "On peut difficilement avoir des résultats en deux ou trois ans. Il faut de la continuité."
On retrouve cette même volonté d’endiguer le développement de la périphérie à Cahors. "Tout ce qui peut s’installer en centre-ville n’a rien à faire en périphérie", a lancé Jean-Marc Vayssouze-Faure, le maire de cette ville de 20.000 habitants blottie dans un coude du Lot. Cahors fait partie des douze villes affichant un taux de vacance inférieur à 5%, soit moitié moins que la moyenne des villes de moins de 100.000 habitants. Le maire a insisté sur la nécessité d’implanter "des équipements structurants", prenant l'exemple de son hôpital. Un complexe cinématographique sera prochainement installé dans le centre. Un choix inverse de celui de nombreuses collectivités. Par ailleurs, une Sem travaille à recycler le bâti dégradé. Quelque 500 logements devraient être livrés d’ici à 2020.

Besoin d’ingénierie

L’élu a insisté sur "le besoin d’ingénierie" et souligné l’apport "extrêmement précieux" de la Caisse des Dépôts qui a fait de sa ville l’un de ses "démonstrateurs". Pour rappel, la Caisse des Dépôts a passé un partenariat avec l’Association des maires de France le 30 mars 2016 pour accompagner les villes de 20.000 à 100.000 habitants dans leurs stratégies locales de revitalisation. Déjà 61 villes et agglomérations ont rejoint cette démarche baptisée "Centre-ville de demain". Parmi elles, dix - dont Cahors ou Châlons -en-Champagne - ont accepté de servir de terrain d’expérimentation à la Caisse des Dépôts qui cherche ainsi à faire évoluer son offre et l’adapter au mieux.
"Aux écarts de développement correspondent les écarts d’accès à l’expertise et à l’ingénierie", a insisté Michel-François Delannoy, qui coordonne ce dispositif au sein de la Caisse des Dépôts. Celle-ci intervient tout d’abord en apportant des moyens d’ingénierie dans la phase d’élaboration de la stratégie locale ou du plan d’actions de la collectivité. Sur cette base, la elle propose de passer une convention "Centre-ville de demain" où elle peut apporter différents moyens : prêts, co-investissements, moyens supplémentaires d’ingénierie…
De nombreux intervenants ont aussi souligné l’importance des services publics. Le géographe Christophe Queva a mis en cause "la rationalisation des services publics" et "la réorganisation de la carte militaire, de la carte judiciaire, qui a touché principalement ces villes petites et moyennes", même si elle peut être une opportunité pour rebondir. "De fait, les métropoles concurrencent les villes petites et moyennes, tout l’enjeu est de contrebalancer" ces déséquilibres, a-t-il dit. "Il faut retrouver des périmètres de coopération", a renchéri Marc Abadie, directeur du Réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts, citant les nouveaux pactes métropolitains d’innovation. "Il va falloir innover", a-t-il souligné. "Il est beaucoup plus facile de faire une ville nouvelle que de refaire la ville sur la ville."
Les auteurs du rapport d'inspection Julien Munch et Pierre Narring ont invité les élus à intervenir "aux bonnes échelles", plaidant ainsi pour l'élaboration d'une stratégie à l'échelle intercommunale, comme le prévoit, depuis le 1er janvier 2017, la loi Notre du 7 août 2015 avec la compétence "politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire" (sauf si les élus en décident autrement lors de la définition de l'intérêt communautaire). Mais cette politique "n'a pas encore de contenu", ont-ils regretté.