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Patrimoine - 600 centres anciens à revitaliser

Sur la base du rapport d'Yves Dauge remis cette semaine, le Premier ministre présentera dans les "prochains jours" un "plan national" pour la revitalisation des centres historiques en déclin. L'ancien sénateur, qui identifie 600 villes petites et moyennes nécessitant un travail de fond, appelle à un "renversement de politique". D'ores et déjà une expérimentation va démarrer dans une vingtaine de communes de trois régions (Occitanie, Grand Est, Centre).

Il aura fallu attendre la fin du quinquennat pour que les centres historiques des villes petites et moyennes fassent l'objet d'une attention particulière. Le Premier ministre Bernard Cazeneuve a en effet annoncé, le 1er février, qu'il ferait des propositions "dans les prochains jours", à partir du rapport que vient de lui remettre Yves Dauge.
L'ancien sénateur maire socialiste de Chinon très impliqué sur ces questions avait été chargé au printemps par Manuel Valls de "définir les contours d'un plan national d'accompagnement de la mise en œuvre des nouveaux espaces protégés" prévus dans la loi liberté de la création architecture et patrimoine (LCAP) du 7 juillet 2006, à savoir les "sites patrimoniaux remarquables". Si la loi Malraux de 1962 a permis de préserver les centres anciens, nombre d'entre eux sont aujourd'hui en déclin : "baisse de population, concurrences grands pôles urbains, dégradation de l'habitat ancien et installation des commerces en périphérie", résume Matignon, dans un communiqué.
Après s'être entouré de chercheurs comme Laurent Davezies, professeur au Cnam, le rapporteur a identifié 600 villes qui méritent un traitement de fond (habitat, commerce, activité économique et touristique, culture...)  et devraient se voir attribué ce label de sites patrimoniaux remarquables. Les plus dégradés d’entre eux seraient déclarés "ville en urgence sociale et patrimoniale" par décret préfectoral.

"Renversement de politique"

"C'est un plan sur dix ans, ce n'est pas un guichet de plus, ce plan passe par une modification assez radicale des modes de financement et d'intervention, clame Yves Dauge. On est aujourd'hui dans un système où malgré tout, on contribue à détruire le centre-ville. Je plaide pour un 'renversement de politique'."
Le rapport, que Localtis s’est procuré, se place dans le prolongement des nouveaux programmes de rénovation urbaine et donne la priorité à l’habitat de centre-ville "dont l’abandon est le signe le plus inquiétant du dépérissement" et a pour cause "la priorité constante apportée au logement neuf en périphérie, au détriment des aides en faveur du logement ancien en centre-ville". Il propose de renforcer les mesures de défiscalisation existantes pour des travaux d’un montant compris entre 400.000 euros et 500.000 euros sur trois ans (avec un taux passant de 30 à 40% et jusqu’à 50% pour certaines opérations à caractère social). Par ailleurs, le taux de TVA pour les travaux serait ramené à 5,5% dans l’ancien et à 10% pour le neuf en centre-ville. Pour lever les blocages concernant les restaurations de parties communes, les règles de vote au sein des copropriétés seraient aménagées. Le dispositif Pinel (qui vise à favoriser l’investissement des particuliers) bénéficierait d’un relèvement du plafonnement global. Le rapport propose aussi l’élaboration d’un "projet global de développement" pour l’activité commerciale dont la situation est elle aussi "très préoccupante" et préconise un "moratoire" de cinq ans sur les surfaces commerciales. Il pointe à ce titre "l’un des pires exemples des politiques contradictoires que mènent les collectivités locales" : "D’un côté, elles affichent fort leur intérêt pour le soutien aux commerces des centres-ville, de l’autre elles ne renoncent pas aux risques de nouvelles implantations périphériques…" Le plan comprendra aussi des mesures sur l'attractivité économique et touristique et sur l'activité culturelle.
Dès à présent, le Premier ministre a fait savoir que des opérations allaient être lancées dans une vingtaine de collectivités volontaires de trois régions (Centre, Grand Est et Occitanie). Cette expérimentation sera conduite conjointement par les préfets de région et présidents de conseils régionaux et pilotée par le CGET (Commissariat général à l'égalité des territoires). Chaque région organisera des "ateliers de territoire" qui permettront de partager de l'expertise, de l'ingénierie... "Les régions se mouillent beaucoup, c'est fondamental pour elles, c'est là qu'elles vont pouvoir faire preuve de bonnes politiques", souligne Yves Dauge
A plus de 80 ans, l'ancien maire de Chinon a quelques faits d'armes à son actif : le classement de la Loire au patrimoine mondial de l'Unesco ou encore le maintien de l'hôpital de Chinon, dans le cadre d'un partenariat avec le CHU de Tours, sans parler de l'université de Chinon qui s'est spécialisée dans "l'ingénierie des milieux aquatiques et des corridors fluviaux".

"C'est notre mode de vie qui est en jeu"

"On a sauvé l'hôpital en faisant preuve d'intelligence", se félicite-t-il. Ce sont ces partenariats avec de plus grandes villes qu'il souhaite promouvoir. "On ne va pas sauver nos villes sans s'allier aux plus grandes, il faut qu'elles s'entraident sur les questions de mobilité ou les grands équipements de santé ou culturels, y compris pour la programmation culturelle, tout cela se construit", explique aussi le président de l'ACCR (Association des centres culturels de rencontre) qui œuvre dans ce sens.
Le rapport préconise un partenariat large avec l'ensemble des institutions concernées, dont la Caisse des Dépôts qui a lancé son propre programme de redynamisation des centres-ville.
Selon Yves Dauge, l'enjeu du plan est davantage de mobiliser de la "matière grise" que de demander des moyens ou "un guichet de plus". "Avec de l'argent, on a fait beaucoup de dégâts", insiste-t-il.
Pour accompagner ce plan, le gouvernement fera rapidement des propositions règlementaires et législatives en matière d'urbanisme ou de préservation du patrimoine. "C'est notre mode de vie, les fondements de notre société qui sont en jeu, alerte Yves Dauge. Ces centaines de villes petites et moyennes ont des ressources énormes, mais il faut quand même travailler."


 

 

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