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Emploi - Ce que va changer l'accord sur la "flexisécurité"

Les partenaires sociaux ont réussi à trouver un accord sur l'emploi dans la nuit du 11 au 12 janvier 2013. Parmi les mesures phares : la taxation des contrats courts, la présence de salariés dans les conseils d'administration, la création d'un compte personnel de formation et plus de souplesse dans la procédure des plans sociaux.

Les partenaires sociaux ont réussi à trouver un accord sur l'emploi dans la nuit du 11 au 12 janvier 2013 après une longue journée de discussions et trois mois de négociations. Trois des syndicats de salariés (CFDT, CFTC, CFE-CGC) se sont ainsi dits favorables au texte, tout comme le patronat (Medef, CGPME, UPA). La CGT et FO ont en revanche refusé de signer, jugeant l'accord "inacceptable". "C'est un jour sombre pour les droits des salariés", a déclaré Stéphane Lardy de FO, dénonçant un texte qui "renforce la précarité" et une négociation qui a "loupé sa cible".

Malgré ces oppositions, le texte est ratifié (pour qu'il y ait ratification, il ne faut pas l'opposition de plus de deux syndicats). Pour Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre, c'est "l'accord le plus important depuis plus de trente ans" par son ampleur, premier résultat de la négociation mise en place à partir de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012. Michel Sapin, ministre du Travail, estime pour sa part que cet accord sera "un accélérateur de création d'emploi" car "il fera sauter la peur de l'embauche". Mais le président de la CGPME se montre moins optimiste. S'il s'est dit globalement "satisfait" de l'accord, qui devrait selon lui permettre de limiter les licenciements, Jean-François Roubaud, estime qu'"on ne va pas créer des embauches avec cet accord".
Décliné en une trentaine d'articles, l'accord, qui tente de concilier flexibilité pour les entreprises et sécurité pour les salariés, prévoit notamment une taxation des contrats courts. C'était une des revendications fortes des syndicats, à laquelle le patronat n'avait pas répondu positivement jusque-là. Finalement, et à partir de contreparties apportées (exonération de cotisation d'assurance chômage patronale pendant trois mois pour les jeunes de moins de 26 ans embauchés en CDI), le patronat a lâché du lest. Le texte prévoit de majorer la cotisation d'assurance chômage patronale de trois points (soit 7% de taux de cotisation) pour les CDD de moins d'un mois, de 1,5 point (soit 5,5% de taux de cotisations), pour les CDD compris entre un et trois mois. Sont exclus de cette mesure les CDD saisonniers et les CDD de remplacement. Ces nouvelles règles du jeu entreront en vigueur dès le 1er juillet 2013 à partir d'un avenant à la convention d'assurance chômage.

Des salariés aux conseils d'administration

Autre point clé : une meilleure représentativité dans les conseils d'administration. Les entreprises ayant plus de 10.000 salariés ou 5.000 en France devront faire rentrer des représentants de salariés, avec voix délibérative, au sein de leur conseil d'administration. Elles ont vingt-six mois pour se mettre en ordre de bataille. Le texte prévoit aussi une période de mobilité sécurisée pour les entreprises de plus de 300 salariés. Cette période permettra à un salarié, comptant au moins deux ans d'ancienneté, de découvrir un emploi dans une autre entreprise. A l'issue de cette période, il pourra réintégrer ou pas son entreprise d'origine. Si le salarié ne souhaite pas revenir, le contrat de travail est rompu par démission. Autres mesures en faveur des salariés : la généralisation de la complémentaire santé, qui doit entrer en vigueur dans les entreprises au plus tard le 1er janvier 2016, des droits rechargeables à l'assurance-chômage en cas de reprise d'activité permettant aux chômeurs qui reprennent un emploi de conserver les droits aux allocations qu'ils n'ont pas utilisés.
Le texte crée aussi le compte personnel de formation. Ce compte doit être mis en place dans les six mois. Il va permettre aux salariés de transférer leurs droits intégralement en cas de changement d'employeur, quelle que soit la fréquence des changements. Les régions participeront à son financement. Le nouvel accord les invite d'ailleurs, avec l'Etat et les partenaires sociaux, à engager une concertation rapidement, pour définir les modalités de ce financement. L'accord prévoit aussi un mécanisme d'accompagnement des salariés qui souhaiteraient mobiliser leur compte personnel, sous la forme d'un "conseil en évolution professionnelle". Ce conseil, qui est constitué en dehors de l'entreprise, va permettre aux salariés d'être mieux informés sur leur environnement professionnel, de mieux connaître leurs compétences et de repérer les offres d'emploi adaptées à celles-ci. Les partenaires sociaux comptent discuter de son déploiement sur l'ensemble du territoire avec les pouvoirs publics et le service public de l'orientation, piloté par les conseils régionaux.
Le texte propose d'instaurer une plus grande flexibilité pour les employeurs, notamment dans l'élaboration des plans sociaux. Aujourd'hui, une entreprise qui souhaite procéder au licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une période de trente jours doit suivre une procédure impliquant la consultation des représentants du personnel, l'information et la prise en compte des suggestions de l'administration, et l'élaboration, pour les entreprises de plus de 50 salariés, d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Dans le nouvel accord, le seuil de déclenchement ne bouge pas (10 salariés ou plus sur une période de trente jours). En revanche, la procédure est modifiée.

Bientôt un projet de loi retranscrivant l'accord

Deux cas de figure sont prévus : la mise en œuvre par accord majoritaire avec les syndicats. Cet accord peut s'affranchir des règles du droit du travail concernant le nombre et le calendrier des réunions, l'ordre des licenciements et le contenu du PSE. Il peut aussi encadrer la négociation dans des délais préfixes. La validité de l'accord doit être contestée dans les trois mois. Le salarié a quant à lui un an pour contester son licenciement. Deuxième cas de figure : l'homologation par l'administration. Dans le cas où le plan social n'a pas fait l'objet d'un accord, il est soumis pour avis au comité d'entreprise. Il est ensuite transmis à l'administration du travail. Autre point concernant la flexibilité pour les entreprises : la mise en place d'accords de maintien dans l'emploi. Ces dispositifs, précédemment nommés accords "compétitivité-emploi", vont permettre aux entreprises qui traversent de graves difficultés conjoncturelles, de baisser les salaires et/ou d'ajuster le temps de travail en échange d'un engagement de maintien de l'emploi des salariés auxquels s'appliquent les accords. La durée maximale de ces accords est de deux ans. Si un salarié refuse ce principe, il est licencié, et il ne lui sera pas possible de contester le motif de son licenciement qui sera considéré comme économique.
Côté chômage partiel, les signataires se sont engagés à ouvrir, dans les deux semaines suivant la signature de l'accord, une négociation sur l'activité partielle, incluant l'Etat, pour mettre en œuvre un nouveau régime d'activité partielle "simplifié et unifié". Enfin, dernier point qui n'a été qu'effleuré : la reprise de sites rentables. Le texte précise qu' "il convient d'envisager la recherche de repreneurs dès l'annonce du projet de fermeture d'un site". Il ne propose pas de rendre cette démarche obligatoire. Le gouvernement avait pourtant annoncé une loi sur le sujet, afin d'obliger toute entreprise qui envisagerait de fermer un site rentable à chercher des repreneurs dès l'annonce du projet de fermeture.

L'accord doit être maintenant transcrit dans un projet de loi qui devrait être présenté en Conseil des ministres le 6 ou le 13 mars. Le texte sera examiné en urgence par le Parlement en vue d'une promulgation fin mai.