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Bidonvilles - Campements illicites en Ile-de-France : le préfet de région présente une stratégie régionale

A l'issue d'une concertation sur les campements illicites en Ile-de-France, le préfet a présenté une stratégie régionale en la matière. Si l'Etat se satisfait d'avoir "rassemblé tous les acteurs sur une même feuille de route", il précise bien qu'il s'agit là d'un "cadre de référence" et en aucun cas d'une "directive portant obligation". Une feuille de route qui compte, par exemple, sur "l'intelligence collective"...

Jean-François Carenco, préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a présenté, le 13 avril, une "stratégie régionale pour les campements illicites en Ile-de-France", aux élus, associations et services de l'Etat, membres de la conférence régionale "Rom" sur le sujet, installée le 20 octobre 2015.
Selon la préfecture, la région comptait, au 1er février 2016, 126 campements illicites abritant 6.600 personnes, soit 40% des occupants de campements illicites (OCI) recensés au niveau national. Ils sont repartis de manière très inégalitaire sur le territoire francilien et concentrés sur quelques communes dont certaines sont confrontées à des campements de manière permanente (1).
Les marges de manœuvre présentées par la préfecture sont toutefois étroites. "La pérennisation généralisée des campements illicites ne peut constituer une solution appropriée", pose-t-elle pour principe. Elle rappelle ensuite qu'"il appartient au préfet de définir la date du démantèlement en accordant le concours de la force publique" et que c'est "dans ce cadre juridique et réglementaire" que l'Etat et ses partenaires (collectivités locales, secteur associatif notamment) doivent répondre, "dans la mesure du possible et des moyens mobilisables" aux recommandations de la circulaire du 26 août 2012 (voir notre article ci-contre du 30 août 2012).

Un cadre de référence, pas une directive

"Cette stratégie régionale n'est pas une directive portant obligation", prévient-il d'ailleurs en préambule du document de 60 pages (voir ci-contre). "Elle a néanmoins l'ambition, dans le cadre des lois et règlements applicables, de présenter un cadre de référence sur les orientations et les mesures à mettre en œuvre." Et Jean-François Carenco d'ajouter : "C'est peu, mais déjà beaucoup que de rassembler tous les acteurs sur une même feuille de route."
Trop peu, certainement, pour les neuf élus franciliens directement concernés par les campements sur leurs communes (2) qui lui avaient adressé le 26 janvier une lettre dans laquelle ils demandaient notamment "un cadre réglementaire contraignant qui fixe une répartition territoriale solidaire de ces populations précaires, dans des bâtiments ou sur des terrains vacants". Ces élus, tous communistes, estimaient que "le volontariat des villes ne peut en aucun cas être considéré comme la base permettant une répartition juste et solidaire" et dénonçaient les maires qui "refusent catégoriquement" d'accueillir ces populations.

L'Etat incompétent pour opérer la répartition territoriale des campements

"Il est en effet légitime de veiller à ce que ce ne soient pas toujours les mêmes communes qui fassent cet effort et supportent les charges inhérentes à ces campements", convient la préfecture. Mais l'idée que ce soit l'Etat qui opère la répartition territoriale des campements ne serait tout simplement pas possible "sans l'accord des propriétaires", rappelle-t-elle.
"L'Etat peut en revanche s'engager à rechercher un meilleur équilibre territorial (...) dans les propositions d'hébergement ou de logement ou des dispositifs d'insertion", ajoute la stratégie régionale. Elle reconnaît par ailleurs que "la question de l'hébergement en urgence des personnes à l'occasion des évacuations de ces campements constitue la principale difficulté, dans la mesure où la région francilienne connaît une très forte tension en matière d'hébergement et de logement, avec 630.000 demandes de logement social et 80.000 personnes hébergées tous les jours (hôtel et autres structures d'hébergement)". Si bien que "les évacuations répétées des campements n'apparaissent pas comme une solution pérenne, mais plutôt comme une solution d'urgence, une solution nécessaire mais non suffisante puisqu'elle se traduit la plupart du temps par un déplacement de cette population d'une ville à une autre, d'un département à un autre".
Il n'empêche, parmi les quatre principes qui ont guidée la démarche (voir notre encadré ci-dessous), figure en premier lieu celui d'"une concertation élargie pour faire émerger une approche partagée et des orientations régionales en pariant sur l'intelligence collective (sic)".

Relocalisation de familles en province

Les quatre principes se concrétisent par cinq "priorités d'actions", dont la quatrième entend "stabiliser les personnes par un dispositif d'hébergement / logement passerelle" pour leur permettre un "véritable parcours d'insertion". A noter que, dans ce cadre, "la relocalisation de familles en province pourra être expérimentée". La préfecture indique que plusieurs expériences ont déjà été conduites "vers des territoires moins tendus en Lozère, dans la Somme, à Belfort ou au Havre (parc Adoma), ou encore à Cunlhat dans le Puy-de-Dôme". Selon elle, "ces expériences peuvent contribuer à maintenir les services publics ou des classes dans des territoires en décrue démographique", insistant sur le fait que "leur réussite dépendra de l'accompagnement social sur le territoire d'accueil, et de la mobilisation ou au moins de la bienveillance du tissu local (élus, institutions locales)". Quoi qu'il en soit, "l'Etat soutiendra les expériences conduites en ce sens, si elles réunissent les conditions, soit à son initiative (...), soit portées par des associations ou des collectivités", s'engage-t-elle dans le document de stratégie régionale.

Valérie Liquet

(1) Saint-Denis, Champs-sur-Marne, Montreuil, Lagny-sur-Marne, Ivry-sur-Seine, Evry, Triel... D'autres communes sont confrontées aux campements illicites de manière plus épisodique mais récurrente : Argenteuil, Sarcelles, Wissous, Nanterre...

(2) Philippe Bouyssou, maire d'Ivry-sur-Seine ; Gilles Poux, maire de La Courneuve ; Didier Paillard, maire de Saint-Denis ; Pascal Beaudet, maire d'Aubervilliers ; Azzédine Taïbi, maire de Stains ; Maud Tallet, maire de Champs-sur-Marne ; Patrice Bessac, maire de Montreuil ; Patrick Braouezec, président de Plaine-Commune ; Fatiha Aggoune, vice-présidente du conseil départemental du Val-de-Marne. 

Principes et priorités d'actions de la stratégie régionale

La stratégie régionale pour les campements illicites en Ile-de-France proposée par le préfet de région se présente autour de trois axes : l'évolution du cadre d'intervention, la prévention et l'anticipation et la garantie de l'application de la loi républicaine.
La démarche est guidée par quatre principes : "une concertation élargie pour faire émerger une approche partagée et des orientations régionales en pariant sur l'intelligence collective" ; "un respect de l'Etat de droit et de ses principes républicains : l'application des décisions de justice, la lutte contre la délinquance et la lutte contre les zones de non droit" ; "une réponse adaptée pour sortir progressivement du cercle des démantèlements des campements et des réinstallations" ; "une politique de la main tendue à tous ceux qui veulent vraiment s'insérer dans la société française".
Cinq priorités d'actions sont définies
Priorité 1 : sécuriser les conditions de vie dans les campements. Il s'agit, comme le demandait déjà la circulaire du 26 août 2012 (voir notre article ci-contre du 30 août 2012), de garantir les conditions d'hygiène minimales par la contractualisation. L'accès aux soins, en particulier des plus vulnérables, est développé par différents dispositifs (scolarisation, assiduité scolaire des enfants et adolescents).
Priorité 2 : garantir l'application des lois de la République par la lutte contre toutes les formes de délinquance et le respect des règles relatives au séjour.
Priorité 3 : donner une chance aux personnes volontaires pour s'engager dans un parcours d'insertion, ainsi que le demandait la circulaire du 26 août 2012. Dans ce cadre, la préfecture continuera à soutenir les démarches locales d'insertion (MOUS et "villages d'insertion") et s'engage à favoriser les initiatives innovantes en matière d'insertion.
Priorité 4 : stabiliser les personnes par un dispositif d'hébergement / logement passerelle, en leur fournissant "une réponse adaptée et graduée aux différentes situations". C'est dans ce cadre que la relocalisation de familles en province "pourra être expérimentée".
Priorité 5 : accompagner les projets de retour au pays, conformément à l'accord du 12 septembre 2012 entre la France et la Roumanie. Un renforcement de l'accompagnement des porteurs de projets, en France et en Roumanie, "est engagé afin de sécuriser leur réussite sur le long terme".
Sources : préfecture de région