Caméras augmentées et logiciels d'analyse vidéo : la Cnil met en demeure le ministère de l'Intérieur et six communes
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a publié jeudi 5 décembre 2024 un bilan à l'issue de ses contrôles auprès du ministère de l'Intérieur et de huit communes françaises sur l'utilisation des caméras augmentées et des logiciels d'analyse vidéo. Si aucune utilisation en temps réel de dispositifs de reconnaissance faciale dans l'espace public n'a été constatée, l'analyse des pratiques révèle plusieurs infractions au cadre légal qui ont valu des mises en demeure du ministère de l'Intérieur et de six communes.
Depuis 2015, certains services du ministère de l'Intérieur utilisent des logiciels d'analyse vidéo, comme ceux de la société BriefCam, pour analyser des enregistrements issus de caméras de vidéoprotection dans le cadre d'enquêtes judiciaires. Ces outils, qui permettent d'accélérer la recherche de véhicules, d'individus ou d'objets spécifiques, sont encadrés par le code de procédure pénale. Cependant, la Cnil relève que leur intégration dans le référentiel juridique des logiciels de rapprochement judiciaire (LRJ) n'a débuté qu'en 2023. Ce retard dans la transmission des engagements de conformité et des analyses d'impact (AIPD) a poussé la Cnil à adresser une mise en demeure au ministère de l'Intérieur à lui transmettre ses engagements de conformité et son analyse d'impact relative à la protection des données. "La Cnil reconnaît que les services du ministère de l'Intérieur n'(ont) pas fait un usage illicite de ce logiciel", a réagi le ministère, ajoutant "qu'il se conformera bien évidemment à la mise en demeure".
Par ailleurs, la fonctionnalité de reconnaissance faciale, récemment intégrée à BriefCam, bien qu'interdite par la loi, aurait été utilisée dans un cas isolé. La Cnil exige désormais sa suppression ou son bridage.
Six communes dans le viseur
Par ailleurs, des contrôles menés dans huit communes - que la Cnil n'a pas nommées - montrent une utilisation diversifiée des caméras augmentées. La Cnil établit trois grandes catégories d'usages. Elle identifie d'abord la détection automatisée d'infractions ou d'événements anormaux tels que les attroupements d'individus, le stationnement interdit, circulation en contre-sens, etc. "Cette pratique, bien qu'interdite par la loi actuelle, persiste dans certaines municipalités". Elle relève également un usage de statistiques de fréquentation (piétons, camions, vélos, trottinettes, etc.). "Autorisée sous condition d'une information claire des usagers, cette pratique souffre d'un déficit de transparence dans plusieurs cas", estime la Cnil. Enfin, dernière catégorie : la recherche judiciaire différée. "Encadrée par des réquisitions, elle reste légale mais limitée aux besoins strictement nécessaires", estime la Commission. Dans son bilan, l'autorité rappelle que les agents de police municipale ne peuvent initier des enquêtes judiciaires. Face à ces irrégularités, six communes ont reçu une mise en demeure pour mettre fin aux manquements.
Un rappel au respect des libertés individuelles
Elle rappelle qu'en dehors du cadre légal prévu pour les Jeux olympiques 2024 à titre expérimental et temporaire jusqu'au 31 mars 2025, l'utilisation de caméras augmentées en temps réel est interdite. L'utilisation de logiciels d'analyse automatique d'images déjà enregistrées est autorisée dans le cadre d'enquêtes judiciaires mais strictement encadrée. "Compte tenu des risques pour les droits et libertés fondamentaux des personnes et la préservation de leur anonymat dans l’espace public", la Cnil conclut en indiquant qu'elle restera "vigilante quant à l'utilisation qui est faite par les pouvoirs publics ainsi que les collectivités des caméras 'augmentées' ou tout autre logiciel d'analyse vidéo".