Vidéosurveillance algorithmique : des expérimentations encore balbutiantes

Le ministère de l'Intérieur a fait mardi 14 mai 2024 un premier bilan des premières expérimentations en matière de vidéosurveillance algorithmique. L'heure est encore au calibrage des caméras, peu de cas d'usages ayant fait leur preuve.

Il est bien difficile de savoir combien de caméras augmentées par l'IA seront déployées à l'occasion des Jeux olympiques et d'événements culturels. Dans le cadre d'un brief téléphonique qui s'est tenu mardi 14 mai 2024, le ministère de l'Intérieur s'est refusé à donner un chiffre global, renvoyant aux autorités titulaires des autorisations le soin d'apporter cette précision. Ainsi, la RATP annonce 300 caméras au moment des JO et la SNCF avance un chiffre similaire. La préfecture de police de Paris évoque de son côté "une centaine de caméras" sur les sites olympiques. Julie Mercier, directrice des entreprises et des partenariats de sécurité et des armes (Depsa) au ministère de l'Intérieur, indique par ailleurs avoir "plusieurs demandes en cours d'instruction" sélectionnées en fonction "des enjeux de sécurité" que les manifestations induisent. C'est ainsi que la police municipale de la ville de Cannes a été autorisée à utiliser des caméras augmentées à l'occasion du festival international de cinéma (voir notre article du 25 avril 2024) qui a débuté cette semaine. Le salon Vivatech, qui se tiendra du mercredi 22 au samedi 25 mai à Paris, sera également surveillé par l'IA.

Un test sur cinq événements

Fin avril, les caméras augmentées avaient été déployées à l'occasion de cinq événements sportifs et culturels - concerts, match de football, organisés à Paris, à La Défense et à Lyon (voir notre article du 22 avril). Le décret encadrant les expérimentations a établi une liste prédéfinie de huit événements susceptibles d'être détectés par l'IA :
- mouvement de foule, 
- surdensité, 
- personne à terre, 
- personne armée, 
- franchissement de limite, 
- déplacement à contresens, 
- colis abandonné, 
- départ de feu. 
Les solutions testées ont été choisies par le ministère de l'Intérieur dans le cadre d'un appel d'offres (voir notre article du 20 février 2024) avec pour objectif de fournir aux utilisateurs "des solutions pleinement fonctionnelles" et vérifiées par un laboratoire indépendant. Et si les logiciels en question peuvent aller plus loin que les cas d'usage listés par le décret encadrant les expérimentations, ces fonctionnalités ont été désactivées par le prestataire. Enfin, ces logiciels sont conçus comme une aide à la décision, les opérateurs vidéo étant seuls à décider des actions à mener suite aux alertes délivrées par l'IA.

La détection sur les voies jugée probante

Côté retour d'expérience, le bilan se révèle pour le moment assez maigre. À la préfecture de police de Paris, on avoue ne pas avoir encore dépassé le stade du calibrage. "Ces caméras doivent être paramétrées site par site, caméra par caméra en fonction du cas d'usage qui est pertinent là où elle est installée", précise Anne-Florence Canton, directrice de l'innovation, de la logistique et des technologies (Dilt) de la préfecture de police de Paris. Ainsi un franchissement de ligne implique par exemple de définir précisément la zone à surveiller par la caméra. À la RATP, sur les quatre cas d'usage testés en réel, deux "répondent bien", selon le responsable de l'expérimentation : la détection d'intrusion et la surdensité jugée "intéressante pour optimiser la canalisation des usagers". En revanche, la détection de colis abandonné s'avère, à ce stade, "peu probante" et aucun mouvement de foule n'a pour le moment été détecté. 
Le ressenti de la SCNF est similaire, les opérateurs de vidéoprotection jugeant notamment "particulièrement prometteuse" la détection de présences sur les voies. Les deux transporteurs attendent désormais beaucoup du tournoi de Roland Garros qui va permettre une expérimentation sur une durée plus longue susceptible d'avoir un retour d'expérience plus riche. 
Ces expérimentations sont prévues jusqu'à mars 2025 et doivent faire l'objet d'un rapport validé par un comité d'évaluation.