Bien-être à l'école : les solutions du Cnesco

Le Centre national d'étude des systèmes scolaires publie la synthèse de ses récents travaux sur le bien-être à l'école. Il en ressort que la France a un problème à régler sur ce sujet et que les solutions passent tant par des aménagements d'espaces que par du lien et des actions envers élèves et personnels.

"Comment les écoles et les établissements scolaires peuvent-ils favoriser le bien-être de leurs élèves et de leurs personnels ?" C'est à cette question qu'ont tenté de répondre les intervenants du colloque organisé fin 2023 par le Centre national d'étude des systèmes scolaires (Cnesco) lors d'un cycle de conférences de comparaisons internationales (CCI). Les réponses, qui viennent d'être publiées dans un dossier de synthèse, vont de l'énoncé de principes généraux visant à "faire du bien-être une préoccupation nationale à l'échelle du système éducatif" jusqu'à envisager les écoles comme "des lieux de vie d'une communauté éducative". Mais avant cela, la synthèse des travaux dresse un état des lieux.

Le Cnesco rappelle d'abord que l'enjeu du bien-être à l'école est apparu dans les textes officiels avec la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République et qu'on l'a retrouvé depuis dans plusieurs textes, dont le dernier est la loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et des assistants d'éducation (AED). Mais c'est surtout le Grenelle de l'éducation qui, en 2020-2021, "a favorisé l'émergence de nouveaux dispositifs visant à promouvoir le bien-être et la qualité de vie des personnels".

En 2021, la concertation publique "Bâtir l'école ensemble" portant sur l'adaptation des bâtiments et espaces scolaires aux enjeux de l'évolution des pratiques pédagogiques, de la transition écologique, de la santé, de la sécurité, du bien-être, de l'inclusion et de l'ouverture sur le territoire a constitué un nouveau tournant. Elle a donné lieu à la publication d'une collection de guides par le ministère de l'Éducation nationale.

Un climat dégradé pour les élèves et les personnels

Malgré ces interventions "à un rythme soutenu, […] la communauté éducative peine […] à s'approprier ces réformes et le bien-être dans les écoles et les établissements scolaires français en est impacté", note le Cnesco. De nombreuses enquêtes internationales montrent d'ailleurs que, "si les élèves et les personnels déclarent se sentir bien dans leur école, leur collège ou leur lycée, […] il apparaît notamment que certaines dimensions pourtant essentielles du bien-être sont bien souvent à améliorer".

Le climat dans les classes en France est ainsi moins favorable à l'apprentissage que dans la plupart des pays de l'OCDE. De même, la violence scolaire en France est jugée "importante" (lire à ce sujet notre article du 7 mars). Et si les relations avec les enseignants sont, en grande majorité, déclarées bonnes ou très bonnes par les élèves, ces derniers déclarent un manque de soutien de la part de leurs enseignants et de leurs parents.

Quant aux personnels d'éducation en France, s'ils disent aimer leur travail, ils se montrent "très largement insatisfaits de leurs conditions d'exercice", selon le Cnesco. Surtout, ils font le constat "d'une dégradation du climat scolaire" et sont plus nombreux à déclarer "des relations conflictuelles entre les membres de la communauté éducative, en particulier avec la hiérarchie". Il en résulte "un sentiment d'épuisement et des niveaux de stress élevés chez les personnels d'éducation". Dès lors, "l'engagement et le bien-être des personnels d'éducation sont donc impactés, ce qui influence en retour le climat scolaire", pointe le Cnesco.

Penser les "espaces interstitiels"

Au chapitre des solutions, après avoir affirmé que "l'école ne doit pas uniquement viser la performance, mais également la réalisation de soi", la synthèse des travaux avance tout d'abord que l'organisation des espaces scolaires et du temps scolaire peut avoir des effets "sur les conduites des acteurs de l'éducation, sur leurs émotions et sur leur bien-être". Si l'aménagement des classes joue un rôle sur les interactions et les apprentissages, les "espaces interstitiels" (halls, couloirs, escaliers,  toilettes, vestiaires, etc.) et les espaces extérieurs ne sont pas en reste : "Ces lieux, conçus pour la détente et la socialisation, peuvent être, paradoxalement, anxiogènes pour les élèves. Ils sont souvent vecteurs d'un sentiment d'insécurité, de phénomènes de violence."

Sur ce thème, il est recommandé de reconnaître un large pouvoir aux usagers dans les processus d'amélioration de leur environnement, de mettre en place des espaces dédiés au bien-être des élèves et des personnels, mais encore d'aménager systématiquement un espace pour les parents au service de la relation école-familles.

De la même façon, l'aménagement des temps scolaires en faveur du "droit de jouer" et de la "joie d'apprendre" contribue au bien-être des élèves et, par ricochet, des personnels d'éducation. Pour y parvenir, il convient de garantir la durée et la qualité des temps de pause, en particulier pour le déjeuner, de prévoir des lieux d'accueil des élèves pour les temps de pause ou de porter une attention particulière à la propreté et à la sécurisation des toilettes sur ces mêmes temps.

Revoir la conception des politiques scolaires

Enfin les travaux du Cnesco mettent en avant le "rôle majeur" des chefs d'établissement et des directeurs d'école dans la création d'une "atmosphère générale de bien-être". De même, la collaboration entre l'école et les familles constitue "un levier essentiel pour la réussite et le bien-être des élèves et de l'ensemble de la communauté éducative". Ici, à côté des aménagements d'espace pour permettre de prendre le déjeuner entre personnels ou de bénéficier d'un espace de travail individuel et collectif, c'est aussi une autre conception des politiques scolaires qui est préconisée : laisser aux équipes le temps de s'approprier des réformes avant leur mise en œuvre ou leur garantir l'accès à des dispositifs de soutien et de prévention.

Le Cnesco met encore en avant le besoin d'organiser des événements afin de développer un sentiment d'appartenance au sein des écoles, de créer les conditions favorables au partage de pratiques professionnelles ou encore d'intégrer le bien-être dans le pilotage des établissements ainsi que des actions ciblées auprès des élèves.