Baromètre sur la jeunesse 2018 : "La génération Tanguy n'existe pas"
Non, les jeunes dans leur majorité n'habitent pas chez leurs parents par choix ou goût d'un certain confort, alors qu'ils auraient la possibilité de faire autrement. C'est ce que démontre le baromètre sur la jeunesse 2018 de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Réalisée depuis 2016 par le Crédoc et l'Injep, l'enquête a cette année mis l'accent sur les trajectoires résidentielles des jeunes de 18 à 30 ans.
"La génération Tanguy n'existe pas", ont clamé l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep) et le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) le 27 novembre à Paris, lors de la présentation de la troisième édition du baromètre sur la jeunesse de la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (Djepva, ministère de l'Éducation nationale).
Administrée en février 2018 auprès de 5.000 jeunes de 18 à 30 ans - 4.500 de métropole et 500 d'outre-mer -, l'enquête a donné lieu cette année à un approfondissement sur les trajectoires résidentielles.
Quatre jeunes sur dix vivent chez leurs parents
Dans un contexte d'allongement des études et de précarité professionnelle, la part des jeunes habitant chez leurs parents augmente régulièrement (voir notre article ci-dessous du 6 février 2018). Selon le baromètre 2018, quatre jeunes sur dix sont concernés. Les taux sont bien sûr plus élevés chez les étudiants (73%) et les jeunes de moins de 25 ans (57%).
Parmi eux, 13% des jeunes vivent chez leurs parents après avoir eu une première expérience de décohabitation (voir notre article du 31 octobre 2012 "De la génération 'Tanguy' à la génération 'Boomerang'"). En tout, sept jeunes sur dix ont donc connu une expérience de décohabitation. Et, parmi les jeunes n'ayant jamais quitté le domicile parental, 66% ont pourtant déjà envisagé d'accéder à un logement autonome.
La "multirésidence", une étape intermédiaire pour un tiers des jeunes
"Cette aspiration est toutefois très souvent contrariée", selon l'Injep et le Crédoc. Sans surprise, les principaux freins identifiés sont liés au coût du logement et de la vie (40% des réponses) et au besoin d'une certaine stabilité professionnelle (32%). Deux tiers des jeunes de 18 à 30 ans estiment que les dépenses de logement représentent une lourde charge, contre la moitié de l'ensemble des Français. "Un tiers des jeunes de 18 à 24 ans en logement autonome sont aidés financièrement", a ainsi rappelé Joaquim Timotéo, chef de mission Injep.
À défaut de pouvoir accéder tout de suite à un logement autonome, de plus en plus de jeunes passeraient par une étape intermédiaire : la "multirésidence" (1). Ce phénomène concernerait environ un tiers des jeunes de 18 à 30 ans, a précisé Joaquim Timotéo.
Quant aux jeunes ayant franchi l'étape de la décohabitation, ils connaissent, plus souvent que d'autres tranches d'âge, des conditions de logement dégradées : surpeuplement, défauts divers (installation électrique, humidité, isolation thermique…).
Une insuffisante notoriété de l'offre sociale de logement et des dispositifs de caution
Ces jeunes pourraient-ils être mieux accompagnés dans leur parcours d'accès à un logement autonome ? Le baromètre a sondé la notoriété des aides publiques. Si les aides financières au logement, et en particulier les APL, sont bien identifiées, c'est moins le cas de l'offre sociale de logement (foyers de jeunes travailleurs, par exemple) et encore moins le cas des dispositifs de caution.
Ainsi, parmi les jeunes évoquant le coût du logement et de la vie comme premier frein à la décohabitation, seuls 50% ont entendu parler de l'offre sociale de logement et 19% des dispositifs de caution. Et concernant les aides financières, 13% tout de même n'en auraient pas entendu parler. Des chiffres qui indiquent de "grandes marges de progrès" dans l'information et l'accompagnement des jeunes, a commenté Joaquim Timotéo.
L'enjeu est "d'autant plus crucial que l'autonomie résidentielle (…) a un impact sur la satisfaction relative à la vie et sur la confiance en l'avenir des jeunes", conclut l'Injep dans sa synthèse des résultats du baromètre sur le logement.
Réalisée depuis 2016 par le Crédoc et l'Injep sur demande de la Djepva, ministère de l'Éducation nationale, cette enquête annuelle vise à permettre une "réactivité" dans le suivi des jeunes et "des chiffres beaucoup plus frais" par rapport aux données de la statistique publique, avait introduit Jean-Benoît Dujol, délégué interministériel à la jeunesse, le 27 novembre. Elle porte sur un vaste champ, qui comprend le niveau de confiance, l'accès au droit, la mobilité internationale et les formes d'engagement dans la vie de la cité.
Des fiches régionales viendront d'ici quelques semaines apporter un éclairage plus spécifique aux collectivités locales. Le DIJ mentionne enfin qu'un tableau de bord de la jeunesse a été récemment mis à jour sur le site de l'Injep.
(1) "La multirésidence caractérise dans cette enquête des jeunes à qui il arrive 'de vivre ailleurs que dans leur domicile principal', 'vivre ailleurs' étant défini comme : vivre dans un autre logement y passer du temps régulièrement par exemple les week-ends, les semaines, les vacances etc.", Crédoc., 2018, Baromètre Djepva sur la jeunesse 2018, Lucie Brice-Mansencal, Radmila Datsenko, Nelly Guisse, Sandra Hoibian et Sophie Lautié, Injep Notes & rapports/Rapport d’étude.