Logement étudiant : le gouvernement mise sur l'intergénérationnel et la colocation HLM
Aux Rencontres du logement étudiant, organisées le 20 novembre à l’université Paris-Dauphine, les ministres Frédérique Vidal et Julien Denormandie ont déclaré vouloir explorer de nouvelles voies pour atteindre l’objectif gouvernemental de créer 60.000 nouveaux logements étudiants d'ici 2022. La loi Elan ouvre déjà des pistes.
Frédérique Vidal et Julien Denormandie ont concédé, le 20 novembre 2018, lors des Rencontres du logement étudiant, que l’objectif de créer 60.000 nouveaux logements étudiants et 20.000 logements supplémentaires à destination des jeunes actifs sur le quinquennat ne serait pas aisé. "Aujourd’hui, le compte n’y est pas. Les constructions n’ont pas encore enclenché une dynamique suffisante pour que l’objectif soit atteint", a regretté le ministre de la Ville et du Logement. "Pour l’instant, 22.000 nouvelles places de logements étudiants sont programmées d'ici 2020", a précisé la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation, ajoutant que pour "atteindre le chiffre de 60.000, (…) nous allons devoir explorer de nouvelles voies".
Un comité de pilotage a été lancé dans ce cadre par les deux ministres lors d’un déplacement à Aix-en-Provence, le 26 septembre dernier (voir ci-dessous notre article du 27 septembre 2018). Ils avaient également créé l'"Observatoire du logement étudiant", dont les données devraient nourrir l'élaboration d'"un plan de programmation de constructions stratégique".
D'ores et déjà, Frédérique Vidal estime qu'"il faudra produire du logement étudiant dans toute sa diversité : colocation, campus, logement intergénérationnel, logement autonome…" afin de "disposer d’une offre à géométrie variable". Plusieurs mesures sont sur les rails.
Des logements réservés aux jeunes dans les programmes HLM
La loi Elan, dont la promulgation ne saurait tarder, ouvre plusieurs pistes prometteuses selon les deux ministres. Julien Denormandie compte sur la création "de nouvelles résidences qui puissent accueillir à la fois les jeunes actifs et les étudiants". L’article 99 permet en effet à des bailleurs sociaux de vendre "leurs logements-foyers à des investisseurs en vue de la réalisation de logements étudiants". L’article 109 donne quant à lui la possibilité à des bailleurs sociaux de réserver "tout ou partie des logements d’un programme" à "des jeunes de moins de 30 ans". À noter que ces jeunes ne bénéficieront pas du droit au maintien dans les lieux, leur contrat de location étant d’une durée maximale d’un an et renouvelable mais uniquement "dès lors que l’occupant continue de remplir les conditions d’accès à ce logement". Ce même article donne aussi la possibilité aux commissions d’attribution d’attribuer des logements à des jeunes de moins de 30 ans lorsque les besoins locaux se font ressentir.
L'article 117, sur le logement intergénérationnel, notifie l’absence de lien de subordination entre le jeune de moins de 30 ans et la personne âgée à qui il rend parfois des menus services : il est clairement stipulé que le contrat de bail intergénérationnel "ne relève pas du code du travail" et "organise une collaboration exclusive de tout lien de subordination entre les cocontractants".
L'article 128 clarifie le cadre juridique de la colocation dans le logement social, ce qui pourrait bien développer cette pratique déjà possible mais peu usitée.
"Certaines villes refusent de céder du foncier pour y faire du logement étudiant"
À noter également, concernant l’investissement des particuliers dans les résidences services pour étudiants, que les députés viennent de prolonger pour trois ans le dispositif fiscal Censi-Bouvard dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2019, "afin de donner de la lisibilité aux acteurs", explique Julien Denormandie (dans les précédentes lois de finances, il était prolongé d'une année sur l'autre).
Plus globalement, pour construire plus de logements étudiants, les ministres en appellent aussi à une prise de conscience des élus locaux : "Certaines villes refusent de céder du foncier pour y faire du logement étudiant", regrette Frédérique Vidal. Il est donc nécessaire "que ces villes prennent davantage en considération cette question", ajoute-t-elle.
Enfin, le gouvernement ne voit pas d’un mauvais œil le développement d’une activité immobilière par les universités pour leurs étudiants, comme le fait Paris-Dauphine. L’université a acquis 55 logements en 2016 à l’Arche de la Défense via sa fondation Paris-Dauphine. Elle a aussi négocié 300 places réservées dans des résidences gérées par des bailleurs sociaux à Paris et en Île-de-France et a créé une filiale dédiée au logement, Dauphine Housing, pour prendre à bail des résidences étudiantes. "Notre objectif est, à terme, d’offrir 1.000 lits pour faire face à un marché immobilier parisien et francilien très tendu" indique Isabelle Huault, présidente de l’université Paris-Dauphine.