Audition du commissaire désigné aux transports : beaucoup de "plans" pour des financements incertains
Stratégie sur les ports européens, plan d'investissement dans le transport durable, plan pour connecter les grandes villes européennes au train à grande vitesse, pacte pour une industrie automobile propre, stratégie pour le tourisme durable... Le 4 novembre, durant trois heures, le commissaire désigné au transport et au tourisme durables Apóstolos Tzitzikóstas a exposé sa feuille de route devant les députés européens. Sans pour autant faire "des promesses" qu'il ne pourrait pas tenir.
C'est le 4 novembre que les auditions des commissaires désignés ont débuté au Parlement européen, avec notamment celle du Grec Apóstolos Tzitzikóstas (PPE), pressenti pour le portefeuille des transports et du tourisme durables. Un habitué des enjeux territoriaux puisqu'il a été président du comité des régions, dont il est toujours vice-président.
Lors de ses trois heures d'auditions, le gouverneur de la région de Macédoine centrale a égrainé les grandes réformes qu'il entend mettre en œuvre, dans la continuité du Pacte vert européen et du paquet "Fit for 55", tout en se gardant de faire des "promesses [qu'il] ne pourrait pas tenir". Car ce fin connaisseur des enjeux européens le sait bien : la bataille pour les crédits européens s'annonce rude et le grand réseau transeuropéen de transport (RTE-T) en fait déjà les frais (voir notre article du 5 juillet). "Il faudra parachever le RTE et les 243.000 km dans les délais prévus", a-t-il toutefois affirmé, soulignant le rôle "crucial" du ferroviaire dans ce réseau. Le candidat a annoncé qu'il dévoilerait "un plan d'investissement pour le transport durable en 2025". Il présentera aussi un "plan pour connecter les capitales et grandes villes européennes grâce au rail à grande vitesse". Il s'agira par exemple de mettre Hambourg à 2h30 de Copenhague au lieu de 4h20 aujourd'hui, a-t-il pris pour exemple. Mais il n'entend pas se limiter aux grandes métropoles et souhaite "améliorer la connectivité ferroviaire en général pour qu'aucune région ne reste de côté". Le développement des trains de nuit est également à l'ordre du jour.
Le RTE-T doit aussi être l'occasion de préfigurer l'élargissement de l'UE à l'Ukraine, à la Moldavie et aux Balkans occidentaux, a-t-il développé, évoquant le développement de la mobilité militaire et le besoin d'infrastructures à double usage. Apóstolos Tzitzikóstas soutiendra par ailleurs "dès la première année de son mandat" un système de réservation et de billetterie numériques européen.
"Travailler sur le parc automobile des entreprises"
S'agissant du secteur automobile, qui représente "40 millions d'emplois en Europe", le futur commissaire a soutenu les mesures de rétorsions prises contre la Chine. "Nous devons tirer les leçons de nos erreurs", a-t-il dit, prenant l'exemple du photovoltaïque : "Nous étions les numéro 1, nous n'avons pas pris de mesure et nous nous retrouvons à la traîne." "Nous avons besoin d'un pacte pour une industrie propre", a-t-il aussi mentionné.
Alors que le transport routier est "le plus grand contributeur à la pollution", Apóstolos Tzitzikóstas entend parallèlement "travailler sur le parc automobile des entreprises" pour promouvoir la voiture électrique - en clair, changer la règlementation pour obliger les entreprises à se doter de véhicules électriques – ce qui permettrait dans un second temps de "créer un marché d'occasion pour les consommateurs afin de rendre les véhicules zéro émission plus abordables". Il présentera une recommandation sur la précarité en matière de transport (…) afin que personne ne soit à l'écart de cette transition".
Marqué par la tragédie ferroviaire grecque de Tempé qui, en 2023, a fait 57 victimes, le commissaire désigné dit faire de la sécurité "sa première priorité". "Un tel accident ne doit jamais se reproduire ailleurs en Europe (…) Je serai strict avec tous les Etats membres", a-t-il dit, n'oubliant pas la sécurité routière, sachant que, selon lui, "20.400 personnes meurent encore chaque année" en Europe.
Apóstolos Tzitzikóstas a enfin annoncé une stratégie pour les ports européens et une stratégie pour un tourisme durable. Domaine sur lequel il s'est montré moins disert.
"Faire payer les externalités négatives du transport routier"
Faisant partie des députés qui ont pu interroger le candidat, le Français François Kalfon (socio-démocrate), membre de la commission Transports, se réjouit de quelques pistes énoncées, comme le fait d'obliger les entreprises à convertir leur flotte de voitures. "Au bout de trois ans, on peut ainsi créer un marché de seconde main", souligne-t-il. "Nous proposons d'ajouter un élément supplémentaire : privilégier la fabrication européenne dans la commande publique", explique-t-il à Localtis. L'élu reste cependant sceptique sur ces annonces tant que les financements ne seront pas alignés. "On pourrait parfaitement faire payer aux transports routiers les externalités négatives pour alimenter le budget européen ou alimenter une sorte d'affectation vers les investissements sur le ferroviaire", suggère-t-il. S'agissant de la concurrence chinoise et de l'Inflation Reduction Act (IRA) américain, il se montre favorable à un emprunt commun, dans la lignée des rapports Draghi et Letta. Ce qui implique des ressources propres pour le rembourser. Parmi les pistes évoquées : élargir aux produits manufacturiers la taxe carbone aujourd'hui limitée aux produits bruts.