Attribution des logements sociaux : l'USH propose son Livre blanc
L'Union sociale pour l'habitat publie un livre blanc intitulé "Améliorer, simplifier et clarifier la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux", qui dégage dix axes de travail et un grand nombre de propositions sur ce sujet récurrent depuis des années. L'USH demande "que le ministère du Logement prenne sans délai l’initiative de poursuivre les discussions en créant une commission ad’hoc".
Sujet récurrent et toujours en débat, la réforme des modalités d'attribution de logements sociaux est sur la table depuis le lancement de la concertation sur la question il y a près de huit ans (voir notre article ci-dessous du 15 janvier 2013). Ce long délai n'est toutefois pas synonyme d'immobilisme et, outre diverses expérimentations locales, plusieurs avancées ont déjà eu lieu notamment avec les lois Alur de 2014 ou Elan de 2018, comme la création du site national de la demande de logement social ou le décret sur la cotation des demandes (voir nos articles ci-dessous du 14 avril 2015 et du 18 décembre 2019). Aujourd'hui, l'USH (Union sociale pour l'habitat) publie un Livre blanc sur le sujet, intitulé "Améliorer, simplifier et clarifier la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux" et approuvé à l'unanimité lors de son comité exécutif du 9 décembre.
Malgré quelques avancées, une "rigidification du cadre national"
Même s'il s'agit d'une coïncidence de calendrier, la publication de ce livre blanc intervient juste après que le gouvernement a renoncé à faire figurer des dispositions relatives au logement dans le projet de loi "confortant les principes républicains". Une présence qui, selon Emmanuelle Cosse, la présidente de l'USH, "aurait été une stigmatisation injuste de plus pour le logement social et pour ses onze millions de locataires" et "n'avait rien à faire dans un texte de cette nature".
Pour l'USH, la publication de ce document tient au fait que "la rigidification du cadre national n'a ainsi pas permis aux territoires de trouver, à leur échelle, le point d'équilibre entre les différents objectifs contradictoires auxquels sont fréquemment soumises les attributions de logements sociaux". En d'autres termes : la situation a du mal à évoluer en profondeur sur le terrain. L'USH ne nie pas pour autant "des résultats positifs sur certains territoires", comme l'installation des conférences intercommunales du logement (CIL), l'amélioration de l'analyse de la demande locative sociale – devenue un volet incontournable des programmes locaux de l'habitat (PLH) –, ou encore l'émergence de nouveaux sujets comme l'accessibilité financière du parc social, les typologies des logements produits, la maîtrise de la quittance globale du logement...
Cependant, comme l'explique l'USH, "les effets attendus ne sont pas encore pleinement au rendez-vous : [la réforme] n'a pas atteint ses objectifs d'amélioration du service au demandeur sur une grande partie des territoires, les politiques d'attribution n'intègrent que partiellement la question des équilibres de peuplement et les procédures de gestion se sont complexifiées fortement pour les opérateurs, avec une multiplication des filières d'attribution (par public, en fonction des réservataires, etc.)".
Améliorer la transparence et harmoniser les règles
Pour sortir de cette situation, l'USH propose donc dix axes de travail, assorti chacun de plusieurs propositions. Le premier consiste à renforcer le service au demandeur, à mieux l'informer, et à simplifier ses démarches. Ceci pourrait se faire notamment grâce à des "services territorialisés et partenariaux d'accompagnement et d'information", permettant d'harmoniser les informations sur les territoires.
Second axe : organiser la fiabilisation et la connaissance de l'ensemble de la demande sur les territoires. Cet enjeu majeur passe d'abord par l'amélioration du SNE (système national d'enregistrement de la demande de logement social), mais aussi par une sensibilisation forte des particuliers sur l'importance de mettre régulièrement à jour leur demande.
Le troisième axe entend favoriser une gestion mieux partagée de la demande sur les territoires et améliorer la transparence et l'harmonisation des règles de gestion entre les différents acteurs. Il s'agirait en l'occurrence de développer et de systématiser les démarches déjà engagées par certains bailleurs, par exemple sur les règles d'analyse de la solvabilité des candidats.
Le Livre blanc préconise aussi d'accompagner la généralisation de la cotation de la demande – outil d'aide à la décision qui a vocation à s'appliquer à toutes les demandes – d'un travail partenarial de qualification du parc et d'adapter la mise en œuvre de la cotation pour répondre à la diversité des besoins des territoires et/ou à certaines situations urgentes ou aujourd'hui mal prises en compte.
Développer la "location voulue"
L'USH entend par ailleurs permettre aux demandeurs d'être, selon la formule consacrée, acteurs de leur demande. Il s'agirait pour cela de soutenir le développement de "la location voulue, qui transforme l'attribution en processus actif où le demandeur se positionne sur des logements disponibles". Une approche que l'USH a déjà engagée avec son site bienvéo.fr (voir notre article ci-dessous du 9 octobre 2017).
Le sixième axe prévoit de définir des politiques d'attributions territorialisées, permettant de concilier les enjeux de droit au logement et de mixité sociale. En pratique, il s'agit de clarifier la façon de prendre en compte la demande locale, dans un contexte marqué par "de fréquents décalages avec l'offre disponible". Pour l'USH, ceci suppose plusieurs conditions, comme une simplification de la règlementation nationale relative aux objectifs d'attribution, une clarification des objectifs relevant de politiques nationales portées par l'État, ou encore la définition de publics cibles sur chaque territoire. Cette approche doit permettre "d'aboutir à une vision partagée entre les acteurs - bailleurs, réservataires, collectivités, services de l'État - des grands enjeux d'équilibre d'occupation dans le parc social, à une échelle plus fine que la catégorisation habituelle QPV/hors QPV".
Septième axe : accompagner la mise en œuvre du Logement d'abord et l'accès et le maintien dans le logement des plus démunis; en particulier, la politique du Logement d'abord a vocation à constituer un volet pleinement intégré des politiques intercommunales de gestion de la demande et des attributions.
Le cas spécifique de l'Ile-de-France
Le Livre blanc préconise aussi de conforter la gouvernance territoriale, afin d'assurer une égalité de traitement à l'ensemble des demandeurs. Il propose donc de confier aux plans départementaux de l'habitat le copilotage des politiques de gestion de la demande et des attributions sur les territoires non couverts par les EPCI concernés par la réforme. Pour l'USH, la spécificité de l'Ile-de-France en fait toutefois un cas à part, pour lequel il est proposé que l'État et ses partenaires élaborent un cadre régional pour le pilotage de la gestion de la demande et des attributions, au niveau régional.
Le neuvième axe prévoit d'améliorer la mise en œuvre, le suivi et l'évaluation des politiques de gestion de la demande et d'attribution. Ceci passe notamment par le développement d'outils ergonomiques et partagés de connaissance et de gestion de la demande.
Enfin, le dernier axe avancé par le Livre blanc entend alléger la réglementation relative à la gestion de la demande et d'attribution. Jugée "complexe et touffue", celle-ci limite aujourd'hui la capacité des acteurs à proposer des solutions adaptées aux ménages.
Après la publication de ce Livre blanc, l'USH demande désormais "que le ministère du Logement prenne sans délai l’initiative de poursuivre les discussions en créant une commission ad'hoc".