Social - Asile : le projet de loi avance et la demande d'asile recule
Bernard Cazeneuve avait préparé son effet pour ouvrir la discussion générale sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, examiné en première lecture par l'Assemblée nationale depuis le 9 décembre (pour le contenu du texte, voir notre article ci-contre du 23 juillet 2014). Le ministre de l'Intérieur a en effet annoncé que le nombre de demandeurs d'asile en France devrait être de l'ordre de 63.000 en 2014, soit un recul de 5% par rapport à l'année précédente. Un recul qui contraste nettement avec la hausse de 7,2% observée en France en 2013 (+8,8% pour les premières demandes et -6,7% pour les réexamens), qui avait vu les demandes atteindre le chiffre record de 65.894. Le ministre de l'Intérieur a toutefois rappelé que le nombre de demandeurs d'asile en France "a presque doublé entre 2007 et 2013".
La France n'est pas "une forteresse assiégée"
Pour Bernard Cazeneuve, "la France est donc loin de ployer sous le poids des demandes, comme il arrive de l'entendre trop souvent par le truchement d'un certain nombre de démagogues patentés. Je rappelle qu'en 2014, l'Allemagne accueillera presque trois fois plus de demandeurs d'asile que la France, et que la Suède en accueillera plus de 80.000 alors que sa population est six fois moindre que celle de notre pays. Cessons donc de nous percevoir comme une forteresse assiégée, car cela ne correspond tout simplement pas à la réalité des faits".
Le ministre de l'Intérieur reconnaît toutefois que "notre droit d'asile est aujourd'hui à bout de souffle. Il ne permet pas d'accueillir comme nous le voudrions ceux qui ont droit à notre protection. Il pénalise même les réfugiés authentiques tout en rendant possibles des dérives dont tentent de profiter les filières de l'immigration irrégulière, qui sont de véritables filières de la traite des êtres humains, dans lesquelles des individus cyniques font payer un tribut de plus en plus lourd à un nombre croissant de migrants en les exposant à des aléas de plus en plus grands au moment où ils prennent la mer, ce qui n'est pas acceptable".
Un constat qui justifie les trois objectifs principaux de projet de loi : l'accélération des délais de procédure, l'amélioration des conditions d'accueil et d'hébergement, et le renforcement des droits des demandeurs.
Une "machine à légaliser les clandestins" ?
Sandrine Mazetier (PS), rapporteure de la commission des lois, a également rappelé que la France n'est plus, aujourd'hui, que le neuvième pays d'accueil européen. Elle a souligné que la demande d'asile est, par nature, sujette à fluctuation. En 1989, le nombre de demandes avait ainsi déjà atteint plus de 61.000, avant de retomber. De son côté, Jean-Louis Touraine (PS), rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, a souligné l'urgence de la réforme du dispositif, dont les dysfonctionnements sont largement documentés. Il a insisté sur trois points jugés essentiels : les conditions d'hébergement, les modalités d'attribution de l'allocation et l'appréciation de la vulnérabilité des demandeurs d'asile.
Pour sa part, l'opposition a déposé une motion de rejet préalable - défendue par Eric Ciotti (UMP) -, en faisant valoir "que notre procédure d'asile, à bout de souffle, s'est transformée en véritable machine à légaliser des clandestins. La demande d'asile est devenue une procédure légale pour l'immigration illégale !". Si l'opposition partage le constat du gouvernement sur les faiblesses du système et la nécessité d'une réforme, elle considère que le contenu du projet de loi "n'est pas à la hauteur de ce défi". Une motion de renvoi en commission - défendue par Pierre Lellouche (UMP) - a également été écartée. Après la discussion générale, l'examen du texte à l'Assemblée nationale doit se poursuivre jusqu'au 16 décembre.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : projet de loi relatif à la réforme de l'asile, examiné en séance publique, en première lecture, à l'Assemblée nationale du 9 au 16 décembre 2014.