Social / Citoyens - Arrêtés anti-mendicité : mendier n'est pas une liberté fondamentale
Alors que les arrêtés anti-mendicité ont refait leur apparition (voir notre article ci-dessous du 29 juin 2018), une ordonnance de référé du tribunal administratif de Besançon, en date du 28 août, apporte des précisions et conforte plutôt, sous certaines réserves, les maires à l'origine de ces arrêtés. En l'occurrence, l'affaire - très médiatisée - concerne un arrêté du 3 juillet 2018, pris par le maire (LaREM) de Besançon et interdisant, dans un périmètre correspondant au centre-ville, la consommation d'alcool, la mendicité - accompagnée ou non d'animaux -, les regroupements, ainsi que "la station assise ou allongée lorsqu'elle constitue une entrave à la circulation publique".
Une atteinte au principe constitutionnel de fraternité ?
Le plaignant, militant associatif, soutenait que cet arrêté porte "une atteinte grave et manifestement illégale au principe de fraternité inscrit à l'article 2 de la Constitution" (dans la devise de la République française). Lors de l'audience, l'avocat du plaignant a indiqué que "le principe de fraternité doit être entendu comme impliquant tant la liberté d'aider autrui dans un but humanitaire que celle de demander la charité, et doit en tant que tel être qualifié de liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L.521-2 du Code de justice administrative".
Le juge des référés n'a pas suivi cette argumentation. Sans surprise, il rappelle que la liberté fondamentale d'aider autrui dans un but humanitaire "ne revêt toutefois pas un caractère général et absolu et doit être conciliée, notamment, avec l'objectif de préservation de l'ordre public". Une position également évoquée dans le cas de l'aide aux migrants clandestins.
Mais surtout, l'ordonnance considère que "le requérant ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement du principe de fraternité, d'une quelconque liberté fondamentale de mendier".
Une interdiction limitée dans le temps et dans l'espace
Les considérants de la décision valident ainsi le principe des arrêtés anti-mendicité, tout en encadrant précisément leurs modalités de mise en œuvre, comme le fait déjà la justice administrative depuis plusieurs années (voir notre article ci-dessous du 29 juin 2018). L'ordonnance reconnaît ainsi que le fait d'éloigner les personnes vulnérables des zones de chalandise "a, indirectement mais nécessairement, porté atteinte à la liberté d'aider autrui, laquelle ne prend, parfois, spontanément corps qu'à la vue des personnes dans le besoin. Pour être effective, la liberté d'aider requiert en effet d'avoir conscience de l'opportunité d'en faire usage"... Néanmoins, l'ordonnance relève que la mesure d'interdiction litigieuse ne concerne qu'"une petite partie du territoire de la commune". Elle est également restreinte dans le temps (de 10h à 20h, du 9 juillet au 30 septembre, puis du 23 novembre au 31 décembre).
L'instruction montre aussi que l'arrêté attaqué ne rend pas plus difficile le travail des associations et organismes en charge de l'aide aux plus démunis, ni "ne prive les particuliers, soit lorsqu'ils passent par les rues non concernées par l'arrêté, soit lorsqu'ils sont pris d'une volonté particulière en ce sens, de leur liberté d'aider les personnes en détresse".
Enfin, l'instruction montre l'existence de nombreuses mains-courantes de police et de courriers de particuliers ou de commerçants, qui "attestent la réalité des troubles à l'ordre public".
Conclusion : "l'atteinte portée par l'arrêté litigieux à la liberté d'aider autrui dans un but humanitaire n'est ni suffisamment grave, ni manifestement illégale, si bien que [...] la requête de M. G doit être rejetée".
Références : tribunal administratif de Besançon, ordonnance de référé n°1801454 du 28 août 2018, M. G, commune de Besançon.