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Très haut débit - Aménagement numérique : la proposition Maurey-Leroy brouille les ondes à l'Assemblée

La proposition de loi des sénateurs Maurey et Leroy sur l'aménagement numérique du territoire est à l'ordre du jour de l'Assemblée. Mais a été rejetée en commission. Son rapporteur a expliqué pourquoi.

Les sénateurs Maurey et Leroy se réinvitent dans le débat parlementaire sur le très haut débit. Auteurs de la proposition de loi sur l'aménagement numérique du territoire, adoptée par le Sénat à la quasi unanimité le 14 février 2012, ils viennent de bénéficier de la "niche parlementaire" (1) de l'UDI (Union des démocrates et indépendants, groupe centriste) pour inscrire leur proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Examinée en commission des affaires économiques et, pour avis, en commission du développement durable, la proposition de loi a été rejetée par la majorité parlementaire (pour l'heure, aucun compte-rendu des travaux de la commission des affaires économiques n'a été publié par le site de l'Assemblée). Dans un communiqué, Hervé Maurey s'est dit "stupéfait" par l'attitude des députés socialistes : "Seraient-ils moins attachés à l'aménagement numérique des territoires que les sénateurs socialistes ? Ou la gauche n'aurait elle de préoccupations en termes d'aménagement numérique que lorsqu'elle est dans l'opposition?", s'est il demandé. "Il ne suffit pas de fixer des objectifs ambitieux, il faut se donner les moyens de les tenir", a ajouté le sénateur.
Les débats de la commission du développement durable, sollicitée pour consultation, ont donné plus de visibilité sur la position de la majorité et préfigurent le débat prévu en séance plénière le 22 novembre prochain.

Un texte devenu "obsolète"

Le député socialiste Alain Calmette, rapporteur de la commission, a d'abord résumé les principaux changements dans la stratégie de l'actuel gouvernement, en apportant quelques éclairages inédits sur les points essentiels du futur Plan national en faveur du très haut débit (voir encadré ci-dessous).
Il s'est ensuite attaché à expliquer en quoi la proposition de loi Maurey-Leroy serait aujourd'hui "dépassée". Tout d'abord, certaines dispositions n'auraient plus lieu d'être, comme l'adoption obligatoire de schémas directeurs territoriaux (SDTAN), "puisque la quasi totalité des départements en ont déjà élaboré". Ensuite, si le rapporteur ne s'oppose pas à l'idée de rendre les SDTAN juridiquement opposables, il souligne toutefois qu'il sera "sans doute nécessaire d'en réviser certains pour accroître leur degré de précision et leur robustesse". En outre, plusieurs articles de la proposition de loi soulèveraient d'importants problèmes juridiques, comme celui qui attribue à l'Autorité de régulation (Arcep) un pouvoir de contrôle et de sanction "portant non pas (…) sur le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, mais sur le respect d'engagements contractuels entre opérateurs et collectivités" ou encore sur la notion vague de "retard significatif", susceptible de déclencher des amendes lors du déploiement de leurs réseaux par les opérateurs. Enfin, le rapporteur insiste particulièrement sur deux absences, qu'il juge "capitales" : la notion d'état "stratège" absente du texte et l'absence de résolution du problème de financement.
Invoquant le caractère "obsolète" du texte, sa fragilité juridique et l'existence de plusieurs projets de loi en préparation, le rapporteur a donc demandé à la commission de le rejeter : "Laissons le gouvernement travailler, n'ajoutons pas de la confusion quand nous avons justement besoin de visibilité et de choix clairs. Il ne serait pas responsable pour notre assemblée de court-circuiter le travail du gouvernement et de faire fi de la concertation de tous les acteurs…", a complété Alain Calmette. A l'issue d'un débat qui a vu le groupe UMP voter favorablement et les écologistes s'abstenir, la commission a émis un avis défavorable.
Le texte sera présenté en séance publique le 22 novembre prochain. L'opposition ne manquera pas d'y faire entendre sa voix, ce qui donnera l'occasion à la représentation nationale d'amorcer le débat sur les stratégies de déploiement. Il devrait logiquement se prolonger jusqu'au séminaire gouvernemental prévu en février 2013. C'est à ce moment en effet que le gouvernement se prononcera définitivement sur l'ensemble du dispositif.

Plan Gouvernemental sur le tres haut débit : Synthèse DES dispositions déjà connues

Dans sa synthèse de l'action gouvernementale, le rapporteur Alain Calmette a rappelé les principaux points de refonte du Plan national très haut débit. Autant de points déjà évoqués par le gouvernement, mais sur lesquels le député a apporté des précisions assez inédites :
- Accélération du déploiement, ramené à dix années ;
- Modification du guichet A (prêts aux opérateurs) en guichets de prêts à long terme et à des taux attractifs aux collectivités ;
- Mise en place d'un "véritable" mode de péréquation associé au futur fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT). Ce dernier devra "obligatoirement" être intégré dans la loi de finances 2014 ;
- Reprise en main du pilotage par l'Etat "à travers la création d'un réseau commun d'intérêt général mutualisé mais décentralisé" et un renforcement sur la planification des déploiements en organisant les zonages, le recueil et la diffusion des retours d'expérience des collectivités, l'organisation du cofinancement des projets et le suivi de l'avancement de tous les projets de déploiement, sans oublier le développement des usages
- Fixation d'un objectif intermédiaire assurant l'accès de tous les Français à un véritable haut débit et création d'un réseau structurant en fibre optique passant par les principaux sites publics et zones d'activité économiques ;
- Négociations au niveau européen pour permettre à la France de bénéficier des financements existants ou à venir (Feder, Prêts de la BEI, Mécanisme pour l'interconnexion en Europe, nouveaux emprunts obligataires mutualisés dits "projects bonds") ;
- Plan Delta fibre avec la mise en place d'une structure légère de pilotage qui, à moyen terme, deviendra "l'interlocuteur unique sur l'ensemble du dossier du très haut débit à la place de l'Arcep" ;
- Objectif de couverture du territoire "à 80% en FTTH dans 10 ans, avec une couverture du reste du territoire par montée en débit, extension du très haut débit mobile et satellite", ce qui représenterait "un investissement de 18 à 20 Milliards d'euros".
- Programmation d'un projet de loi qui sera soumis au Parlement début 2013;

 (1) La "niche parlementaire" est une fenêtre ouverte dans l'ordre du jour des deux assemblées pour permettre à l'opposition de voir certaines de ses propositions étudiées. Dans le cas présent, il s'agit surtout comme d'un moyen pour réouvrir un débat plus qu'un levier pour faire passer la proposition de loi. Celle-ci a peu de chance d'être renvoyée au Sénat après la séance à l'Assemblée Nationale.