Congrès de l'ARF - Alain Rousset : "Si on a 50 à 55% de CVAE, c'est une première étape"
Les grandes régions, le cadeau accordé par François Hollande aux régions il y a un an sans qu’elles le demandent, serait empoisonné s'il n'était accompagné de nouvelles ressources. Mais l'entretien d'Alain Rousset à Matignon vendredi dernier a semble-t-il porté ses fruits. Le président de l'Association des régions de France (ARF) s'est félicité, jeudi 25 juin, de l'information donnée le matin même par Les Echos : le gouvernement s'apprêterait à doubler la part de contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dont bénéficient les régions. Le Chef du gouvernement aurait dû lui-même en faire l'annonce officielle en ouverture du 11 congrès des régions (le dernier à 22 !) qui se tient à Rouen les 25 et 26 juin. Mais, étant en déplacement en Colombie, c'est Marylise Lebranchu, la ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, qui aura l'heur de le faire, lors de la clôture du congrès, ce vendredi.
Dans l'idéal, les régions auraient souhaité 70% de parts du gâteau, là où elles n'en touchent pour le moment que 23%, contre 50% pour le département et 26% pour le bloc communal. Le gouvernement n'irait pas jusque-là. Selon le scénario dévoilé par le quotidien économique, les régions pourraient percevoir 5% de CVAE de plus dès 2016 pour financer les aides régionales aux TPE et 25% en 2017 afin de compenser le rattachement des transports interurbains et scolaires et des ports aux régions comme pourrait le prévoir le projet de loi Notr qui sera débattu en séance en deuxième lecture à l'Assemblée à partir du 29 juin (c'est du moins la version adoptée par la commission des lois de l'Assemblée). "Si on a de 50 à 55% de CVAE, c'est une première étape", a salué Alain Rousset lors d'une conférence de presse organisée en marge du congrès.
La Catalogne "dispose de 75% du budget total des régions françaises"
Depuis bien longtemps, les régions se battent pour un impôt dynamique et lié à l'activité économique dont elles ont plus que jamais la charge avec la réforme territoriale. Or comme l'avait fait valoir le président de la région Aquitaine, il y a quelques jours, les régions sont les premières victimes de la baisse des dotations de l'Etat. Selon les calculs de l'ARF, ce serait même le seul échelon de collectivité qui connaîtrait un solde négatif entre dotations et recettes fiscales dans les prochaines années. "Nos recettes sont d'abord le fait des dotations de l'Etat qui sont en baisse et d'une fiscalité, l'ex-TIPP, régressive car on roule moins, les voitures consomment moins, etc.", argue Alain Rousset. Il y avait donc selon lui urgence à apporter de la "cohérence entre compétence économique et ressources fiscales". La préparation du budget 2016 serait l'occasion de cette bascule. Reste à faire avaler la pilule aux départements qui feront directement les frais de ce rééquilibrage même si ils verront leurs compétences allégées, notamment dans les aides aux entreprises et probablement les transports scolaires.
En tout cas, les régions ont le soutien de l'Ifrap, un cercle de réflexion connu pour ses positions libérales tranchées. "La fiscalité de la région est aujourd'hui tout à fait déconnectée de sa mission économique", a en effet insisté Agnès Verdier-Molinié, directrice de l'Ifrap, lors d'une table ronde consacrée au "couple région-PME", autre thème de prédilection de l'ARF. Et de proposer que "les taxes qui ont remplacé la taxe professionnelle remontent au niveau de l'impôt sur les sociétés avec une part arbitrable pour les régions".
Pour appuyer son discours, le président des régions a mentionné les régions européennes dont la Catalogne qui, "avec 20,3 milliards d'euros de budget dispose de 75% du budget total des régions françaises". "Les régions françaises représentent seulement 1,3% du PIB contre 9,2% du PIB pour les Länder autrichiens et 12,8% du PIB pour les Länder allemands", a-t-il développé, dans son discours d'ouverture.
"Les éléments avancés de l'aménagement du territoire"
S'il dit avoir confiance dans le président de la République et le Premier ministre quant à leur volonté de "placer les régions françaises au même niveau que leurs homologues européennes", Alain Rousset leur demande d'aller encore plus loin. Le mois dernier, il avait proposé à l'Etat un contrat d'objectifs et de moyens pour doubler l'accompagnement des PME au niveau régional, soit 700 millions d'euros de plus pour irriguer les entreprises dans les territoires. Il en irait du financement des entreprises comme de l'arithmétique : entre 60 et 80.000 emplois pourraient être créés, selon ses calculs. "Les PME allemandes bénéficient d'un accompagnement public cinq fois plus important", s'est-il désolé. Un modèle de financement qui ne repose pas comme en France "sur des dispositifs fiscaux pouvant générer des effets d'aubaine".
En contrepartie, le patron de l'ARF a estimé que des économies pouvaient encore être réalisées en allant plus loin dans la décentralisation, par le biais de la clarification entre les collectivités et des transferts de l'Etat : "Il faut choisir entre décentralisation et déconcentration", a-t-il lancé à l'Etat, appelant par ailleurs à une fusion des deux fonctions publiques d'Etat et territoriale "pour permettre une meilleure porosité".
Enfin, le président de l'ARF a une autre ambition pour les régions : devenir "les éléments avancés de l'aménagement du territoire" et reprendre la place dévolue à "la Datar dans les années 1970/1980" pour lutter contre "les inégalités des départements dans nos territoires". Selon lui, la "théorie du ruissellement" défendue par le FMI ou l'OCDE ne peut s'appliquer que si les régions viennent en aide "aux régions en déprise". Mais cette appétence pour l'aménagement du territoire a aussi des visées électoralistes à quelques mois des régionales. Sans cela, "nous aurons plus de manifestations d'inquiétudes dans les urnes de la part de nos concitoyens", a-t-il défendu.