Aides à l'investissement local : la Cour des comptes exhorte l'État à se doter d'une stratégie
La Cour des comptes vient de publier un référé sur "les concours financiers de l'État en soutien à l'investissement public local". Sévère, elle juge que "rien ne permet d’affirmer" que ces concours représentant quelque 9 milliards d'euros "sont un facteur déterminant de l’investissement local". Dans ce domaine, elle appelle l'État à se doter d'une "véritable politique publique" et "d'objectifs clairs", lesquels feraient défaut aujourd'hui.
Bien qu'ayant représenté quelque 9 milliards d'euros en 2020, les concours financiers de l'État en faveur de l'investissement public local ne sont pas guidés par une véritable stratégie d'ensemble et la mesure de leur efficacité est insuffisante, déplore la Cour des comptes dans un référé qu'elle a publié le 23 juillet. La dotation d'équipement des territoires ruraux (1,046 milliard d'euros en autorisations d'engagement en 2021), la dotation de soutien à l'investissement local (570 millions d'euros en autorisations d'engagement) et la dotation politique de la ville (150 millions d'euros, là encore en autorisations d'engagement et en 2021) ont un objectif commun : soutenir les projets d'équipements portés par les collectivités locales. A ces subventions s'ajoute la dotation de soutien à l'investissement des départements (212 millions d'euros cette année en autorisations d'engagement), mais curieusement, les magistrats l'excluent de leurs analyses.
Contrairement à la communication gouvernementale qui présente ces dotations comme des aides à la ruralité, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) "bénéficient surtout aux grandes aires urbaines". "Même dans les territoires qualifiés de 'campagnes', (…) ce sont plutôt les campagnes péri-urbaines ou littorales et les vallées urbanisées qui sont bénéficiaires de la DETR", observe la Cour des comptes. Ceci étant, son analyse qui porte sur les exercices budgétaires 2016-2019 doit être nuancée, puisque les modalités de calcul des enveloppes départementales de la DETR ont été révisées par la loi de finances pour 2021, afin que la dotation bénéficie davantage à la ruralité.
Fusion des dotations
Autre critique : chacune des dotations obéit à des règles spécifiques et des priorités "nombreuses", "variables dans le temps" et "hétérogènes". C'est le résultat de l'absence d'instructions définissant "les objectifs stratégiques à atteindre du point de vue de l’État". Pour "simplifier les règles de gestion" de ces dotations et augmenter leur "impact" sur l'investissement local, la Rue Cambon prône leur fusion et la définition de priorités qui seraient les mêmes pour toute la période des contrats de plan État-région ou celle des mandats locaux. L'unique dotation serait "totalement déconcentrée", donc entre les mains des préfets.
S'agissant des dotations en faveur de l'investissement local, la Cour des comptes redit par ailleurs sa préoccupation sur la formation d'une "bulle" d'autorisations d'engagement non couvertes par des crédits de paiement. "Sur les cinq dernières années, les autorisations d’engagement ont augmenté de 82%, tandis que les crédits de paiement n’augmentaient que de 48%", indique-t-elle, en pointant le risque d'une aggravation du phénomène du fait du plan de relance. Par conséquent les magistrats s'interrogent sur la "soutenabilité du dispositif".
Transformer le FCTVA en dotation
Ils s'intéressent aussi au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Avec ses 6,4 milliards d'euros en 2021, le fonds est "le principal vecteur de l’aide apportée par l’État à l’investissement public local". Mais le dispositif souffre d'un contrôle interne encore insuffisant, concernant les risques comptables et financiers liés à son instruction et son versement. Surtout, il "échappe à toute démarche de performance", c'est-à-dire de mesure de son efficacité au moyen d'indicateurs. Pour cause : "il n’est pas intégré dans un programme budgétaire de droit commun". Le FCTVA est en effet ce que les spécialistes appellent "un prélèvement sur recettes", c'est-à-dire une moindre recette (et non une dépense).
C'est là que le bât blesse, pour la Cour. Qui suggère de transformer le fonds en dotation budgétaire. Elle rejoint ainsi une proposition formulée en 2019 par la mission d’information de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur la loi organique relative aux lois de finances (voir notre article du 16 septembre 2019). Celle-ci avait souhaité "qu’une réflexion sur l’opportunité de la transformation des PSR en dépenses budgétaires soit engagée". Dans leur rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, Jean-René Cazeneuve et Christophe Jerretie, rapporteurs spéciaux de la mission Relations avec les collectives territoriales, se disaient défavorables à une telle idée. "Le mécanisme des PSR est protecteur pour les collectivités dans l’exécution", estimaient-ils (voir ce rapport). En faisant aussi remarquer que "certains [de leurs] inconvénients peuvent être corrigés sans nécessairement les supprimer."
Le référé, sur lequel la réponse du gouvernement est attendue, doit être transmis aux commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.