Energie - Aides à l'électrification rurale : un rapport sénatorial propose de moderniser le Facé
La commission des finances du Sénat vient de publier un rapport sur les aides à l'électrification rurale portées par le Fonds d'amortissement des charges d'électrification (Facé) qui est intégré depuis 2011 au budget de l'Etat. Ce rapport préconise de pérenniser cet outil qui a fait ses preuves tout en modernisant son fonctionnement pour une meilleure efficacité des aides.
Créé en 1936, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, transformé en 2011 en compte d’affectation spéciale "Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale" (Facé), est un "instrument indispensable d’aménagement du territoire au profit du monde rural", a souligné la commission des finances du Sénat dans un communiqué du 23 février présentant le rapport réalisé par Jacques Genest (Les Républicains, Ardèche) sur la gestion et l'utilisation des aides aux collectivités pour l'électrification du monde rural.
Besoins d'investissement
Doté annuellement de 377 millions d’euros, le Facé est financé par une contribution d'un taux faible assise sur le nombre de kilowattheures distribués, qui permet une péréquation entre les territoires au profit des communes rurales. Il sert à financer des travaux d’amélioration de la qualité de l’électricité sur les réseaux publics de distribution des communes rurales. "La récente tempête qui a touché le Sud-Ouest du pays et privé 200.000 foyers d'électricité est là pour rappeler que la sécurisation des lignes électriques, en particulier de ce qu'on appelle les fils nus de faible section, est essentielle pour faire face aux intempéries et assurer aux usagers une alimentation électrique continue et de bonne qualité, a illustré Jacques Genest en présentant son rapport le 15 février. Surtout, les besoins de travaux d'électrification rurale, qu'il s'agisse du renforcement, de la sécurisation, de l'enfouissement ou de l'extension des lignes demeurent importants. Il faut donc maintenir un haut niveau d'investissement."
S'il convient donc selon lui de pérenniser le Facé qui a aujourd'hui atteint "un certain 'rythme de croisière'", le rapporteur spécial juge aussi nécessaire de moderniser son fonctionnement "afin de mieux prendre en compte la réalité des besoins des territoires ruraux en matière d'électrification rurale en amont, de permettre une gestion plus souple et plus efficace des aides en cours d'année et de permettre une meilleure information des AODE (autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité, ndlr) sur l'efficience de l'utilisation des aides en aval".
Mieux prendre en compte la réalité des besoins des territoires
Parmi ses principales propositions, Jacques Genest préconise, lors du classement des communes en régime rural ou urbain de distribution d’électricité, de compléter les critères démographiques par un critère de densité de population. "Actuellement, pour pouvoir bénéficier des aides du Facé, les communes doivent être classées en régime rural de distribution d'électricité, explique-t-il. Ce classement s'opère sur la base de critères essentiellement démographiques : sont considérées comme rurales les communes de moins de 2.000 habitants qui ne sont pas comprises dans une unité urbaine de plus de 5.000 habitants. Or, l'application de ces seuls seuils démographiques est trop restrictive et conduit à exclure des aides du Facé certaines communes qui présentent pourtant exactement les mêmes caractéristiques rurales que les communes éligibles en termes d'habitat dispersé et donc de contraintes de distribution d'électricité. Des dérogations peuvent être accordées par les préfets mais sur la base de critères flous, qui leur laissent une large marge d'appréciation." Selon lui, le fait de compléter ces seuils par un critère de densité de population, permettrait donc de mieux appréhender le caractère rural ou urbain des communes. "Ceci vise également à prendre en compte la situation des communes nouvelles issues de la fusion de communes rurales et qui risquent de perdre leur éligibilité aux aides du Facé à compter des prochaines élections municipales de 2020", note-t-il également.
Autre impératif, selon lui : s’assurer de la bonne coopération entre les syndicats d’électrification et les concessionnaires lors de l’évaluation des besoins de travaux d’électrification. La répartition des aides du Facé s'effectue en effet en fonction d'un inventaire des besoins de travaux d'électrification rurale réalisé tous les deux ans dans les départements. "Cet inventaire se fonde sur les données du concessionnaire Enedis, qui utilise à cette fin un outil de modélisation, souligne le rapporteur spécial. Or, un grand nombre de syndicats consultés m'ont indiqué constater des écarts parfois importants entre ces données statistiques et les mesures réelles qu'ils effectuent sur le terrain de la qualité de l'électricité distribuée.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit désormais que les gestionnaires de réseaux soumettent leurs données, pour approbation, aux syndicats et prennent en compte les mesures réalisées par ces derniers. Il conviendra de s'assurer que cette nouvelle procédure est bien respectée à l'occasion de l'inventaire de 2017."
Plus de souplesse
Jacques Genest propose aussi d'améliorer les délais de notification des aides et d'assurer une plus grande transparence dans la manière dont celles-ci sont calculées et réparties entre syndicats. Selon lui, la date de notification aux bénéficiaires des droits à subventions pourrait être avancée à février "pour permettre aux syndicats d'établir plus rapidement leurs programmes de travaux". De même, ajoute-t-il, "le versement prévisionnel de crédits octroyé lors du lancement des travaux pourrait être porté à 30% afin d'éviter que les syndicats soient confrontés à des problèmes de trésorerie trop importants". En outre, les services du Facé devraient selon lui communiquer aux syndicats les résultats de l'inventaire ainsi que les modalités de calcul et de répartition des enveloppes d'aides. Autre proposition pour plus de souplesse : "autoriser une certaine fongibilité des crédits entre catégories de travaux en cours de gestion". "Ces crédits sont actuellement répartis par sous-programmes, qui correspondent à des catégories de travaux, a-t-il expliqué en commission. Sauf exception, il n'est pas possible pour un syndicat qui a consommé l'ensemble des aides d'un sous-programme de financer les travaux de cette catégorie en utilisant les crédits d'un autre sous-programme. Or, la diversité des situations locales est difficile à appréhender lors de la conduite de l'inventaire ce qui complique la juste répartition des crédits entre enveloppes en fonction des besoins. Je propose donc d'autoriser une certaine fongibilité des crédits, en la limitant par exemple à 30% du montant de chaque enveloppe afin d'éviter tout déséquilibre."
Améliorer l'information des syndicats
Enfin, Jacques Genest préconise d'améliorer l'information des syndicats sur l'efficacité de l'utilisation des aides. Selon lui, alors que les services du Facé réalisent plus d'une vingtaine de contrôles par an de l'utilisation des aides par les syndicats, ces derniers disposent de peu d'informations sur les résultats de ces contrôles et sur la manière dont ils se situent, en termes notamment de coût des travaux, par rapport aux autres départements. Il propose donc que les services du Facé leur communiquent les données dont ils disposent sur les coûts moyens des travaux effectués, présentés en fonction d'une typologie de communes (taille, situation géographique, classement en zone de montagne, etc.). "Il conviendrait également qu'un bilan de l'efficacité de l'utilisation des aides soit réalisé et rendu public, par exemple tous les cinq ans", avance-t-il. Il conclut son rapport par une dimension prospective sur l'avenir du Facé. "Compte tenu des besoins importants qui demeurent, l'investissement dans la qualité des réseaux électriques doit rester prioritaire, souligne-t-il, en estimant que la spécificité de la situation des zones non-interconnectées (ZNI) - Corse et départements et collectivités d'outre-mer -, devrait être "mieux prise en compte dans le calcul et la répartition des aides du Facé". Le Facé pourrait aussi soutenir à l'avenir "des investissements favorisant la transition énergétique dans les territoires ruraux, comme par exemple la rénovation de l'éclairage public, le raccordement des énergies renouvelables au réseau électrique ou encore le déploiement des bornes de recharge pour les véhicules électriques, estime le sénateur. Cela irait dans la logique qui sous-tend cet instrument : permettre à tous les citoyens, où qu'ils habitent, d'avoir accès à des infrastructures énergétiques de qualité."