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Aides à la pierre : la Cour des comptes veut un recentrage

Un référé de la Cour des comptes rendu public le 28 août se montre plutôt positif sur la gestion et le fonctionnement du Fonds national des aides à la pierre (Fnap)  et sur le mécanisme de la délégation aux départements ou aux intercommunalités volontaires. Mais il recommande de renforcer l'orientation sociale des aides en les ciblant sur la production de logements à faibles loyers destinés aux ménages les plus fragiles ou en difficulté.

Le 28 août, la Cour des comptes a rendu public, après réponse du Premier ministre, un référé portant sur "Les aides à la pierre : retrouver la finalité des loyers modérés". Le référé porte plus précisément sur l'examen des comptes et de la gestion du Fonds national des aides à la pierre (Fnap), pour les exercices 2016 à 2018 (le Fnap a été créé en juillet 2016). Ses conclusions rejoignent largement celles du rapporteur spécial Philippe Dallier, sénateur (LR) de Seine-Saint-Denis et spécialiste reconnu du logement, portant, dans le cadre du rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, sur les crédits du programme 135, qui regroupe notamment les crédits consacrés aux aides à la pierre (voir notre article ci-dessous du 23 juillet 2019).

Des marges de manœuvre limitées

La Cour des comptes rappelle que les aides à la pierre, "dont l'enveloppe budgétaire a été fixée à 467,9 millions d'euros en 2019 pour une cible de 124.034 logements sociaux à produire, pèsent beaucoup moins que les aides personnelles au logement, d'un montant de 13,4 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2019". Elles demeurent néanmoins "le deuxième pilier en faveur du développement et de l'amélioration du parc locatif social" et complètent les aides à la personne.

Le référé se montre plutôt positif sur la gestion et le fonctionnement du Fnap et se garde de faire allusion à la vacance de sa présidence durant 15 mois sur trois ans de fonctionnement (voir nos articles ci-dessous du 9 octobre 2017 et du 18 décembre 2018). Il constate cependant que les marges de manœuvre du fonds sont limitées, puisque l'État "conserve ses compétences de régulation de la construction sociale", via l'agrément préalable des opérations HLM.

La Cour juge également "positif" le mécanisme de la délégation des aides à la pierre aux départements ou aux intercommunalités volontaires. Elle rappelle que la France comptait, en 2018, 108 délégataires (83 EPCI, dont 18 métropoles, et 25 départements), mais que ce nombre reste "relativement stable" depuis 2007. La part des délégataires dans le volume des agréments délivrés atteint 57% en 2017, et même 59% pour les produits les plus sociaux. Grâce à l'implication des collectivités, le taux global de subvention dans les plans de financement est en moyenne de 9,83% dans les territoires en délégation, contre 6,79% dans les autres territoires.

Les aides du Fnap servent rarement de déclencheur

Le référé se montre en revanche plus dubitatif sur la finalité de l'aide à la pierre, qui "n'est pas nécessaire au volume de la production, mais [...] favorise l'ajustement qualitatif de l'offre à la demande". Ainsi, la subvention du Fnap "sert rarement de déclencheur des opérations de construction sociale". Une situation encore accentuée par le recul global de la part des subventions dans les plans de financement, passée de 8,5% à 12,5% entre 2012 et 2017 (alors que celle des prêts progressait de 75,4% à 79,3%). La Cour observe ainsi que "les subventions attribuées par le Fnap, les collectivités locales et d'autres financeurs (1,3 milliard d'euros en 2017) restent, en ordre de grandeur, peu comparables avec les soutiens indirects résultant des avantages fiscaux et de taux (soit respectivement 5,3 et 1 milliards d'euros en 2017). L'État demeure ainsi le premier contributeur pour la production de logements sociaux". La Cour relève au passage que la baisse des aides directes à la pierre n'a pas fait baisser la production des logements sociaux, qui se maintient au-delà de 100.000 unités par an depuis dix ans.

Néanmoins, la Cour considère que "les règles d'attribution des subventions ont eu un effet positif sur l'orientation de la construction", en faisant progresser la part des logements en PLAI (30,1% en 2018, contre 22,9% en 2012).

Loyers trop élevés et échec du PLAI adapté

Pour la Cour, le principal point faible des aides à la pierre réside dans le ciblage des opérations financées. Le référé estime ainsi "que prévaut, depuis longtemps, un objectif de quantité de production de logements sur celui de niveau des loyers de sortie des opérations". Conséquence : "À la mise en service, les loyers sont peu évoqués et leur niveau est souvent trop élevé". Ainsi, en Ile-de-France et en Paca – où "l'enjeu social est majeur" –, les loyers réels observés dépassent de l'ordre de 18% le maximum de zone, fixé par le document annuel de la DHUP (direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages).

La Cour se montre également critique sur le PLAI adapté, programme de logements très sociaux à très bas niveau de quittance. En effet, "si l'initiative du PLAI adapté procède d'une intention louable, elle se révèle à ce stade un échec relatif". Seuls six appels à projets ont été lancés entre 2013 et 2018, "rencontrant un succès limité, bien en deçà de l'objectif de 3.000 logements PLAI par an constamment réaffirmé depuis 2013". Au final – et malgré une légère remontée en 2018 –, seuls 3.400 logements ont été financés à ce titre en six ans.

Le référé de la Cour des comptes appelle donc à soutenir les initiatives locales de production de logements à loyers minorés, à travers deux recommandations. La première consiste à mobiliser les reports de crédits issus de la majoration des prélèvements SRU sur les communes déficitaires en logements sociaux, au profit du programme de PLAI adaptés ou de tout autre programme de construction destiné aux publics fragiles. La seconde vise à orienter l'attribution d'une partie des aides à la pierre vers la production de logements destinés aux ménages en difficulté, à un niveau de loyer minoré, arrêté conjointement dans chaque territoire par l'État et les collectivités compétentes.

 

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