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Logement - Aides à la pierre : la commission des finances du Sénat plaide pour un transfert de compétence

Dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2019, Philippe Dallier, sénateur (LR) de Seine-Saint-Denis et fin connaisseur des questions de logement, a présenté, le 4 octobre, les conclusions de son contrôle budgétaire sur la répartition et l'utilisation des aides à la pierre, et plus spécialement sur le rôle du fonds national des aides à la pierre (Fnap). Cette présentation intervient dans le cadre de sa mission de rapporteur spécial "Logement et politique de la ville" de la commission des finances du Sénat.

La création du Fnap a constitué un progrès, mais...

Les conclusions du rapporteur spécial sont mitigées. Certes, les aspects positifs ne manquent pas. La création du Fnap en 2016 a mis fin à des modes de financement des aides à la pierre jugés "inadaptés" et complexes. Elle a constitué "un progrès dans la transparence de la gestion de ces aides, grâce au regroupement des crédits budgétaires de l'État et des contributions des bailleurs sociaux sur une même ligne, et à la mise en place d'une gouvernance ouverte aux bailleurs ainsi qu'aux collectivités territoriales". Et les aides à la pierre reposent, pour leur part, "sur un principe vertueux d'utilisation des deniers publics", allusion à leur contingentement annuel.
Enfin la représentation tripartite au sein du conseil d'administration (cinq représentants chacun pour l'État, les collectivités et les organismes de logement social) a permis un meilleur équilibre dans la gouvernance. Sans oublier une plus grande formalisation et une clarification du calendrier annuel de gestion des aides et des règles de procédure "favorisant une gestion plus rigoureuse des dépenses". Enfin, Philippe Dallier fait a priori crédit à un "fonds encore jeune, qui n'a connu qu'un seul exercice entier".

Les aides à la pierre restent marginales

Mais ces prémices n'empêchent pas un certain nombre de critiques. Le rapporteur spécial relève en premier lieu que le Fnap est "privé d'une gouvernance normale depuis la démission de son président [Emmanuel Couet, le président de Rennes Métropole, ndlr] le 6 octobre 2017", soit il y a juste un an (voir nos articles ci-dessous du 21 septembre et du 9 octobre 2017). Conséquence de cette vacance de la présidence : "L'administration centrale est à nouveau en première ligne", l'intérim étant assuré depuis un an par le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP).
Ensuite, les aides à la pierre ne représentent toujours qu'une partie "très minoritaire" des aides au logement : 366 millions d'euros versés par le Fnap en 2017, à comparer aux 1,5 milliard d'euros des subventions d'investissement à la filière du logement locatif social (provenant principalement des prêts locatifs aidés et de l'Anru), aux 18 milliards d'euros des aides personnelles au logement (APL)... et sans compter les 2 milliards de dépenses fiscales au titre des multiples dispositifs en faveur de l'investissement locatif des ménages rien qu'en métropole (Duflot, Pinel, Scellier, Borloo populaire, Borloo ancien, Robien classique, Robien ZRR... il y en a encore une bonne dizaine).

Un transfert de compétence plutôt qu'une convention de délégation

Mais, pour le rapporteur spécial de la commission des finances, la principale faiblesse du Fnap est ailleurs. Philippe Dallier estime en effet que "la gestion des aides à la pierre doit encore se rapprocher des territoires". À ses yeux, la prise en compte des besoins locaux reste largement perfectible, le système national d'enregistrement (SNE), mis en place en 2011, commençant à montrer ses limites Aussi utile soit-il, ce dernier "ne saurait toutefois constituer l'unique moyen de connaître les besoins locaux".
De même, le rapporteur spécial estime que "le rôle des collectivités demeure trop en retrait", comme en témoigne notamment la répartition infrarégionale des aides par les préfets de région. Autre complication pour les collectivités : une gestion locale des aides à la pierre distincte de celle des aides provenant de l'Anru ou de l'Anah.
De façon plus large, le rapport estime qu'"il reste encore à l'État à accepter de déléguer une partie plus importante de la politique du logement aux acteurs locaux". Ceci suppose notamment de mener à son terme le processus de délégation des aides à la pierre aux collectivités territoriales ou à leurs groupements. Pour éviter les doublons, il conviendrait même de poser la question d'un véritable transfert de compétence, plutôt que la simple convention de délégation actuelle.
Pour le rapporteur, une telle évolution serait justifiée par le fait que "le rôle de l'État n'est plus proportionné aux moyens financiers et humains limités qu'il apporte".

Les principales recommandations du rapport
- Revenir à un fonctionnement "normal" du Fnap, avec un président en mesure de redonner au conseil d'administration une meilleure capacité de contrôle et d'impulsion.
- Améliorer la prise en compte des besoins locaux par un meilleur partage des différentes sources d'information et leur enrichissement par des études.
- Inclure la réhabilitation de logements locatifs sociaux dégradés parmi les opérations soutenues par le Fnap, en fonction des besoins et des coûts observés localement.
- Généraliser la délégation des aides à la pierre aux collectivités locales, avec instruction par le délégataire.
- Prendre en compte le niveau de consommation des crédits du Fnap par chaque région dans la définition des enveloppes budgétaires.
- Sécuriser les fonds sur le plan pluriannuel, simplifier et stabiliser les règles de répartition et d'utilisation.