Elan - France urbaine, l'ADCF, l'USH et la Fédération des EPL réclament "une approche davantage territorialisée des politiques du logement"
La démarche est inédite. L'ADCF, France urbaine, l'Union sociale pour l'habitat et la Fédération des EPL ont rédigé une contribution commune aux évolutions du secteur du logement social prévues par le projet de loi Elan sur lequel planche en ce moment la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Sans s'opposer de front au texte du gouvernement, ils suggèrent en douceur un nouveau cadre territorial de coopération dans lequel les collectivités seraient aux manettes.
Alors que le projet de loi Elan a débuté son marathon parlementaire, l’ADCF, France urbaine, l’Union sociale pour l’Habitat (USH) et la Fédération des EPL ont rédigé une contribution commune sur les dispositifs du texte concernant le logement social. Intitulée "Ancrer les politiques de l’habitat dans nos territoires", cette prise de position a l'ambition de "promouvoir ensemble une approche beaucoup plus territorialisée des politiques du logement, porteuse d’une nouvelle gouvernance publique et d’une meilleure adéquation avec les réalités locales".
Dans l'idéal, les quatre signataires verraient bien, dans la future loi Elan, un titre spécifique consacré à la gouvernance des politiques de l'habitat. Ils espèrent pour cela convaincre les parlementaires que "les évolutions de notre société et la forte différenciation des réalités locales imposent une plus grande décentralisation des responsabilités opérationnelles dans le pilotage des politiques du logement". Dès lors, il faudrait d'une part "formaliser le cadre territorial de coopération des opérateurs du logement social", via la création d'un outil de contractualisation, les "conventions territoriales de coopérations", et, d'autre part, "rénover" les comités régionaux de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) pour leur donner un rôle de "coordination territoriale".
Des "conventions territoriales de coopération" entre collectivités et bailleurs sociaux
L'ADCF, France urbaine, l'USH et la Fédération des EPL proposent un nouvel outil de contractualisation local : les "conventions territoriales de coopération" (CTC). Elles seraient créées à l’initiative des autorités organisatrices du logement et des organismes de logement social relevant de leur périmètre pour assurer la convergence de leurs objectifs. Dit autrement : les CTC assureraient la cohérence entre les politiques locales de l’habitat (traduites dans les programmes locaux de l'habitat, plans départementaux de l'habitat, conférences intercommunales du logement…) et les stratégies propres des organismes (traduites dans les plans stratégiques de patrimoine et les conventions d'utilité sociale).
Les conventions territoriales de coopération couvriraient trois champs : l’activité des organismes de logement social ; le développement de l’offre (locatif et accession) ; la politique de maintenance, la politique des loyers et l’accession sociale.
"Les collectivités doivent être pleinement associées à l’évolution du patrimoine des organismes"
De fait, les CTC aborderaient le sujet des regroupements des bailleurs sociaux, que la future loi Elan rendra obligatoire d'ici à 2021 pour les organismes gérant moins de 15.000 logements (avec des dérogations). Dans leur contribution commune au projet de loi Elan, l'ADCF, France Urbaine, l'USH et la Fédération des EPL ne s'opposent pas de front au regroupement et n'entrent pas dans les querelles de seuil (pour cela, voir notre encadré ci-dessous sur les débats en commission parlementaires). Ils affirment que "les collectivités locales doivent être pleinement associées à l’évolution du patrimoine des organismes de logement social pour le parc se situant sur leur territoire et à leurs actions en faveur des parcours résidentiels". Dès lors des "modulations" selon les spécificités locales ne seraient pas exclues...
Quoi qu'il en soit, les gros débats sur les regroupements de bailleurs se situeraient à une autre échelle : celle de la région.
Une commission spéciale "logement social" au sein du CRHH
L'ADCF, France urbaine, l'USH et la Fédération des EPL proposent en effet de "redynamiser" les comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement (CRHH) pour en faire "des instances collégiales pleinement décisionnaires" animés par le préfet de région, avec une commission spéciale "logement social" qui serait "un lieu de dialogue sur la restructuration du tissu". Cette commission spéciale serait composée des acteurs opérationnels de la politique du logement social : "les grandes villes, agglomérations et métropoles délégataires des aides à la pierre, les organismes de logements sociaux et les représentants de l’Etat". Elle "pourrait se prononcer sur la modulation, éventuelle, à la baisse du seuil de taille minimale d’un groupe fixé dans le projet de loi selon la réalité et les besoins du territoire et des organismes qui sont présents". Cette concession au texte déposé par le gouvernement serait indispensable à la réussite des regroupements, et donc la réussite de la réforme du tissu HLM qui "ne peut être construite sur un modèle unique piloté d'en haut".
"Les regroupements ne doivent pas être guidés par des logiques verticales et budgétaires ou, si ces logiques existent, leurs déclinaisons doivent être en lien avec les politiques territoriales de l'habitat", nous traduit Claire Delpech, experte à la fois sur les questions de finances et d'habitat à l'ADCF.
Un comité régional des financeurs
L'ADCF, France urbaine, l'USH et la Fédération des EPL jugeraient également "opportun" de réunir, au sein des CRHH, un comité régional des financeurs qui regrouperaient les services déconcentrés de l’Etat (dont les correspondants des agences nationales Anru, Anah...), les collectivités délégataires au sein de la région (communautés, métropoles ou conseil départemental), des représentants des collectivités non délégataires mais en charge des politiques locales de l’habitat, des représentants des départements, les représentants des organismes de logement social, d’Action logement, le directeur régional de la Caisse des Dépôts, l’établissement public foncier régional...
Concernant les collectivités régionales, ils estiment qu'elles devraient être impliquées dans la gouvernance des politiques de l'habitat au vu de leur responsabilité en matière de planification territoriale, à travers les Sraddet (schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires), ou son équivalent francilien le SRHH (schéma régional de l'habitat et de l'hébergement), ou les documents assimilables : schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif), schéma d'aménagement régional (SAR) en Outre-Mer, plan d’aménagement, de développement durable et d’urbanisme de la Corse (Padduc).
A noter que, "selon les réalités de chaque région, le comité régional des financeurs pourrait déléguer ses fonctions à des entités territoriales plus petites (métropole, agglomération ou département)".
Objectiver la répartition des aides à la pierre
Le comité régional des financeurs aurait pour tâche "la mise à plat des besoins locaux pour prendre au mieux en compte la diversité des réalités territoriales". Au travers cette formulation, il s'agirait notamment "d’objectiver" les travaux du Fnap (fonds national des aides à la pierre) et des préfets de région dans la répartition entre régions puis infrarégionale des aides à la pierre et dans la définition des types de programme à accompagner (démolitions, acquisitions-améliorations, logement très social, etc.).
A moyen terme, cette nouvelle gouvernance régionale des politiques de l’habitat permettrait "d’aller plus loin dans l’expérimentation, dans l’adaptation des zonages et des aides fiscales et/ou sociales aux réalités territoriales ainsi que dans les modalités d’application de la loi SRU sur les bassins de vie".
REGROUPEMENT ET SEUIL de 15.000 LOGEMENTS DEBATTUS MAIS PAS MODIFIES EN COMMISSION
Les députés de la commission des affaires économiques ont adopté, dans la nuit de mercredi 16 à jeudi 17 mai, l’article 25 du projet de loi Elan consacré au regroupement des organismes HLM. Sur les 151 amendements déposés sur cet article, ils en ont retenus 15*. Les (nombreuses) propositions de modification de seuil de regroupement, fixé à 15.000 logements, ont été repoussées par le gouvernement, ainsi que l'idée de laisser le préfet fixer un seuil, après avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH) pour "laisser l’intelligence des territoires fonctionner".
"Ce chiffre de 15.000 n’est pas sorti d’un chapeau", a insisté le secrétaire d'Etat à la cohésion des territoires Julien Denormandie. "L’objectif n’est pas tant la mutualisation des coûts […] car je ne crois pas que le regroupement fait faire des économies de gestion […] mais surtout le niveau de trésorerie : plus vous êtes gros, plus vous pouvez vivre avec un ou deux mois de trésorerie et non huit mois. Cela est vrai jusqu’à un certain seuil, qui, après de longues discussions avec les bailleurs sociaux, nous est apparu être celui de 15.000 logements, a-t-il expliqué, même s’il est très difficile de savoir si c’est le bon."
Les modalités de regroupement ont toutefois été adaptées pour les SEM, via plusieurs amendements de la rapporteure Christelle Dubos. A noter aussi que la représentativité des collectivités locales et des locataires au sein des futures Société anonyme de coordination (SAC) a également été précisée par amendement de la rapporteure.
* Localtis reviendra en détail sur tous les amendements adoptés en commission, dans une prochaine édition à paraître avant la discussion en séance publique prévue le 30 mai.
V.L. avec
AEF