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Culture - Aides au cinéma : supprimer la règle du "1 euro du CNC pour 2 euros de la région"

Aujourd'hui, lorsqu'une collectivité locale accorde 2 euros d'aides à la production cinématographique (courts et longs métrages) ou audiovisuelle, le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée) en verse automatique 1. Une mesure surnommée "1 euro du CNC pour 2 euros de la région", même si des départements (Alpes-Maritimes, Charente, Pyrénées Atlantiques..) et des villes (Paris, Strasbourg…) en bénéficient également via leurs fonds de soutien à la production cinématographique et plus récemment (et dans une moindre mesure) à la production audiovisuelle.

"Rigide" et "inflationniste"

"Le caractère rigide, inflationniste et automatique de cette règle la rend critiquable", considère la Cour des comptes dans son rapport rendu public, mercredi 2 avril, intitulé "Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle, des changements nécessaires". Un mécanisme contractuel qui "pousse à la surenchère", observe Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour (éducation, enseignement supérieur, recherche, jeunesse, sports, culture, communication), celle chargée des travaux ayant donné lieu au rapport.
La Cour recommande purement et simplement de mettre fin à cette mesure mise en place en 2001 "au profit d'un conventionnement au cas par cas des dispositifs les plus innovants". Elle observe en effet d'un très mauvais œil pour les comptes publics le fait que les aides accordées par les collectivités aient progressé de 7 millions d'euros à 47 millions d'euros entre 2002 et 2012. "Les collectivités doivent réduire la voilure", estime Patrick Lefas, rappelant qu'"elles doivent contribuer au rééquilibrage des comptes publics".

Une multiplication par sept des aides au niveau local

Les dépenses consolidées de l'Etat et des collectivités ont progressé de 15,58 millions d'euros en 2001 (soit un an avant la mise en place du "1 euro du CNC pour 2 euros de la région") à 112,81 millions d'euros en 2012, "soit une multiplication par sept du volume accordé au niveau local", calcule la Cour.
Elle concède toutefois que "accompagnant les initiatives isolées de quelques régions, la politique conventionnelle du CNC aura progressivement permis, au cours des deux dernières décennies, de structurer au niveau national une politique de soutien cohérente et homogène, conduite en partenariat avec l'ensemble des collectivités territoriales". Se gardant bien de "remettre en cause cette construction", la Cour persiste à estimer que "l'utilité de la subvention systématique apportée, sur fonds publics, à la politique publique menée au niveau local n'apparaît pas évidente".

Vers une logique de "territorialisation de la production"

Selon elle, "une intervention plus différenciée du CNC en faveur des collectivités permettrait de valoriser les avantages comparatifs des régions". Et de citer, pour avantages comparatifs : la présence de sites naturels pour la localisation des tournages, l'implantation d'industries techniques ou d'écoles de formation spécialisées, l'organisation de festivals thématiques, ou encore des partenariats historiques avec des pays frontaliers. La Cour observe également que certaines régions se démarquent d'ores et déjà par une spécialisation de leurs investissements, comme Rhône-Alpes pour l'écriture ou la région Centre pour le court-métrage.
Dans cette logique de "territorialisation de la production", la Cour recommande de concentrer les investissements consolidés de l'Etat et des collectivités "sur les avantages comparatifs des régions et sur leurs projets les plus innovants".

Un soutien sans commune mesure avec les performances du secteur

Les aides locales ne représentent que 4 pages du rapport qui en contient 200 (sans compter les annexes). Et la suppression de la règle du "1 euro du CNC pour 2 euros de la région" n'est qu'une des 21 recommandations du rapport.
Au niveau national, les magistrats de la rue Cambon observent avec dépit que le soutien à la production cinématographique et audiovisuelle est sans commune mesure avec ses performances. "L'évolution récente a principalement consisté en une augmentation très forte des aides publiques (+ 88% au cours de la dernière décennie, soit quatre fois plus que les dépenses de l'Etat), sans remise en cause ni révision du modèle, et sans que les résultats obtenus permettent d'en attester aujourd'hui la complète pertinence".
Dans le détail, le total des taxes affectées au CNC est passé de 440 millions d'euros à 750 millions d'euros entre 2002 et 2012, soit 70 % d'augmentation. "Dans le même temps, la dépense fiscale, très dynamique, est passée de 19 millions d'euros à 145 millions d'euros", fait remarquer la Cour. L'étude annuelle du CNC ne lui donne pas tort (voir notre encadré ci-dessous), en affichant une aide record en 2013 de 263,9 millions d'euros.

Valérie Liquet

La production audiovisuelle a reçu des aides record du CNC en 2013

Selon l'étude annuelle du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), publiée également mercredi 2 avril, l'ensemble des aides allouées par le CNC à la création et la production audiovisuelles a atteint un niveau record en 2013, avec une progression dans tous les genres de programmes. Les aides se sont élevées à 263,9 millions d'euros l'an dernier, en hausse de 7,5%, soit un niveau jamais atteint.
Dans le détail, au sein des aides à la production et la préparation, l'aide au documentaire a progressé de 7,3% à 96,8 millions d'euros, celle de la fiction de 6,9% à 81,5 millions, celle de l'animation de 6,5% à 42,7 millions et celle du spectacle vivant de 8,3% à 28,8 millions.
En volume, le CNC a soutenu la production de 5.427 heures de programmes, en hausse de 5,4% par rapport à 2012, un niveau également record depuis la création de son Fonds de soutien audiovisuel en 1986. Là aussi, tous les genres connaissent une augmentation, sauf le magazine d'intérêt culturel.
Par genre, la fiction a connu une quasi stabilité de son volume d'heures produites (+1,8%) à 782 heures, avec un recentrage sur les séries de 52 minutes (+28%) et les formats courts type "Nos chers voisins" (+18,2%).
Le volume d'oeuvres d'animation aidées a progressé de 9,1% (à 326 heures), et celui de captations de spectacles vivants de 13,8% (793 heures).
Pour le documentaire, le CNC a aidé 3.092 heures en 2013 (+5,8%), un niveau record depuis la création du fonds de soutien. Attention toutefois, prévenait Didier Migaud, le même jour, lors de la présentation à la presse du rapport thématique de la Cour des comptes sur les soutiens à la production cinématographique et audiovisuelle (voir notre article ci-dessus) : "un documentaire comme 'Parent solo cherche l'amour', produit en 2011 par M6, a reçu, selon les données du CNC, 36.000 euros d'aide publique sur un devis de 133.000 euros", alors que "les documentaires traitant d'histoire, de géographie, de voyages ou de spectacle vivant ne représentant désormais qu'un quart de la production documentaire".
Et de recommander "de rendre plus stricte la définition des documentaires de création éligibles aux aides".

Avec AFP
 

 

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