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Protection de l'enfance - Affaire Marina : la Cour de cassation exonère l'Etat de toute responsabilité

Le 8 octobre, la Cour de cassation a rejeté les pourvois de deux associations qui poursuivaient l'Etat pour faute lourde, eu égard aux dysfonctionnements sur la détection et la prise en charge d'une situation qui a duré plusieurs années.

En août 2009, Marina, huit ans, mourrait après une ultime séance de maltraitance. Depuis, la justice est passée sur cette affaire épouvantable et les deux parents ont été condamnés à trente ans de réclusion criminelle, dont vingt ans de peine de sûreté. Le 30 juin dernier, Marie Derain - la Défenseure des enfants et l'une des quatre adjoints du Défenseur des droits - présentait, devant les 7es Assises de la protection de l'enfance à Lille, les conclusions de la mission consacrée à l'affaire Marina (voir notre article ci-contre du 2 juillet 2014). Une description minutieuse et objective, qui mettait en évidence une accumulation de dysfonctionnements et d'incompréhensions, qui ont abouti à la tragédie.

Faire le nécessaire ?

Le 8 octobre, c'était au tour de la Cour de cassation de se prononcer sur l'affaire. En l'occurrence, la Cour a rejeté les pourvois de deux associations - Enfance et partage et Innocence en danger - qui poursuivaient l'Etat pour faute lourde, eu égard aux dysfonctionnements sur la détection et la prise en charge d'une situation qui a duré plusieurs années avant le décès de Marina (pour mémoire, l'enfant était née "sous X", avant d'être récupérée par sa mère naturelle, ce qui aurait déjà justifié un suivi).
Dans son arrêt, la Cour de cassation estime que l'Etat - à travers l'Education nationale - a fait le nécessaire. Il est vrai que les enseignants ont procédé à plusieurs signalements, même si l'audit de la Défenseure des enfants pointe un "dialogue dissonant" avec le médecin scolaire, ce qui a retardé le déclenchement du dispositif de protection de l'enfance. Le tragique de l'affaire - qui explique pour partie la position de la Cour de cassation - est qu'aucun des professionnels - travailleurs sociaux, médecins, gendarmes, juges... - ne s'est rendu compte que Marina protégeait ses parents, en donnant des explications à tous les faits inquiétants, aboutissant ainsi à un classement sans suite. Une vidéo de l'entretien de l'enfant avec une gendarme spécialisée avait d'ailleurs bouleversé la cour d'assises du Mans.

Et le département ?

Même si l'affaire est complexe et s'il est toujours facile de juger après coup, la décision de la Cour de cassation laisse perplexe. L'enquête de la Défenseure des enfants montre bien, en effet, l'accumulation des dysfonctionnements et des occasions manquées. Mais ceux-ci ne sont pas le seul fait de l'Etat. Ils pourraient concerner tout autant les services sociaux et la PMI du département de la Sarthe (et ceux des départements de résidence antérieurs), le centre hospitalier du Mans, la médecine scolaire, la justice, les services de police et de gendarmerie... La Cour de cassation a pu être sensible à cette focalisation sur le seul cas de l'Etat, qui ne constitue qu'un élément d'un tout.
Il reste qu'il est difficile d'oublier les propos de l'avocat général de la cour d'assises du Mans, lors du procès des parents en juin 2012, soulignant le "manque de clairvoyance des professionnels chargés de la protection des mineurs, dans lesquels j'inclus bien évidemment le parquet".
Maître Costantino, l'avocat d'Enfance et partage a jugé le verdict de la Cour de cassation "révoltant" et annoncé l'intention de l'association de saisir la Cour européenne des droits de l'homme. Echo assourdi de cette triste affaire, la récente proposition de loi relative à la protection de l'enfance - déposée par les sénatrices Michelle Meunier et Muguette Dini - prévoit un accompagnement systématique de la mère de naissance qui se rétracte après avoir accouché dans le secret, ainsi que la désignation, dans chaque service de PMI, d'un médecin référent pour la protection de l'enfance, chargé d'assurer le lien entre tous les acteurs médicaux ou à composante médicale (voir notre article ci-contre du 25 septembre 2014).

 

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