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Commande publique - Achat public et approvisionnement local des cantines : un guide pour lever tous les freins

"Trop souvent nous considérons qu'il n'est pas possible de donner toute leur place aux produits locaux dans nos cantines, en raison de freins juridiques. Il existe pourtant des dispositions qui le permettent", a expliqué Stéphane Le Foll,  ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, dans un communiqué du 2 décembre 2014. C'est notamment sur le fondement d'un tel constat qu'a été élaboré à partir de 2010 un guide pratique publié ce 2 décembre et intitulé "Favoriser l'approvisionnement local et de qualité en restauration collective". Cet outil apporte des réponses aux questions que se posent les gestionnaires de la restauration collective sur la manière de faire évoluer les pratiques tout en prenant en compte les dispositions du Code des marchés publics.
En effet, l'acheteur public doit parvenir à utiliser les circuits courts au bénéfice des politiques publiques (développement durable, égalité sociale, protection des consommateurs…) et doit également assurer son rôle de "maillon fondamental d'une chaîne économique". Le Code des marchés publics n'est donc pas censé représenter un frein à l'approvisionnement local. En effet, malgré l'interdiction d'utiliser l'origine du produit acheté comme critère d'attribution du marché, le CMP contient de nombreux outils "mobilisables aux différentes étapes de la commande publique". Ainsi la vraie problématique n'est pas le manque de moyens permettant de promouvoir les achats de proximité mais plutôt leur méconnaissance par les acheteurs publics.
L'objet de ce fascicule est donc de rappeler l'ensemble du cadre juridique de l'achat public et d'expliquer aux acteurs concernés les différentes étapes de ces marchés liés à une démarche d'approvisionnement de proximité, de la définition des besoins jusqu'au suivi de leur exécution, en passant par l'étape essentielle de la définition des critères d'attribution. Afin de faciliter la lecture du guide, celui-ci se compose de deux parties. La première porte sur "les conditions de réussite" de l'approvisionnement de proximité (connaissance de l'offre locale, organisation de la restauration, qualité des produits, approvisionnement significatif). La seconde partie traite des aspects méthodiques de l'achat public, soit comment "rédiger et organiser ses marchés" (cadre général, organisation et rédaction des marchés…).
Dans un communiqué du 3 décembre, l'Assemblée des départements de France (ADF) souligne "l'implication des départements dans des démarches exemplaires et innovantes concernant la restauration collective" et encourage tous les départements à s'inspirer des "pratiques exemplaires" existantes. "Dans les Pyrénées-Atlantiques, en Charente-Maritime, dans le Lot-et-Garonne" notamment, "certains établissements atteignent les objectifs du Grenelle en bio (soit plus de 20% des volumes d'achat) et s'attachent à utiliser des produits locaux", précise l'ADF qui "prend acte" de l'objectif du président de la République – rappelé par le ministre de l'Agriculture – "de parvenir à 40 % de produits dits de qualité (bio, produits localement, etc.) d'ici 2017 dans la restauration collective".
Ce guide est d'ores et déjà disponible sur le site internet du ministère de l'Agriculture. Il sera prochainement envoyé à tous les maires de France, aux présidents de régions et de départements. Un vaste chantier en perspective aux couleurs locales !

 L'Apasp

QUATRE QUESTIONS A UN EXPERT

Directeur des services au lycée polyvalent Beaupré - Haubourdin (Nord), Daniel Maslanka est aussi vice-président de l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp).

Sur un plan pratique, un acheteur public peut-il sans crainte acheter des produits locaux et quels sont les moyens que le Code des marchés publics met à sa disposition ?
Pour commencer, il faut préciser que le localisme reste interdit. La jurisprudence est constante en la matière. En revanche, un acheteur public peut invoquer la problématique des circuits courts, qui correspond à une définition tant de la DAJ que du ministère de l'Agriculture et de la Pêche. Selon eux, est considéré comme un circuit court "un mode de commercialisation des produits agricoles qui s'exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu'il n'y ait qu'un seul intermédiaire", étant bien entendu que le circuit court ouvre la voie à l'achat de proximité.
L'article 5 sur la prise en compte du développement durable mais aussi l'article 10 sur l'allotissement et l'article 53 sur les critères relatifs aux performances de développement des approvisionnements des produits d'agriculture sécurisent l'acheteur public. D'ailleurs, pour favoriser l'approvisionnement local et de qualité, le guide pratique du ministère de l'Agriculture le souligne à juste titre. Il s'agit là d'une protection des acheteurs publics non négligeable.

Pour les denrées alimentaires de proximité, pensez-vous que les producteurs ont la capacité de répondre à de nombreuses demandes ?
Les producteurs ne sont pas des professionnels de la commercialisation et de la logistique de livraison. Confrontés à des demandes fréquentes, ils risquent de rencontrer bien évidemment des difficultés. Leur développement passe par une organisation en amont. Le recours à des groupements de producteurs voire à des plateformes logistiques peut être une réponse. L'usage de site de rencontres entre producteurs et acheteurs publics est une piste qui se développe grâce aux chambres d'agriculture et aux collectivités territoriales qui ont lancé de nouveaux outils. Par exemple, le site Agrilocal26 du département de la Drôme soutient l'agriculture locale tout en donnant les moyens aux acheteurs publics de développer l'approvisionnement de proximité, dans le respect du Code des marchés publics.

Peut-on acheter en circuit court dans le cadre d'un groupement de commandes ?
Pourquoi pas dans le cadre de l'allotissement évoqué ci-dessus (article 10). Cependant, dans un groupement, un producteur va se trouver confronté à une pluralité d'acheteurs, ce qui peut le mettre dans l'incapacité à livrer régulièrement l'ensemble de ses clients. Sa réponse ne pouvant être individuelle, elle sera donc forcément collective. 

Quels conseils pourriez-vous donner aux acheteurs publics mais aussi aux producteurs locaux ?
Pour l'acheteur public, c'est la nécessaire connaissance du tissu local, c'est-à-dire le "sourcing", qui va lui permettre d'identifier les capacités des fournisseurs locaux à satisfaire ses besoins et d'allotir en conséquence et en toute sécurité juridique. Pour les producteurs locaux, il s'agit de mieux appréhender les attentes et contraintes des acheteurs publics. Des chambres d'agriculture se sont d'ailleurs engagées dans des actions d'information et de formation de producteurs aux règles applicables à la commande publique. L'organisation de salons professionnels favorisant la rencontre entre producteurs et acheteurs publics permet également de développer cette compréhension mutuelle.