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Alimentation - La filière fruits et légumes lance un appel aux collectivités

Alors que les producteurs de fruits et légumes se plaignent de la concurrence déloyale d'arrivages bradés venus d'Espagne, ils en appellent aux collectivités pour favoriser la production locale dans la restauration collective.

Des pêches aux nectarines en passant par les tomates : les étals regorgent de produits espagnols à prix cassés. Pour les producteurs de fruits et légumes hexagonaux, qui dénoncent un "dumping commercial", la coupe est pleine. Alors que la consommation est en baisse, ce sont les produits français qui font les frais de ces arrivages bon marché, estiment-ils. A leur demande, le ministère de l'Agriculture a organisé, lundi soir, une réunion de crise, en présence de Légumes de France, de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF) et de deux syndicats agricoles, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA). Stéphane Le Foll a annoncé à cette occasion que les contrôles allaient être "renforcés", "dans les transports et sur les marchés".
Les producteurs se plaignent de la présence sur le territoire national de camions étrangers sans bon de commande, sans acheteur déterminé, contrairement à ce que prévoit le droit commercial qui interdit de fixer le prix après la livraison. Ces camions cherchent à écouler leurs stocks dans les marchés de gros, les centrales d'achats… Selon le ministère de l'Agriculture, "ces deux dernières semaines, 150 camions ont été contrôlés et 10 infractions relevées, qui seront sanctionnées".
Plusieurs raisons expliquent cet afflux soudain de cargaisons étrangères. "Contrairement à l'année dernière, nous avons cette année une abondance de produits un peu partout. Parallèlement à cela, la situation tendue à l'Est fait que de nombreux marchés se sont fermés. Et on ramène tout en France. Il faut arrêter de faire de la France la terre d'asile de tous ces produits-là", tempête Jacques Rouchaussé, le président de Légumes de France. "A Alméria (sud de l'Espagne, ndlr), vous avez des mers de plastiques, ils produisent plus que nous mais sont moins nombreux. A un moment, il faut bien que ça déborde. Mais quand vous avez des produits qui ont parcouru 2.000 km, la fraîcheur, elle est où ?"
Les producteurs de fuits et légumes pointent également du doigt les grossistes et la distribution, qui tirent constamment sur leurs marges. Stéphane Le Foll, Arnaud Montebourg , le ministre de l'Economie, et Carole Delga, la secrétaire d'Etat chargée de la consommation, ont tapé du poing sur la table le 17 juillet pour dénoncer "les abus" constatés par la DGCCRF : "demande de baisse de tarif au lendemain de la signature du contrat, demandes de ristournes non prévues au contrat et sous la menace de rupture de déréférencement, remises différées supplémentaires, rétrocessions de chiffre d'affaire injustifiée, promotions additionnelle et non prévues, etc."
Pour Jacques Rouchaussé, la contractualisation entre distributeur et fournisseur, instaurée par le ministre de l'Agriculture de Nicolas Sarkozy Bruno Lemaire, "est un échec". "Cela ne marche pas, la clause de prix n'est pas respectée, c'est une usine à gaz", fustige-t-il.

"Sans faire du protectionnisme, soyons patriotes"

Alors comment redonner le goût de la production locale ? "Sans faire du protectionnisme, soyons patriotes", insiste Jacques Rouchaussé qui a demandé au ministre de l'Agriculture, lundi, de se pencher sur la rôle que les collectivités doivent jouer dans ce domaine. Il lui a ainsi rappelé l'objectif fixé dans le Grenelle de l'environnement d'atteindre 20% de production locale ou bio dans la restauration collective d'ici à 2012. Objectif repris depuis par le plan Ambition Bio 2017. "Je lui ai demandé si le ministère appliquait cette règle. 'Je pense', m'a-t-il répondu." "Dans les appels d'offres, les collectivités territoriales ou locales sont toujours contraintes à un certain prix. Les produits d'origine française sont toujours plus chers et ont du mal à passer. Un effort, un peu de cocorico, permettrait de combler la baisse de consommation tout en renforçant le territoire, les entreprises locales… C'est du développement durable", fait-il valoir. Un point important, car si le droit de la commande publique interdit de favoriser le "produit localement", le nouveau Code des marchés publics permet de prendre en considération le développement durable ou le progrès social (articles 5 et 6).

100% de bio dans les cantines de Saint-Etienne

Localement, le marché parvient à se structurer progressivement. La plateforme Agrilocal permet ainsi de mettre en relation producteurs locaux et acheteurs publics. Cet outil a été créé en 2013 par le conseil général de la Drôme en partenariat avec la chambre d'agriculture. Il comporte désormais 21 adhérents dont de nombreux conseils généraux, le Cantal, l'Orne, le Jura, l'Allier, le Doubs, les Côtes-d'Armor… Le site restaurationbio.org recense pour sa part les initiatives de restauration collective qui s'appuient sur de la production bio locale. De grandes villes, comme Saint-Etienne, ou petites, comme Langouët (Ille-et-Vilaine) ou Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes), revendiquent aujourd'hui de proposer 100% de leurs repas en bio, dont une bonne part en production locale. Avec cette particularité pour Mouans-Sartoux de posséder son propre potager municipal. A Saint-Etienne, 41% des approvisionnements sont assurés en circuit court. "Souvent l'introduction des produits bio dans la restauration collective amène une réflexion globale sur la manière d'assurer les approvisionnements, de préparer et de structurer les repas, sur l'environnement et le développement durable de l'établissement", souligne l'Agence Bio selon laquelle, début 2014, 59% des établissements de restauration collective proposaient des produits bio, au moins ponctuellement. Parmi eux, ce sont les cantines les plus en pointe avec 8 établissements sur dix. 83% des produits bios servis dans ces établissements ont une origine française. Au plan national, le volume d'achats en bio dans la restauration collective est passé de 5 à 12% entre 2008 et 2013 pour un total de 172 millions d'euros. Pour atteindre les 20%, "il y a encore beaucoup à faire", estime Jacques Rouchassié. "Il faut par exemple réinstaller de vrais cuisiniers pour travailler les produits en l'état. Dans certaines cantines qu'on a pu approvisionner, il n'y a pas de gaspillages. Les enfants sont heureux de manger des produits qu'ils n'avaient jamais auparavant. Il faudrait multiplier ces initiatives pour redonner la fierté de nos produits. Les enfants sont les consommateurs de demain."
Mi-septembre, Stéphane Le Foll organisera un point sur la santé économique du secteur. Jacques Rouchaussé entend de son côté prendre rendez-vous avec "l'ensemble des associations de maires de France pour mettre carte sur table". "Les collectivités ont des budgets très restreints. Mais il faut aussi voir tout ce qui peut être économisé."