Accès aux soins : les sénateurs adoptent sans conviction la proposition de loi Valletoux
Le texte remanié ne satisfait pas complètement les sénateurs qui l’ont adopté. Si certains considèrent qu’un "équilibre" a été trouvé pour améliorer l’accès aux soins tout en préservant la liberté des professionnels, d’autres estiment que, "faute de vision globale", il ne règlera pas les problèmes.
A la veille de l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie, et après l’échec des négociations 2022-2023 ayant conduit à la publication d’un règlement arbitral en avril 2023, les sénateurs ont eu à cœur de ménager les médecins. C’est donc une version édulcorée de la proposition de loi "visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels" (PPL Valletoux) qu’ils ont adoptée le 25 octobre 2023, globalement en phase avec le gouvernement mais sans les voix de la gauche (opposition des groupes socialiste et communiste et abstention du groupe écologiste).
Permanence des soins : priorité au volontariat des médecins et établissements
Par rapport au texte adopté en juin par les députés (voir notre article), le Sénat a notamment "rejeté l’adhésion automatique des professionnels de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), jugée contreproductive".
Concernant la participation de tous les médecins et des cliniques privées à la permanence des soins, les sénateurs ont insisté sur la nécessité de privilégier le caractère "volontaire" de cette contribution. Selon les termes retenus, en cas de carences constatées dans la couverture des besoins du territoire, le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) "invite" les établissements de santé et représentants des professionnels à "répondre aux nécessités d’organisation collective de la permanence des soins". Par la suite, c’est en cas de "carences persistantes" que l’ARS "peut désigner les établissements de santé chargés d’assurer la permanence des soins". Dans son communiqué, le Sénat estime ainsi assurer "la gradation et la cohérence du dispositif".
Présentant ses "excuses sur le calendrier", le ministre de la Santé Aurélien Rousseau a rappelé que la permanence des soins en établissements de santé (PDSES) "est un sujet de crispation au sein des négociations conventionnelles" et que la réponse graduée vise à "répondre aux craintes des médecins". "Les professionnels appellent, avec la plus grande sincérité, à ce qu'on les laisse s'organiser volontairement. En Occitanie, par exemple, la grande distance entre les établissements de Mende et de Montpellier exige qu'on les laisse s'organiser", justifie-t-il. Mais, en l’absence d’organisation volontaire de la PDSES, le directeur de l’ARS peut arrêter, "de manière contraignante", un schéma d’organisation.
D’autres mesures ont été adoptées pour libérer du temps médical aux médecins ou encore "[étendre] le recours à l'intérim au champ des établissements accompagnant des enfants en situation de handicap". Par amendement gouvernemental, l'allocation mensuelle de 1.200 euros bruts prévue par le contrat d'engagement de service public (CESP) pour les étudiants en médecine a été étendue aux étudiants de pharmacie et de maïeutique, pour favoriser l’installation de ces derniers dans des territoires sous-dotés.
Portés par les groupes d’opposition, les amendements destinés à réguler l’installation des professionnels ou encore à ajuster l’offre de formation aux besoins des territoires n’ont, sans surprise, pas été adoptés.
"Il faudrait un projet de loi digne de ce nom"
"Ce texte n'apporte aucune réponse à la hauteur des besoins", a déploré le sénateur Patrice Joly (socialiste, Nièvre), le jugeant "dénaturé" par rapport à la version issue du vote des députés. "Entendez la détresse des élus !", a embrayé sa collègue Émilienne Poumirol (socialiste, Haute-Garonne), dénonçant la recherche d’équilibre entre liberté des médecins et intérêt général. "La médecine n'est pas un commerce, c'est un service public !", s’emporte celle qui a exercé cette profession.
"Le Sénat a mis un peu de bon sens et su écarter les mesures inutiles et irritantes pour les professionnels", considère à l’inverse Jean Sol (LR, Pyrénées orientales). Mais, même dans les rangs centristes et LR, le vote s’est fait sans enthousiasme. "Au lieu d'une proposition de loi mal ficelée, nous aurions pu étudier ces mesures dans le PLFSS ! ", regrette Elisabeth Doineau (UC, Mayenne). Jusqu’à Philippe Mouiller (LR, Deux-Sèvres), président de la commission des affaires sociales, qui conclut : pour résoudre "de grands problèmes : désertification, situation des professionnels, inquiétude des élus locaux (…) il faudrait un projet de loi digne de ce nom, qui traiterait des enjeux dans leur globalité. Certes, le texte comporte des mesures intéressantes, mais c'est une litanie : faute de vision globale, nous ne réglerons pas les problèmes."