Accès aux soins : Élisabeth Borne veut "agir" où elle peut
L’accès aux professionnels de santé ne devrait commencer à s’améliorer que d’ici une dizaine d’années, selon les dernières projections de la Drees. Le gouvernement mise donc sur le renforcement des compétences d’acteurs tels que les pharmaciens, qui vont être autorisés à délivrer dans certains cas des antibiotiques. Élisabeth Borne vient d’annoncer également une meilleure rémunération du travail de nuit, le dimanche et les jours fériés pour les infirmiers et aides-soignants et des gardes et astreintes pour les médecins. Autre levier : la flexibilité au niveau territorial, avec la publication cet été d’une instruction sur le nouveau droit de dérogation accordé aux agences régionales de santé.
Encore une dizaine d’années difficiles en matière de démographie médicale et davantage pour une amélioration significative de l’accès aux professionnels de santé. Selon les dernières projections de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees, ministères sociaux), les effectifs de médecins devraient stagner jusqu’en 2027, avant d’augmenter de façon "assez importante" jusqu’en 2050 (+ 1,7% en moyenne entre 2030 et 2050). Toutefois, la "densité médicale standardisée" - qui prend en compte l’augmentation et le vieillissement de la population - ne retrouverait son niveau de 2021 qu’en 2032, avant de "[repartir] à la hausse pour être supérieure de 31% à la densité actuelle en 2050", développe la Drees. Au 1er janvier 2023, plus de 230.000 médecins en activité – dont 99.500 généralistes et 130.700 spécialistes – étaient recensés, ainsi que 45.200 chirurgiens-dentistes, 24.600 sages-femmes et 73.400 pharmaciens.
Dans ce contexte, "sans attendre le plein effet de la levée du numerus clausus lors du précédent quinquennat, on doit agir", a affirmé la Première ministre le 31 août à Rouen, annonçant une nouvelle mesure destinée à faciliter l’accès aux soins courants. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, les pharmacies vont être autorisées à délivrer directement, après un test de diagnostic, des antibiotiques pour des angines et des cystites. Cela "dans le prolongement des vingt actes médicaux déjà simplifiés (renouvellement de prescription de lunettes chez l’opticien, vaccin contre la grippe ou le DT polio en pharmacie…)" ou encore de la loi Rist permettant l’accès direct à des infirmiers en pratique avancée (IPA), masseurs-kinésithérapeutes (dans la limite de huit séances par patient) et orthophonistes (voir notre article).
Mieux rémunérer le travail de nuit pour recruter davantage de soignants
Sur le recrutement de soignants dans les hôpitaux pour garantir la permanence des soins, suite aux mesures transitoires qui avaient été mises en place par François Braun à l’été 2022 (voir notre article du 11 juillet 2022), Élisabeth Borne a présenté un nouveau dispositif de valorisation du travail de nuit, le dimanche et les jours fériés. Pour les personnels non-médicaux, le travail de nuit sera rémunéré 25% de plus que le jour, ce qui équivaut selon Matignon à environ 300 euros bruts mensuels supplémentaires pour une infirmière en milieu de carrière effectuant une douzaine de nuits par mois. Concernant les médecins, un alignement entre privé et public est annoncé : "la revalorisation de 50% des gardes est pérennisée et élargie au secteur privé" et la rémunération des astreintes "sera revue pour permettre un alignement par le haut sur le système qui existe dans le secteur privé", précise le communiqué. Avec un objectif résumé par Matignon : que la charge de la permanence des soins "soit assurée par un plus grand nombre de professionnels", quel que soit leur statut.
La Fédération hospitalière de France a salué l’annonce de ces mesures de valorisation de la pénibilité "demandées de longue date". La FHF sera "vigilante quant au financement de ces mesures dans un contexte budgétaire difficile" ; le coût est estimé par le gouvernement à 1,1 milliard d’euros en année pleine.
Une instruction sur le nouveau droit de dérogation accordé aux ARS
Autre outil plus spécifiquement destiné aux politiques régionales de santé : le nouveau droit de dérogation à des normes réglementaires accordé aux directeurs généraux des agences régionales de santé (voir notre article du 13 avril 2023) a fait l’objet d’une instruction publiée au Bulletin officiel des ministères de la Santé et des Solidarités du 31 juillet dernier. Le texte liste sept "matières" pouvant donner lieu à dérogation, dont les autorisations accordées pour la création et l’activité des établissements de santé et des établissements et services médico-sociaux (ESMS), "la répartition territoriale de l’offre de prévention, de promotion de la santé, de soins et médico-sociale" ou encore "la mise en œuvre d’un service unique d’aide à l’installation des professionnels de santé". L’instruction décrit les conditions de mise en œuvre de ces dérogations et les procédures prévues.
Alors qu’une réunion plénière du Conseil national de la refondation (CNR) sera prochainement présidée par Emmanuel Macron, une poursuite de la dynamique des CNR territoriaux santé est attendue avec, selon Matignon, la possibilité de "mettre en place beaucoup de choses sans passer par la loi". Adopté en juin par l’Assemblée (voir notre article), la proposition de loi Valletoux "visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels" n’a elle pas encore été programmée à l’agenda du Sénat.