CNR Santé : François Braun appelle à déployer les "solutions territoriales"
Dressant à la fois un bilan des concertations territoriales du CNR Santé et un point d’étape de sa feuille de route, le ministre de la Santé, François Braun, a dit croire, ce 3 mai, en l’efficacité de la coopération sur les territoires. Via une boîte à outils destinée à diffuser des pratiques territoriales, mais également plusieurs mesures législatives en cours d’examen ou bientôt discutées, ainsi que sur la base de plusieurs missions, le ministre met en avant des avancées possibles sur l’accès à la santé dans tous les territoires.
Après sept mois de concertation et quelque 250 réunions territoriales, le bilan et les perspectives du Conseil national de la refondation (CNR) Santé ont été tracés, le 3 mai 2023 à Paris, par François Braun. Dans un long discours prononcé devant des professionnels, élus et citoyens ayant pris part à la concertation, le ministre de la Santé et de la Prévention est également revenu sur la mise en œuvre de sa feuille de route pour lutter contre les inégalités d’accès à la santé.
"L’avenir est dans la coopération : entre médecins et soignants, entre ville et hôpital, entre soignants et personnels administratifs", résume-t-il, rappelant préférer "la confiance dans les territoires" et "le dialogue et les responsabilités partagées" à la défiance et la coercition.
Doubler le nombre de maisons de santé pluriprofessionnelles d’ici 2026
Le ministre de la Santé souhaite ainsi que "les CNR territoriaux soient le lieu où les coopérations de toute nature trouvent du soutien", en particulier sur l’exercice coordonné et pluriprofessionnel jugé nécessaire pour répondre à la fois "aux carences observées dans l’accès aux soins" et "aux aspirations des soignants eux-mêmes". François Braun salue ainsi "la réussite des maisons de santé pluriprofessionnelles" (MSP), l’objectif fixé étant de passer de 2.000 MSP actuellement à "au moins 4.000 d’ici 2026".
Cette évolution va de pair avec le déploiement de nouveaux métiers : les infirmiers en pratique avancée, les assistants médicaux – l’objectif est d’atteindre le chiffre de 10.000 d’ici fin 2024 – et les assistants dentaires de niveau 2. Sur ces enjeux, fixant selon le ministre "un cadre plus souple pour avancer dans les territoires", la proposition de loi sur l’accès aux soins (voir notre article) portée par la députée Renaissance Stéphanie Rist devrait être définitivement adoptée le 10 mai prochain.
PPL Valletoux, "la pérennisation très concrète" des CNR territoriaux
Et les discussions parlementaires pourraient embrayer assez vite sur la proposition de loi (PPL) visant à "améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels", portée par le député Horizons Frédéric Valletoux et mise en avant par la Première ministre lors de la présentation de sa feuille de route des "100 jours à venir" (voir notre article). Ce texte prévoit notamment le rattachement de tous les professionnels de santé aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et l’interdiction de l’intérim pour les professionnels médicaux et paramédicaux en début de carrière. Soit des objectifs qui rejoignent complètement ceux de François Braun, qui dit voir dans cette PPL "la pérennisation très concrète de cette démarche portée par les CNR territoriaux".
La pérennisation des CNR territoriaux dans tous les départements (voir notre article) et la poursuite des discussions entre les acteurs doivent aussi favoriser l’attribution d’un médecin traitant à chaque personne atteinte d’une affection longue durée – selon le ministre, il s’agit actuellement de "la plus grosse opération d’aller-vers ces concitoyens qui sont loin du soin depuis la crise sanitaire Covid".
Médiation en santé et guichet unique d’aide à l’installation des médecins
L’enjeu est ainsi plus globalement d’accélérer sur la médiation en santé, alors que 20% des Français sont identifiés par le ministère comme "éloignés de notre système de santé". François Braun annonce avoir missionné sur le sujet le docteur Philippe Denormandie, Alexandre Berkesse (Capps Bretagne et enseignant à l’EHESP) et Émilie Henry (directrice qualité et recherche en santé à l’association Sidaction.)
Autre sujet d’importance pour les collectifs locaux : la création d’un guichet unique dédié à l’installation des médecins. À l’instar de Présence médicale 64, un dispositif créé en 2019 par le département des Pyrénées-Atlantiques avec l’agence régionale de santé (ARS) pour accueillir et accompagner les internes et les médecins généralistes sur le territoire ; la démarche a été présentée le 3 mai 2023 comme un projet territorial emblématique du CNR Santé.
En tout, une centaine de projets "opérationnels" auraient émergé – ou auraient été mis en lumière – dans le cadre des concertations et le ministre de la Santé entend les valoriser et les diffuser à travers une "boîte à outils de solutions territoriales". Concrètement, selon l’entourage du ministre, cette boîte à outils devrait se matérialiser par des supports en ligne, des fiches sur les projets mais également des formations sur les méthodes de concertation pour "prolonger cet esprit du CNR".
Permanence des soins : avoir un service d’accès aux soins dans tous les départements d’ici fin 2023
Aux efforts territoriaux, doivent répondre des mesures portées nationalement dans le cadre de la feuille de route du ministre, en particulier sur les parcours de soins.
Sur les services d’urgences, François Braun porte l’ambition de généraliser le service d’accès aux soins (SAS) dans tous les départements d’ici la fin de l’année 2023. Cela pour désengorger les services d’urgences d’ici fin 2024, comme s’y est engagé Emmanuel Macron. "Yes we can", affirme le ministre de la Santé, précisant qu’"aujourd’hui, un peu plus de 50% de la population de notre territoire est couverte par le service d’accès aux soins". Cela passe notamment par des moyens supplémentaires pour former et recruter des assistants de régulation médicale – activité "devenue une profession de santé à la faveur de la loi Rist" – via une campagne de communication et l’ouverture de nouveaux centres de formation.
"Plus globalement, et toutes les réunions CNR l’ont dit : il nous faut un contrat clair dans les territoires sur la permanence des soins dans les établissements de santé", affirme François Braun. Sur la base d’un rapport Igas qu’il recevra prochainement, le ministre de la Santé promet sur le sujet un "nouveau cadre d’action" avant l’été, impliquant la contribution des acteurs privés et "une meilleure valorisation de l’effort consenti".
Maternités : une mission pour identifier les organisations territoriales innovantes
Sur les parcours de soins, le ministre lance une autre mission, confiée à des élus et des professionnels, sur les maternités, la santé des femmes et des nouveau-nés, dans le but d’"identifier les organisations innovantes qui fonctionnent dans une approche territoriale, mais également améliorer les conditions d’exercice des professionnels et favoriser par exemple l’exercice mixte ville / hôpital, pour les sages-femmes".
Troisième secteur sous tension mis en avant par le ministre : la psychiatrie et notamment la pédopsychiatrie, avec des propositions demandées à la Commission nationale de la psychiatrie "sur une adaptation des effectifs à la charge en soins, ou d’autres mesures d’attractivité pour les professionnels du secteur". Préparées par le professeur Christèle Gras Le Guen et l’ancien ministre Adrien Taquet, les assises de la santé de l’enfant et de la pédiatrie auront également un chapitre dédié à la pédopsychiatrie.
François Braun a plus généralement appelé de ses vœux l’avènement de "l’hôpital territorial", estimant que des réformes telles que le plafonnement des tarifs de l’intérim à l’hôpital était "un démonstrateur typique de cet état d’esprit territorial". Le ministre a évoqué de nombreux autres points de sa feuille de route, sur le 100% Santé, la reconnaissance des soignants hospitaliers via le dialogue social et notamment la valorisation du travail de nuit, la négociation également avec les libéraux, le financement des établissements de santé, le numérique en santé ou encore le lancement, le 12 mai prochain, de travaux sur la "refonte du métier d’infirmier".
La prévention "fera l’objet d’un premier comité de pilotage national dans les prochaines semaines", précise encore le ministre de la Santé, pour tirer en particulier les leçons des Assises de la pédiatrie et pour préparer des réformes telles que les bilans de prévention aux âges clefs de la vie.