Accès aux soins : la proposition de loi Valletoux définitivement adoptée

Lutter contre les déserts médicaux et responsabiliser davantage les praticiens sans irriter le secteur : la proposition de loi de Frédéric Valletoux sur l'accès aux soins a été définitivement adoptée par le Parlement lundi 18 décembre malgré la déception de la gauche, qui juge les mesures insuffisantes.

Un ultime vote au Sénat, quelques jours après celui de l'Assemblée nationale, a mis un terme à de vifs débats entamés en juin sur cette proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires. Le texte du député Horizons (majorité présidentielle) Frédéric Valletoux, ancien président de la Fédération hospitalière de France (FHF) et ancien maire de Fontainebleau, a été adopté à 241 voix contre 81. Il faisait l'objet d'une dernière lecture dans les deux chambres après la commission mixte paritaire qui s'était réunie le 6 décembre.

La ligne de crête était ténue pour ce texte soutenu par le gouvernement : les discussions ont eu lieu dans une période tendue pour les syndicats de médecins, qui tentent de négocier une revalorisation des consultations avec l'Assurance maladie. Ils ont maintenu une grande vigilance sur l'examen parlementaire, craignant des mesures coercitives qui auraient renforcé leur défiance vis-à-vis de l'exécutif. Pour répondre aux besoins de santé, "il conviendrait de nous donner des moyens plus que des obligations", a réagi l'Union régionale des professions de santé - médecins libéraux d'Île-de-France, évoquant quelques "articles vexatoires".

Plusieurs exigences des praticiens ont néanmoins été entendues : aucune mesure de régulation de l'installation des médecins n'a été conservée dans la version soumise au vote, au grand dam d'une partie de la gauche qui souhaitait contraindre les professionnels à s'établir dans les déserts médicaux. Le Parlement a choisi "la confiance plutôt que la contrainte", a résumé lundi la sénatrice Les Républicains Corinne Imbert, chargée de la proposition de loi au Sénat.

"C'est un texte certes partiel qui ne répond pas à tous les maux du système de santé", mais il est "pragmatique et concret" et permettra de "décloisonner, territorialiser" le système "et donner plus d'oxygène à ceux qui prennent en charge nos concitoyens", a souligné Frédéric Valletoux après l'adoption à l'Assemblée.

Le Parlement s'est notamment saisi du dossier de la répartition de la permanence des soins : la charge des gardes de nuit et de week-ends sera rééquilibrée entre le secteur de l'hôpital public et des cliniques privées. Le mécanisme prévoit une grande liberté d'organisation entre établissements, mais en cas de carence, l'agence régionale de santé (ARS) aura un pouvoir renforcé pour en désigner certains en dernier recours. La profession dit qu'elle sera vigilante sur les décrets d'application sur ce point : "Ce qui pourrait nous mettre en colère c'est qu'on rétablisse une certaine forme d'obligation", explique à l'AFP Patrick Gasser, président du principal syndicat de spécialistes Avenir spé. "Cela mettrait en l'air les négociations conventionnelles."

Ce texte "va dans le bon sens" mais il reste "au milieu du gué", a pour sa part expliqué à l'AFP Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP). "Pour favoriser une pleine coopération entre les acteurs de santé, et passer d'une culture de l'offre à une culture de la demande, il faut rénover le service public hospitalier actuel", a-t-il ajouté.

Autre point chaud, l'adhésion automatique des médecins à des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) censées faciliter la coordination à l'échelle du territoire n'a pas été retenue dans la version finale.

Le texte élargit par ailleurs les compétences des infirmiers avec la création du statut "d'infirmier référent" qui exercera une mission de suivi et de renouvellement des prescriptions pour les patients chroniques.

Le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a salué "une ambition, celle d'accélérer le décloisonnement de notre système de santé avec des solutions concrètes pour améliorer l'accès aux soins". Une formule qui n'a pas convaincu une partie de la gauche : les socialistes et les communistes ont voté contre au Sénat. "Nous sommes condamnés à des rustines", sans "l'ombre de mesures de régulations de l'installation des praticiens", a dénoncé la communiste Céline Brulin.